Chapitre 26

Ou l'on voit qu'il est toujours possible de rendre le monde meilleur.

Ils étaient huit, seuls au monde..
Jaurès de l'Avenue, in La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, le monde était presque parfait.

Mais pas tout à fait.

Il y avait d'abord tous ces esclaves venus de l'étranger qui s'acharnaient stupidement à envahir Europe.

Et tous ceux qui restaient chez eux, et qui se laissaient insolemment décéder de faim, de soif ou d'ennui  pour plonger le reste du monde dans l'embarras.

Un peu de la manière dont les enfants font des caprices, en refusant de respirer et en devenant tout rouges, voyez.

Des gamins, vraiment.

Il y avait aussi les républicains du China, qui insitaient pour vendre des chemises, alors qu'à cause de la canicule, on était déjà bien assez habillé.

Et qui refusaient, de surcroît, d'acheter des Raibus, une sorte d'aéronef à huile de pétrole de cette époque, dont on était très fier parce qu'on en avait un plus gros que ses camarades, démontrant ainsi une virilité supérieure.

Les républicains du China avaient la réputation peu enviée d'en avoir de tout petits, ce qui les rendait jaloux, méchants et agressifs.

Il y avait encore Minimir des Poutines, qui passait tout son temps à rétablir l'ordre, mais à qui on ne pouvait rien dire parce c'était lui qui conduisait la pompe à pétrole, et que tout le monde avait de l'affection pour lui à cause de cela.

Et les magasins Darfour, qui n'étaient jamais ouverts quand on en avait besoin, et que les clients crevaient la dalle devant l'entrée en attendant que ça ouvre.

Bref, le monde allait bien, mais causait en permanence d'agaçantes contrariétés.

Heureusement, Nicolas de Sarcotie, qui se préoccupait du moindre détail, avait inventé le G8.

Cela consistait à convoquer tous les meneurs qui posaient problème et à les gronder devant tout le monde.

Beaucoup ne supportaient pas de se voir ainsi tancés en public, ils pleuraient beaucoup et se repentaient considérablement.

Nicolas de Sarcotie avait posé des exigences très précises pour les G8.

D'abord, ils devaient être organisés sur des sommets, ce qui obligeait les participants à s'entrainer durement à l'escalade, car tous n'avaient pas les dispositions physiques avantageuses du jogger d'élite qu'était Nicolas de Sarcotie.

Les buffets, ensuite, devaient être abondamment garnis de toutes les boissons possibles et imaginables, car si Nicolas de Sarcotie ne buvait jamais, il en appréciait l'odeur avec le nez d'un connaisseur.

Les sommets des G8 devaient en outre être soigneusement garnis de cortèges de partisans enthousiastes (ils n'étaient guère difficiles à trouver) volontaires pour témoigner leur attachement aux participants par des manifestations gymniques et festives, des pétards et des feux d'artifices.

Chacun devait, de préférence, venir déguisé, muni de banderoles et de calicots portant des paroles de bénédiction.

Mais les G8 n'étaient pas qu'une occasion de fête.

Le plus souvent, ils donnaient lieu à des prises de décisions importantes.

On faisait une liste de problèmes, en négociant longuement pour sélectionner ceux qui étaient importants et ceux qui ne l'étaient pas.

On convenait  de réunir un nouveau G8 l'année suivante, pour s'assurer que la liste des problèmes n'avait pas évolué, et pour négocier sa mise à jour éventuelle.

Les Europains et toute la planète était très attachée aux G8 de Nicolas de Sarcotie.

Ainsi, en hommage aux G8, Raibus (la compagnie qui fabricait les Raibus) avait appelé Pouère 8 son fameux plan d'optimisation qui lui avait permis de se débarrasser de ses esclaves superflus.

Le fameux Raibus 380, le train le plus rapide de l'est.