Il avait inventé une machine à exterminer les cons.

Les cons, c'était un sujet concernant, tout de même !
On a tous quelque chose à reprocher à des cons.

Ils font chier ces cons, merde !
A force d'irritations répétées de l'intestin, il avait fini par se convaincre qu'ils contribuaient à l'augmentation du cancer du côlon.
Au moins autant que la viande rouge.

Les exterminer à la machine, c'était une idée bizarre, mais au fond, quand on y réfléchissait, des cons, il y en avait tellement qu'à tout prendre, il valait mieux les éliminer industriellement.
Sinon, il y en avait pour des milliers d'années.
C'était un concept qui se tenait.

Surtout qu'ils semblaient se multiplier.

Et puis on ne savait pas grand chose de leur biologie.
Le gène n'avait jamais été identifié.
A se demander où passaient nos impôts.
On ne savait même pas s'il y avait des chercheurs qui bossaient là-dessus.
A croire que tout le monde s'en foutait.
On ne savait même pas comment ils se reproduisaient.
S'ils se reconnaissaient entre eux, s'ils se choississaient.

Parce que familles de entières cons, il en connaissait.
Le temps ne faisait rien à l'affaire.
Quand ils étaient cons, ils étaient cons.
C'était comme au jeu des 7 familles.
Y avait les vieux cons, les pauvres cons, les sales cons et les affreux petits cons.
Disponibles en mâle et en femelle (avec des nuances de style très subtiles).
Ca créait une sorte d'émulation familiale, et en groupe, ils étaient encore plus cons.

A l'âge adulte, leur instinct grégaire les poussait à reconstituer cette ambiance, et à se regrouper, alors ils formaient des clubs, des équipes, sous n'importe quel prétexte.
Plus le motif était consternant, plus ça semblait les motiver.

Donc, pour faire une machine à exterminer les cons, il fallait des capteurs, avec une technologie pour les identifier au milieu de la population.
Ce n'était pas si facile.
Il y avait des gens avec une tête de con, ceux-là, c'était facile, on pouvait les éliminer directement.
Mais ça ne représentait pas la totalité de la population, loin s'en fallait.
Fondamentalement, la connerie, c'était une manière de décrire des comportements.
Variés.
Ca ne lui était pas d'un grand secours.

Il y a quand même passé des années.
Il a pondu une monographie sur le sujet, que personne n'a voulu publier.
C'est comme ça qu'il a compris que les éditeurs étaient tous des cons, eux aussi.

Pour sa machine, il fallait aussi un système pour procéder à l'élimination.
Il avait rêvé d'un système qui pourrait détruire la connerie, en laissant l'individu intact.
Mais il se voyait avancer en âge, et sentait ses forces décliner.
Il avait donc opté pour un système avec de larges pinces à saisir les cons, et une large cuve pour traiter plusieurs patients en même temps.
A l'arrière, une large buse permettait l'évacuation de la connerie, finement broyée et mêlée à la viande hachée.
Cela produisait une excellente pâtée pour cochons.
Des tests cliniques avaient prouvé que ce type de régime n'affectait pas la qualité de la viande des porcs, qui avaient naturellement tendance à devenir plus cons, au fur et à mesure qu'ils devenaient plus vieux.
On gagnait en plus la possibilité d'obtenir des porcelets au goût de vieux con, pour lesquels on trouvait facilement un débouché, notamment auprès des riches touristes du Qatar.

Enfin, pour le fonctionnement de l'ensemble, il avait imaginé de récupérer des monceaux de tickets de jeux à gratter, qu'on trouvait assez facilement autour des lieux où les cons avaient l'habitude de se rassembler pour se ressembler.
Les tickets étaient brûlés dans un petit incinérateur, muni de filtres de façon à n'émettre que des rejets propres.

Puis un jour, il a testé sa machine, et il est mort.