Quintescenteries

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dimanche 25 juin 2006

quintescent major de l'X

Moi, j'ai connu quintescent sur un tournage de film X.

A l'époque, je commençais à avoir une petite notoriété dans ce milieu (même si dans ce domaine-là, les filles sont beaucoup plus connues et mieux payées que les mecs).

J'avais déjà une demi-douzaine de films à mon actif. C'était déjà pas mal, car on n'en tournait qu'un ou deux par mois.
A l'époque, les acteurs ne recouraient pas systématiquement recours à la cocaïne, et le Viagra n'existait même pas.
Le SIDA, on n'y pensait guère.
On avait tout de même quelques trucs pour proposer une prestation honorable presque à tous les coups.
Les gars étaient des professionnels, et les budgets étaient minuscules.
Les tournages étaient dans la boîte en quelques heures, et on ne pouvait pas attendre tranquillement que les acteurs se mettent en forme.
C'était très particulier comme boulot, mais considérait ça vraiment comme un boulot à part entière.

On avait tous un pseudo, vaguement américain, ou inspiré du nom d'acteurs américains.
Moi, on me l'avait choisi un dimanche, et il y avait la série Magnum qui passait à la télé.
Alors je m'appelais Tom Sellaqueue.
Ouais, on n'avait pas une imagination débordante, mais on exprimait exactement ce qu'on avait à dire.
Comme dans le boulot.

C'était une vie facile, et très bien payée.
Evidemment, il fallait consentir quelques sacrifices, en particulier rester en forme et surveiller son poids, pour rester présentable sur la pellicule.

A cette époque, quintescent était déjà une star, dans le milieu.

A côté des tournages proprement dits, les producteurs organisaient des événements exceptionnels, pour entretenir notre "légende", c'est à dire l'intérêt commercial du public.
C'étaient des soirées "spéciales", avec des invités V.I.P. triés sur le volet, venus s'encanailler et brouiller leur image, et des journalistes spécialisés.

Dans cet exercice, quintescent était toujours le meilleur.
Il avait gagné le surnom de "geyser islandais", sans avoir, naturellement, jamais mis le moindre orteil en Islande.
Il était capable de performances et d'une endurance incroyables.
Il pouvait demander à son corps - et particulièrement à sa langue - des exploits et des contorsions inimaginables.

Je me rappelle encore le jour où mon producteur m'a annoncé que j'allais avoir un tournage avec quintescent.
Pour moi, ça signifiait que j'allais enfin "jouer dans la cour des grands", être reconnu comme un professionnel de haut niveau, et être contacté pour des productions dans le monde entier.
Et surtout rencontrer le mythe, essayer d'en apprendre un maximum avec lui.

Nous avons été présentés dans le bureau du producteur, avec les autres acteurs de l'équipe du film.
Je me suis retenu de lui demander un autographe, je ne suis quand même pas une putain de groupie, putain !
Mais je n'arrivais plus à effacer mon sourire banane jusqu'aux oreilles.

Il a été très sympa, on voulait tous dîner ensemble, mais le producteur a refusé tout net: on devait rester en forme pour le lendemain.
On a quand même pu échanger deux trois mots.

Je lui ai bien-sûr demandé s'il avait quelques trucs ou quelques conseils pour un jeune collègue débutant.
Il a éclaté de rire, affirmé que bien sûr, il avait un "gros" secret: rester soi-même et avoir confiance en soi.
Voilà le secret d'une carrière réussie.

Ca n'a l'air de rien, mais j'ai gardé cette leçon en mémoire à chaque fois que j'ai travaillé, et tout s'est toujours bien passé.

Aujourd'hui, j'ai quelques "petits soucis de santé", ma carrière est terminée, mais j'applique toujours cette précieuse philosophie pour ce qu'il me reste à vivre.

mercredi 21 juin 2006

quintescent au printemps

Moi, j'ai rencontré quintescent derrière le rideau de fer, juste après le printemps de Prague.

Le vent de l'histoire avait soufflé sur la Tchécoslovaquie, cette année-là.
C'était la fin de l'époque de Khrouchtchev, et après la déstalinisation, ça changeait aussi du côté de l'union soviétique.

Les dirigeants du parti communiste tchèque croyaient vraiment que les beaux jours du socialisme étaient arrivés, ouvrant une ère de paix et de justice pour le monde.

A Prague, ce printemps-là, l'ambiance était formidable.
Les gens se souriaient dans la rue, on osait, les idées bouillonnaient, tout le monde était enthousiaste.
On ne se cachait même plus pour parler d'avenir et de liberté.
On parlait même de quintescent ouvertement dans la rue, alors que c'était interdit depuis la fin de la guerre.
Moi-même, je me souviens des lettres exaltées que j'écrivais à mes camarades universitaires à Moscou.
Le parti communiste tchèque se sentait pousser des ailes, et entreprenait réforme sur réforme.
Et puis un matin, les Russes sont arrivés.
Enfin, les Russes, dans mon coin, ils parlaient surtout allemand, c'était des allemands de l'Est, tous jeunes, des appelés.

Pour des anciens résistants comme nous, je vous prie de croire que ça faisait quelque chose de revoir des allemands dans un char.
Mais au bout du compte, on faisait comme tout le monde: on disait "les Russes".

Ils ont vite remis de l'ordre, arrêté les principaux dirigeants communistes tchèques, pour les remplacer par des communistes aux ordres de Moscou.

A Prague, il y avait un char à chaque carrefour.

Dans les universités aussi, il y a eu pas mal d'arrestations.
Des collègues dont on n'a plus jamais entendu parler.
Surtout les historiens et les gens de spectacle, enfin, tous ceux qui avaient un contact avec le public ou la politique.

Les dirigeants du nouveau parti communiste tchèque ont installé des commissaires politiques dans chaque université.
Et la machine à dénoncer tournait à plein régime.
Bien sûr, tout contact avec l'étranger était formellement interdit, même vers les pays "amis".
Pour un expert en économie socialiste internationale comme moi, c'était une catastrophe, mais il ne valait mieux pas protester avec trop de véhémence.

Pourtant, au bout de peu de temps, nous avons appris (parfois durement) à qui nous pouvions faire confiance.
Nous jouions avec le risque de tomber sur un espion politique ou un délateur, mais certains d'entre nous étaient décidés à passer à l'Ouest, pour continuer à travailler ou juste pour vivre sans être pourchassés.

Nous attendions beaucoup de quintescent, qui possédait déjà un réseau de relations très serré avant la venue des soviétiques.

Ceux qui s'intéressaient au fonctionnement du parti communiste tchèque à cette époque savaient que sans jamais être sur les photographies officielles, il exerçait une influence à tous les niveaux du pouvoir, en Tchécoslovaquie même, et aussi jusqu'au Kremlin.

D'ailleurs, le jour où je l'ai rencontré, il revenait d'un voyage à Moscou, d'une mission dont il ne pouvait pas se permettre de nous parler.

Nous lui exposâmes nos projets, qui étaient encore à l'état de rêve.
Et surtout, nous lui exprimâmes notre désir de partir et de passer à l'Ouest.
Nous savions qu'il avait aussi des contacts de l'autre côté du rideau de fer, et nous espérions qu'il pourrait nous en faire profiter pour faciliter notre passage.

Il refusa prudemment de nous faire une promesse formelle, mais nous fit comprendre que nous pouvions compter sur lui.
Il partit en nous encourageant, et en nous recommandant la patience et la prudence.

Et peu de temps après, nous reçûmes indirectement des consignes pour un départ clandestin.

Pendant les quinze jours qui précédaient le rendez-vous nocturne, je vécus dans une anxiété permanente, craignant à tout instant que mes regards fuyants et mon comportement inquiet ne fasse révéler mon statut de comploteur.

Je voyais des uniformes partout (et il y en avait beaucoup), mais je me méfiais aussi de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un fonctionnaire.

Puis le soir du rendez-vous arriva, et nous nous sommes rassemblâmes dans le hangar qui nous avait été indiqué.
Nous attendîmes longuement quintescent.
Heureusement pour lui, il ne vint jamais.
Au lieu de cela, ce sont des militaires qui encerclèrent le bâtiment.
Nous fûmes interrogés, puis envoyés dans une prison militaire.
Par chance, nous ne fûmes jamais expédiés en Sibérie, comme les gardiens s'étaient ingéniés à nous le laisser croire.

Pour ma part, j'y restai dix-sept ans.

Nous ne sûmes jamais qui nous avait dénoncés, et maintenant, ça n'a plus beaucoup d'importance.
Je n'ai jamais revu quintescent, mais je sais qu'à distance, il veillait sur nous, et je suis persuadé que c'est grâce à lui que nous avons évité un régime carcéral encore plus sévère.

mardi 20 juin 2006

La claire fontaine

Moi, j'ai rencontré quintescent à la claire fontaine.

C'était un été de terrible canicule.
Il n'avait quasiment pas plu de tout le printemps, et on ne faisait même plus attention aux consignes des préfets pour ne pas gaspiller l'eau.

De l'eau, il n'y en avait pas.

Nous étions un groupe de randonneurs passionnés, nous n'avions que quelques jours de vacances, et nous avions décidé de faire ce jour-là un grand tour dans la montagne.

Au petit matin, la chaleur nous avait semblé très supportable, mais au fil des heures et des kilomètres, notre eau et nos forces nous abandonnaient.

Certains d'entre nous commençaient à avoir des malaises.
On les avait placés dans un misérable coin d'ombre que nous avions trouvé sous une pierre, et les plus valides étaient partis en avant pour tenter chercher un peu d'eau.

Mais de l'eau, dans la montagne, il n'y en avait pas.
Nous n'espérions qu'e surtout un grand incendie ne se lève pas brusquement.
Avec le vent brûlant qui soufflait légèrement sans nous rafraîchir, nous aurions été frits comme des saucisses.

Certains d'entre-nous avaient entendu parler de quintescent.
Ils n'étaient pas très sûrs qu'il existe vraiment.
C'était, à ce qu'ils disaient,  une sorte de roi de la montagne, un être sauvage et à demi-magique, maître des vents et des sources.

Nous n'y croyions pas vraiment, mais nous nous dîmes que, perdu pour perdu, nous pouvions nous mettre à la recherche du quintescent pour qu'il nous indique une source.

Nous l'avons appelé longtemps, en vain.
Puis, alors que nous avions renoncé, un bruit joyeux nous fit trouver en même temps quintescent et la source.
C'était en réalité un tout petit filet d'eau, d'un rose intense et d'un aspect huileux.
quintescent finissait de rincer ses pinceaux qui venait de laver au white spirit, en contemplant avec satisfaction la superbe toile qu'il venait de finir.

C'était une oeuvre vraiment magnifique, éclaboussée de couleurs qui rendait avec une intensité et une vie extraordinaire la vie et la force de la montagne.

Nous lui avons demandé un autographe, mais il nous a amicalement expliqué que la signature, pour un peintre, c'est ce qu'il y a de plus recherché, et qu'il ne pouvait pas accéder simplement à notre demande.

Nous avons compris, bien sûr.
J'ai eu un peu honte de lui demander s'il existait une autre source.
Il n'y en avait pas.

Il ne pouvait pas nous emmener dans sa modeste Citroën Méhari, encombrée de toiles et de tubes de peinture, mais nous promit de prévenir de notre présence dès qu'il serait de retour à la civilisation.

Il oublia, bien sûr - les artistes sont distraits - comment lui en vouloir ?
Nous avons été retrouvés le lendemain par un berger, qui a prévenu les gendarmes.
Je n'ai jamais revu quintescent.
Mais c'est le souvenir de l'artiste qui nous a permis de surmonter les deux semaines d'hospitalisation et notre retour au travail et à notre sinistre banalité.