Quintescenteries

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samedi 8 décembre 2007

Le guérisseur (deuxième partie)

Les europains révéraient Nicolas de Sarcotie pas seulement à cause de sa merveilleuse habileté politique, de ses triomphes militaires ou de son légendaire doigté dans les négociations sociales, mais aussi parce qu'ils étaient pour la plupart étaient persuadés qu'il était investi de pouvoirs mystiques et médicinaux.

Cela lui avait d'ailleurs valu son autre surnom de Nicolas-le-Comprimé.

On dit qu'il pouvait, par simple imposition des nains, guérir l'herpès génital et les gingivites (dans cet ordre).

Les historiens débattent encore de nos jours à propos du taux d'imposition pratiqué à l'époque.

Mais son pouvoir de guérison le plus spectaculaire, il l'exerçait auprès de ses pairs, princes-démocrates comme lui, dont il pouvait à volonté dissoudre les péchés.

On lui doit notamment l'entrée en sainteté du très pieux Monhomard de Queldéfi, qui fut guéri en un tournemain et put ainsi revoyer sur le champ l'ensemble des infirmières qui s'étaient dévouées auprès de lui pendant de longues années sur son lit de douleurs.

Ou encore la rédemption de Envladumir de Putin, prince-démocrate valeureux et bienveillant, mais que tout le monde savait porté sur le chouchenn, dont il cachait toujours sous son lit quelques cadavres, et qui devint sobre du jour au lendemain, juste après avoir reçu un hydromail de Nicolas de Sarcotie.

Les historiens ont longtemps pensé que pour exercer son art, Nicolas de Sarcotie avait recours à une tierce personne, qui devait exercer son amour physique pendant que lui-même dispensait avec bienveillance son amour spirituel.

On a ainsi souvent souligné le rôle de Cécilia de Sarcotie dans la rédemption spectaculaire de Monhomard de Queldéfi.

Mais dans le cas d'Hugot de Chavaise ou des princes-démocrates du China, chacun s'accorde à penser que Nicolas de Sarcotie avait obtenu leur salut en dispensant tout l'amour par lui même, à la seule force de ses poignets (il avait de robustes poignets d'amour, soigneusement entretenu par un jogging quotidien parmi les journalistes).

mardi 24 juillet 2007

La médiatrice

Au temps de Nicolas de Sarcotie, on avait souvent recours aux femmes en diplomatie, parce qu'elles pouvaient déployer des compétences dont les hommes ne disposaient pas.

Bien que la plupart celles-ci aient la réputation paradoxale de manquer de patience, d'être frivoles, superficielles, vénales, égocentriques, sottes, gourdes et maladroites, certaines, de plus haute extraction et de meilleure éducation, faisaient montre de qualités exactement inverses.

La conjointe de Nicolas de Sarcotie, par exemple, la subtile Cécellela de Sarcotie faisait justement partie de ces femmes d'exception à qui on pouvait vraiment tout demander, et qui accomplissait les tâches les plus totalement impossibles avec tact, discrétion et diplomatie, en conservant en toute circonstance cette élégance si particulière des Europaines de l'époque qui portaient du Dior ou du Chanel ou du déodorant.

Naturellement, pour garder la discrétion indispensable à toute négociation et préserver l'anonymat de Nicolas de Sarcotie, aucune mission formelle n'était confiée à Cécellela de Sarcotie, qui ne déplaçait officiellement les avions ministériels que pour la visite humanitaire de pauvres dans des trous-du-cul-du-monde.

Personne ne se doutait de rien.

Si elle ou un de ses hommes était venu à être pris, le gouvernement aurait nié être au courant de ses agissements, cette bande s'autodétruira dans vingt secondes.

Nicolas de Sarcotie, qui lui aussi raffolait de ses prestations lorqu'il avait les moyens de se les offrir, n'hésitait pourtant jamais à se séparer d'elle temporairement quand c'était nécessaire pour satisfaire le besoin urgent d'un hôte de marque ou d'un interlocuteur impliqué dans des négociations difficiles.

Cécellela de Sarcotie pouvait en outre accomplir des merveilles lorsqu'on lui confiait une carte de paiement avec son code (cette activité étant métaphoriquement désignée par le terme de "frais de bouche", expression faisant vraisemblablement allusion à son dentifrice qui était choisi avec le plus grand soin).

Ainsi, on raconte que Monhomard de Queldéfi, un célèbre fabricant d'huile de pétrole avec qui Europe se disputait avec âpreté des employées très réputées de Bulgari (un célèbre bijoutier de l'époque), avait renoncé à ses prétentions pour une bouchée de pain (complet, certes), après l'avoir croisée une seule fois chez lui, dans son jardin, totalement par hasard.

Il s'était contenté en contrepartie, à ce qu'on dit, de la promesse que Nicolas de Sarcotie lui rendrait plus tard une nouvelle visite strictement protocolaire, accompagné de sa négociatrice favorite.

C'est dire si sa conversation cultivée et intéressante était appréciée.

On n'a en revanche pas de certitude quant au rôle joué dans ces négociations par Claude des Géants, un secrétaire que Nicolas de Sarcotie avait commis à accompagnement de cette dame lorsqu'il avait des absences, et qui avait drôlement intérêt à ne la lâcher sous aucun prétexte.

Compte tenu des habitudes d'archivage de l'époque, les historiens présument qu'il prenait des photos et des vidéos des négociations, pour permettre au prince-démocrate de se les étudier à loisir, dans l'intimité de son bureau.

Grâce à cet appui tendre et fidèle, qu'il récompensait en virant avec libéralité des directeurs de journaux insolents, Nicolas de Sarcotie retirait un prestige immense et justifié des triomphes obtenus par la sueur de sa compagne et l'argent des contribuables Europains.

vendredi 6 juillet 2007

Chacun son tour

Au temps de Nicolas de Sarcotie, chaque été, on pratiquait le Tour.

C'était une coutume surprenante qui consistait pour certains Europains venus du monde entier à tourner en rond au moment précis où la plupart des autres se déplaçaient linéairement vers la Méditerranée (lorsqu'ils aimaient le chaud) ou vers la mer de Ollande (lorsqu'ils aimaient les débats participatifs chaudement emmitouflés dans la toile cirée).

L'utilité d'un tel comportement est encore le sujet de débats enflammés au sein de la communauté scientifique.

Elle semblait ne pas avoir de sens, mais marquait souvent une tendance vers le sens des aiguilles d'une montre, quand ce n'était pas l'inverse.

Une théorie intéressante proposée au sujet de cette pratique est fondée sur l'observation que les individus concernés présentaient tous des similarités remarquables, telles que le fait qu'ils étaient tous de sexe masculin, qu'ils avaient tous les jambes épilées (pour le maillot, on n'a pas de certitude), etc.

Cette théorie suggère que ces sujets étaient des volontaires d'expérimentations scientifiques, utilisés pour l'étude des effets secondaires de certains médicaments.

C'est probablement grâce à de tels héros dévoués et anonymes que nous devons la mise au point de l'EPO, des anabolisants pour cheval, de la pilule du lendemain, de la crème délassante contre les hémorroïdes (goût menthol et goût fraise), des eaux minérales qui font le pipi bleu ou rose fluo.

Ces médicaments présentaient vraisemblablement l'effet secondaire indésirable de perturber la synchronisation de leurs trois neurones (latéral droit, latéral gauche et latéral antérieur), ainsi que leur sens de l'équilibre, ce qui explique leur trajectoire erratique.

La société de cette époque consentait cependant des efforts importants pour faciliter la vie et déplacement de ces patients, dont on respectait le dévouement et le désintéressement.

On les équipait de casaques colorées très visibles pour les reconnaitre de loin et éviter les accidents en cas de rencontre avec des gens normaux (ce qui arrivait quelquefois).

Ils étaient toujours accompagnés dans leurs déplacements de motards virevoltants autorisés à actionner leur klaxon autant qu'ils le souhaitaient en passant devant les filles.

Les Europains navrés se rassemblaient au bord des routes pour contempler le cortège solennel et témoigner de leur soutien.

Les moments les plus pathétiques de ces migrations étaient le passage des montagnes, qu'ils s'acharnaient à grimper dans le but principal de les redescendre ensuite - objectif honorable en soi, mais qui les laissait dans un état d'épuisement qui arrachait des baillements à la foule.

Les firmes phamaceutiques accompagnaient les processions et distribuaient avec libéralité des échantillons de leurs produits aux passants, qui se trouvaient ainsi légèrement consolés.

jeudi 5 juillet 2007

L'unique t'amère

Au temps de Nicolas de Sarcotie, la pensée était unique, ce qui était bien pratique pour les Europains.

Une pensée unique présentait en effet des avantages énormes pour les citoyens de cette époque.

D'abord, elle permettait de préserver une rigoureuse égalité intellectuelle entre les individus, indépendamment des limitations de leur intelligence, de leur manque d'éducation, de leur milieu social, etc.

Grâce à la pensée unique, le sombre crétin pouvait, à travers un raisonnement sophistiqué emprunté au ver de farine, parvenir aux mêmes conclusions que l'ENArque le plus sublime, ou que le meilleur d'entre nous en calcul intégral, en suivant un cheminement intellectuel différent, mais tout aussi efficace.

La gauche pouvait penser comme la droite, agrandissant ainsi la quadrature du cercle de ses amis de trente ans, et offrant des possibilités quasi-infinies d'étendre le gouvernement lorsque c'était nécessaire ou amusant.

Les jeunes pouvaient penser comme des vieux, résolvant du même coup tous les conflits de génération.

En ces temps de rigueur budgétaire, tout cela représentait une formidable écomie d'énergie cérébrale, qui était ainsi rendue disponible pour Caca-Collé.

Cette compagnie humaniste, comme n'importe laquelle des autres marques de lessive intellectuelle, faisait une consommation extraordinaire de neurones, au point qu'une pénurie chronique sévissait, et que le gouvernement étudiait sérieusement l'opportunité d'en faire venir d'autres planètes (ce qui aurait été vain, nous le savons aujourd'hui, car les standards des connexions électriques sont différents. Mais à l'époque, à l'intérieur du schéma de pensée unique, cela paraissait une solution idéale).

De plus, la pensée unique était compatible avec une foule de projets d'abrutissement systématique qui étaient mis en oeuvre à cette époque de bouillonnement intellectuel, qu'ils soient individuels par l'initiative des têteurs de chichon invertébrés, ou collectifs, au travers des programmes d'éducation télé-réels des fondations humanitaires TF1 et M6, agréées par l'Education Nationale.

En effet, il faut se rappeler que la programmation des cerveaux était confiée à une administration spéciale, appelée Education Nationale, chargée de leur formatage de bas niveau, de l'installation du système d'exploitation et des programmes d'application.

Ses responsabilités supposaient également de garantir la conformité rigoureuse des programmes avec la licence d'utilisation (dans le légitime souci de préserver la propriété intellectuelle de ceux qui auraient pu, par recherche dissidente, imaginer des idées différentes).

L'administration témoignait ainsi du même coup du souci qu'elle avait alors de respecter l'indifférence.

Les historiens estiment aujourd'hui qu'au moins 80% d'une classe d'âge aboutissaient au fond du bac, dispositif dans lequel on recueillait, semble-t-il, les jeunes Europains ayant obtenu un formatage à l'identique.

Sur la plupart des sujets, c'était naturellement Nicolas de Sarcotie lui-même qui définissait la juste pensée, par son discours ingénieux et indiscutable, mais surtout par son comportement exemplaire en toute circonstance.

Il s'astreignait à une rigoureuse discipline pour avoir des idées sur tout, ce qui était rassurant et réconfortant pour tous ceux qui avaient des difficultés à réfléchir par eux-mêmes, et avait mis en place de nombreux relais chargés de répandre et traduire sa pensée en termes accessibles et faciles à retenir par tous pour la vie de tous les jours.

Le principal d'entre ces relais était naturellement le premier ministre, Fransois des Filous.

Un espace d'expression était également ouvert à la pensée unique d'origine privée, qui assumait ainsi un rôle très utile de laboratoire pour l'élaboration de la pensée unique gouvernementale.

A l'époque de Nicolas de Sarcotie, la pensée unique la plus répandue avait pour sujet principal la protection de l'environnement (qui remplaçait l'ancien vocable un peu trop politiquement orienté d'écologie).

Le grand champion de cette pensée unique était le génial et légendaire âne altruiste de Bertrans, équidé équitable qui prenait tout le monde de haut, dont la vénérable chevelure blanche et la digne moustache était connue de chacun.

On remarquera d'ailleurs que curieusement que les grands maîtres de cette pensée unique particulière étaient souvent munis de moustaches, en marque de leur dignité.

L'âne altruiste de Bertrans ne se départissait jamais de son fidèle écuyer Nicolas du Culot, qui avait failli devenir prince-démocrate lui-même, mais qui avait renoncé après avoir malencontreusement réfléchi par lui-même sur la vanité considérable de cette ambition.

Grâces aux techniques et aux méthodes de la pensée unique, il avait été possible de ramener les causes et les effets de la protection de l'environnement au sujet unique du réchauffement de la planète, identifié comme cause nécessaire et suffisante à la pluie en été, au soleil en hiver, aux bébés phoques abattus pour leur fourrure, à l'abattage des arbres tropicaux, à l'urbanisation sauvage, au non-respect de la loi littorale par les paillottes corses, à la disparition des thons de Méditerranée au profit des pêcheries japonaises, à la diffusion des OGM dans le roquefort de José de Beauvais, à l'épuisement des puits de pétrole, à la pollution des rivières de Guyane par le mercure des orpailleurs clandestins, aux averses sur le tournoi de Wimbledon et à la noyade des immigrés clandestins au large de la Lybie.

Ainsi, grâce à la simplicité géniale d'une seule pensée, originale comme on n'en avait plus vu depuis la théorie de la relativité générale, on parvenait à unifier l'explication de toutes les énigmes de l'univers, ce qui permettait de se coucher l'esprit en paix.

vendredi 15 juin 2007

La petite flemme dans mes yeux

Chapitre 28

Où l'on voit que les Europains avaient de la considération pour leurs cendres de conséquence.

Tu es poussière, et tu finiras mal.
Jaurès de l'Avenue, in Adages, Sagesse et Dictons.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Europains, malgré tous leurs talents, avaient aussi quelques déplorables habitudes.

Parmi ces mauvaises manies que la morale réprouvait, il y avait la fumée.

La fumée était produite par la combustion de petits bâtonnets phalloïdes à base d'herbes séchées brunâtres peu ragoutantes.

En réalité les bâtonnets avaient le plus souvent une taille modeste, de quelques centimètres à peine en longueur, pour moins d'un centimètre de diamètre.

On est forcé d'en déduire, non sans surprise,  que les Europains de cette époque avaient un tout petit pénis, malgré l'usage frénétique qu'ils en faisaient.

Cependant, certains gourmands préféraient les modèles de grande taille comme la célèbre Monique de Lèvenskis, une célèbre stagiaire à gros potentiel de cette époque, qui savait ce qui était bon, et qui est restée célèbre pour la manière dont elle roulait les cigares sur la cuisse, à la cubaine.

Le plus souvent, on préférait des modèles plus modestes, qui présentaient l'avantage qu'on pouvait consommer plus fréquemment, car malgré la honte latente, on n'était pas prêt à renoncer à son addiction.

Il en existait de pré-roulés industriellement, et d'autres qu'il fallait rouler soi-même, avec de la colle à prise rapide commodément fournis dans les kits proposés aux consommateurs.

Les conjectures sont encores ouvertes quant à l'avantage que les Europains tiraient de la fumée.

On sait qu'elle jouait un rôle, avec le sel,  dans la conservation du poisson nordique et des écclésiastiques orientaux.

Selon de nombreux récits, la fumée faisait rire sans raison, effet que nos médecins considèrent généralement comme bénéfique, tout en estimant que cette approche pour l'obtenir était un peu dérisoire.

De plus, la fumée permettait de masquer l'odeur du métro et des égouts à ciel ouvert, qu'on trouvait ici et là dans les villes (les notions de l'hygiène publique étant encore balbutiantes).

D'autant plus qu'au début de son premier mandat, Nicolas de Sarcotie n'avait pas encore réussi à extirper toute la gent SDF qui s'était insinuée partout, certains s'obstinant à rester pauvres malgré les opportunités qui leur étaient offertes de travailler plus pour avoir la TVA gratuite.

La fumée permettait aussi de désinfecter les vêtements en poil de ruminant frisé tressé quand on l'avait mauvaise à laine, en leur laissant une bonne odeur de propre, certes illusoire et factice, mais agréable, et en tous cas, aphrodisiaque, ce qui n'était pas négligeable.

Et on présume qu'elle tuait les bactéries et les poux, qui infestaient pratiquement toute la population, hormis les chauves (probablement en raison d'un gène incompatible).

Il faut s'imaginer les villes de l'époque (et notamment Pari) couvertes par un salubre nuage de fumées parfumées de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur,  qui donnaient aux murs leur patine et leur cachet, mais perturbaient la circulation des aéronefs et des moineaux lorsqu'ils n'étaient pas munis de radar.

Mais à tout prendre, ce n'était pas si mal, puisque Nicolas de Sarcotie avait interdit le survol de Pari, et que les aéronefs et les volatiles qui passaient outre l'interdiction se retrouvaient en état de délinquance.

Les marchands de tabac,  quant à eux, jouissaient d'un grand prestige, au point qu'il était d'usage de leur accorder des libéralités exceptionnelles, comme le droit exclusif de distribuer des timbres-amende, une sorte de bon de soutien au budget de Nicolas de Sarcotie, que les Europains les plus patriotes collectionnaient avec acharnement, dix bons donnant droit à une image, et dix images donnant droit à une boîte à images.

Malgré ces avantages présumés, la fumée n'allait pas sans quelques désagréments, et ceux qui s'y adonnaient étaient plutôt mal vus en définitive, probablement pour des raisons qui tenaient souvent davantage à la religion et à la superstition qu'au bon sens.

On raconte ainsi que les Europaines qui arrêtaient la fumée grossissaient dans des proportions gigantesques, difficilement concevables, ce qui constituait un défi difficile pour les confectionneurs de vêtement extrèmement orientaux qui n'avait jamais vu une catastrophe de cette ampleur en centimètres.

De manière générale, on considérait avec admiration ceux qui faisaient voeu d'arrêter, et avec une admiration plus grande encore ceux qui pouvaient arrêter plusieurs fois de suite.

On rapporte ainsi l'histoire, vraisemblablement légendaire, de certains fumistes de cette époque, qui auraient été capables d'arrêter plusieurs fois par jour, à force d'entrainement.

mercredi 13 juin 2007

Mais où va-t-on ?

Chapitre 27

Où l'on voit que les Europains étaient victimes de comportements grégaires ataviques.

Partir un jour, sans retour.
Jaurès de l'Avenue, in La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Europains adoraient se déplacer en groupes.

En réalité, ils n'aspiraient à rien d'autre qu'à la tranquillité et à la solitude, mais ils étaient affectés d'une anomalie génétique qui avait pour conséquence de leur donner à tous une envie de repos en même temps.

Il faut savoir qu'à cette époque, le climat était beaucoup plus instable que de nos jours.

Il ne faisait pas chaud tous les jours, mais seulement quelques mois dans l'année, disons les mois d'été, pour simplifier.

Le reste du temps, ça caillait sévère, et les rares journées d'hiver ou de printemps où le soleil brillait, les météorologues de la télévision, consternés, annonçaient la survenue imminente d'un réchauffement climatique.

En fait, ils n'avaient complètement tort, mais pas pour les bonnes raisons.

En été, donc, période bénie, les Europains étaient quasiment assurés qu'il ferait beau, en dehors, évidemment, des jours où il pleuvrait (c'était un temps où il pleuvait encore, et souvent: c'est dire si le climat était instable en l'absence des dispositifs de contrôle météo artificiels).

Et les Europains se sentaient tous en même temps pris d'une incoercible envie de vacances.

On pense aujourd'hui que la chaleur des mois d'été augmentait leur production d'oestrogènes et de testostérone, et induisait ce comportement migratoire, une sorte de vestige d'un comportement sexuel primitif hérité d'ancêtres ruminants - mais ce n'est qu'une hypothèse.

Et en ce temps-là, les considérations économiques de bon sens et l'utilité de travailler plus pour gagner plus ne pesaient pas lourd face à une envie de vacances.

Et ils partaient.

Il s'ensuivait forcément des problèmes logistiques quasiment insolubles.

Le plus souvent, ils partaient à la mer.

Ou à la montagne.

Ou au fond d'un trou.

N'importe où, enfin, pourvu que ce soit loin de la foule (sauf le soir, pour les boîtes de nuit, nous y reviendrons).

Et les Europains n'étaient pas seuls à partir.

Les Ollandais étaient pris du même vertige en même temps.

Il n'y avait plus de guerre qui tenait, Europains et Ollandais se retrouvaient côte à côte sur les mêmes routes, les mêmes chemins, les mêmes plages, les mêmes montagnes.

On avait plus de chance de voir un Ollandais en vacances que pendant les élections.

Il s'ensuivait inéluctablement que les destinations choisies étaient abominablement surpeuplées, bien plus, en définitive, que les lieux dont les vacanciers étaient issus au départ.

On s'y bousculait, on y faisait des queues interminables devant les marchands de frites molles à l'huile rance (la spécialité cullinaire favorite des vacanciers), on partageait le sable entre les fesses et les mycoses.

On attendait dans les embouteillages au soleil, on se trempait dans une mer de bouillon tiède qui avait servi à la toilette (et de toilette) pour ses prédécesseurs.

En revanche, on n'y voyait guère l'élite des pipôles, qui se faisait toujours photographier en maillot sur des plages quasi désertes (si on omettait le pool de journalistes convoqués).

Des images de Nicolas de Sarcotie ou de la Suglend royale en maillot, destinées à susciter la sympathie électorale par le pouvoir d'attraction érotique de ces corps athlétiques quasi-nus sont ainsi restés célèbres.

Mais Nicolas de Sarcotie, quant à lui, préférait de beaucoup trouver la chaleur, morale, sinon climatique, sur un bateau libéralement prêté par un ami sur l'île du Malt (une localité connue pour ses brasseries, ce qui était malencontreux, car Nicolas de Sarcotie ne buvait pas, comme chacun sait).

Puis, lorsque l'on avait fini d'être en vacances, on retournait vite se reposer, et se soigner dans ses pénates, en se promettant - en vain - de ne plus jamais s'y faire prendre.

Les victimes les plus atteintes ne s'en remettaient jamais.

On disait alors qu'elles partaient en retraite, la plus célèbre d'entre toutes étant la retraite de Russie, qui équivalait littéralement à une véritable Bérézina.

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lundi 11 juin 2007

Les huit

Chapitre 26

Ou l'on voit qu'il est toujours possible de rendre le monde meilleur.

Ils étaient huit, seuls au monde..
Jaurès de l'Avenue, in La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, le monde était presque parfait.

Mais pas tout à fait.

Il y avait d'abord tous ces esclaves venus de l'étranger qui s'acharnaient stupidement à envahir Europe.

Et tous ceux qui restaient chez eux, et qui se laissaient insolemment décéder de faim, de soif ou d'ennui  pour plonger le reste du monde dans l'embarras.

Un peu de la manière dont les enfants font des caprices, en refusant de respirer et en devenant tout rouges, voyez.

Des gamins, vraiment.

Il y avait aussi les républicains du China, qui insitaient pour vendre des chemises, alors qu'à cause de la canicule, on était déjà bien assez habillé.

Et qui refusaient, de surcroît, d'acheter des Raibus, une sorte d'aéronef à huile de pétrole de cette époque, dont on était très fier parce qu'on en avait un plus gros que ses camarades, démontrant ainsi une virilité supérieure.

Les républicains du China avaient la réputation peu enviée d'en avoir de tout petits, ce qui les rendait jaloux, méchants et agressifs.

Il y avait encore Minimir des Poutines, qui passait tout son temps à rétablir l'ordre, mais à qui on ne pouvait rien dire parce c'était lui qui conduisait la pompe à pétrole, et que tout le monde avait de l'affection pour lui à cause de cela.

Et les magasins Darfour, qui n'étaient jamais ouverts quand on en avait besoin, et que les clients crevaient la dalle devant l'entrée en attendant que ça ouvre.

Bref, le monde allait bien, mais causait en permanence d'agaçantes contrariétés.

Heureusement, Nicolas de Sarcotie, qui se préoccupait du moindre détail, avait inventé le G8.

Cela consistait à convoquer tous les meneurs qui posaient problème et à les gronder devant tout le monde.

Beaucoup ne supportaient pas de se voir ainsi tancés en public, ils pleuraient beaucoup et se repentaient considérablement.

Nicolas de Sarcotie avait posé des exigences très précises pour les G8.

D'abord, ils devaient être organisés sur des sommets, ce qui obligeait les participants à s'entrainer durement à l'escalade, car tous n'avaient pas les dispositions physiques avantageuses du jogger d'élite qu'était Nicolas de Sarcotie.

Les buffets, ensuite, devaient être abondamment garnis de toutes les boissons possibles et imaginables, car si Nicolas de Sarcotie ne buvait jamais, il en appréciait l'odeur avec le nez d'un connaisseur.

Les sommets des G8 devaient en outre être soigneusement garnis de cortèges de partisans enthousiastes (ils n'étaient guère difficiles à trouver) volontaires pour témoigner leur attachement aux participants par des manifestations gymniques et festives, des pétards et des feux d'artifices.

Chacun devait, de préférence, venir déguisé, muni de banderoles et de calicots portant des paroles de bénédiction.

Mais les G8 n'étaient pas qu'une occasion de fête.

Le plus souvent, ils donnaient lieu à des prises de décisions importantes.

On faisait une liste de problèmes, en négociant longuement pour sélectionner ceux qui étaient importants et ceux qui ne l'étaient pas.

On convenait  de réunir un nouveau G8 l'année suivante, pour s'assurer que la liste des problèmes n'avait pas évolué, et pour négocier sa mise à jour éventuelle.

Les Europains et toute la planète était très attachée aux G8 de Nicolas de Sarcotie.

Ainsi, en hommage aux G8, Raibus (la compagnie qui fabricait les Raibus) avait appelé Pouère 8 son fameux plan d'optimisation qui lui avait permis de se débarrasser de ses esclaves superflus.

Le fameux Raibus 380, le train le plus rapide de l'est.

vendredi 8 juin 2007

Puisqu'il faut en passer par là

Chapitre 25

Où l'on voit que l'amour, c'est pas de la tarte.

Tu aimes les films de gladiateurs ?.
Jaurès de l'Avenue, in La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Europains n'étaient pas tout à fait comme nous.

Leur comportement était fortement influencé par leur sujétion au mode de reproduction naturel, qui était encore largement répandu.

Ce type de reproduction malsain et inconfortable supposait l'appariement de plusieurs individus.

Deux semblait un minimum, mais tout semble indiquer que les opérations de reproduction regroupaient le plus souvent au moins cinq personnes.

Sur ce point encore, l'archéologie expérimentale nous permettra probablement d'en savoir davantage en procédant à des simulations avec des volontaires.

De façon assez surprenante, il semble que l'état et les différentes administrations n'étaient aucunement tenus de mettre en place des dispositifs ou des mesures pour faciliter les appariements - bien que Nicolas de Sarcotie ait tenté de timides réformes dans ce domaine au cours de son troisième mandat - et les individus étaient la plupart du temps livrés à eux-mêmes pour la recherche de partenaires compatibles.

Selon certains historiens, la nécessité de la reproduction serait à l'origine du concept de 'covoiturage', une étonnante pratique consistant à regrouper une unité reproductive complète au sein d'un même véhicule.

Il va sans dire que les déplacements ne s'en trouvaient pas facilités.

On comprend que la reproduction était en ce temps-là vécue comme un véritable supplice, et on ne peut que s'émerveiller de la persévérance et de l'abnégation des Europains de ce temps, qui réussirent à éviter une extinction qui semblait inéluctable.

La négociation préalable à la procréation ne s'arrêtait pas à la mise en présence des participant.

On procédait souvent à une parade nuptiale tarabiscotée, dont nous commençons seulement à découvrir la complexité et les modalités.

Elle imposait notamment de boire un verre.

La soif n'était pas nécessaire.

La nature du breuvage utilisé semble assez variable, mais consistait probablement en un cocktail d'hormones destiné à préparer les participants aux difficiles manoeuvres d'appariement (on disait aussi copulation, terme que les étymologistes considèrent comme une contraction de l'expression 'coucou, la population', par référence aux préoccupations démographiques des personnes).

S'ensuivait une chorégraphie protocolaire compliquée, dont le détail précis nous est perdu, mais dont le but était d'assurer un transfert de masses verticales vers une position horizontale, selon un mouvement rotatif contrôlé, cette position horizontale semblant plus favorable au processus (pour des raisons de remplissage évidentes).

Pour plus de détail, le lecteur est invité à se reporter à l'observation des mouches, qui pratiquent ce mode de reproduction encore de nos jours, moyennant une transposition à l'espèce humaine.

Il semble que la reproduction par les voies naturelles était peu ou prou une obligation sociale, à laquelle chaque citoyen était astreint, quelque que soit son sexe et son origine sociale.

Certaines catégories particulièrement méritantes et distinguées de la population étaient dispensées de cette obligation, comme les prêtres, les détenus, les enfants, les anciens combattants.

Par voie de conséquence, la population ne comportait jamais de prêtres jeunes, détenus jeunes, d'enfants jeunes ou d'anciens combattants jeunes, ces fonctions étant nécessairement occupées par d'anciens jeunes repentis.

Parade nuptiale typique au temps de Nicolas de Sarcotie.

jeudi 7 juin 2007

Chose promise, Chômedu.

Chapitre 24

Où l'on voit que les Europains excellaient dans les constructions de chôme.

C'est nous les damnés de la Terre, C'est la faute à Voltaire .
Guillaume de Napoléonaire, in 
Les 100 000 barges.


Selon les chroniqueurs du temps de Nicolas de Sarcotie, la vie des Europains était plutôt douce, agitée seulement de temps à autre par les chamailleries avec les Ollandais, qui servaient davantage à procurer des distractions qu'à défendre des intérêts vitaux.

Europe vivait une période de calme et de prospérité exceptionnelle, aussi bien sur le plan social que sur le plan économique.

Le travail abondait, et comme l'avait révélé le président-démocrate, si on s'en dispensait c'était nécessairement qu'on préférait consacrer sa vie au repos - cela paraît évident à nos yeux, mais à cette époque, c'était révolutionnaire.

Seuls restaient au chômage ceux qui vivaient une passion acharnée pour cette activité.

Ce choix de vie était généralement considérée favorablement par les citoyens, qui estimaient que la présence de nombreux chômeurs était un gage de bonheur et de convivialité.

La société était d'ailleurs organisée pour enrichir et protéger avec bienveillance ceux qui faisaient ce choix courageux, en leur fournissant avec libéralité des aides dégressives.

De nombreux textes montrent d'ailleurs dans le détail l'opulence des fêtes de l'abondance - les *concerts des enfoirés*, comme on disait - organisées spécialement pour les Restaus du Coeur, une sorte de Lyon's Club huppé réservé aux chômeurs les plus méritants, accessible sur invitation.

Une part non-négligeable du budget de l'état était consacrée au maintient d'une proportion immuable de militants-chômeurs dans la population, selon un principe vertueux hérité des prédécesseurs de Nicolas de Sarcotie: Valéry d'Escarres des Seins, Fransois des Mythos-Errants, Jaque de Chirague, etc.

Tout prince-démocrate se serait senti terriblement gêné si ce pourcentage avait tendu à diminuer, et des efforts acharnés étaient consentis par tous leurs collaborateurs pour que cela n'arrive à aucun prix.

Le journal de l'ANPE de cette époque (une sorte de bourse d'échange de chômeurs permettant de gérer rationellement la pénurie) fournit des chiffres très détaillés du nombre de chômeurs exigés pour chaque commune et chaque département.

On y constate que certaines communes se disputaient âprement des chômeurs de prestige.

On y rapporte aussi que des parents occupaient des écoles pour exiger la mise en place de chômeurs en fonction du nombre d'élève par classe.

Nicolas de Sarcotie suggéra qu'on s'efforce, quand c'était possible, de faire venir des chômeurs étrangers bac+7, en leur proposant le soutien économique et psychologique dont ils avaient besoin, et qu'ils ne trouvaient guère, dans leurs taudis exotiques à couleurs vives.

On appelait cette démarche *l'immigration- choisie- par- nous- tant- pis- pour- vous- désolé*, que l'on abrégeait souvent, par abus de langage,  en *les- étrangers- qui- ne- posent- pas- trop- de- problèmes- hormis- le- fait- regrettable- qu'ils- sont- noirs*.

Certains des pays d'origine de ces chômeurs immigrés, notamment les pays Afriqués finissaient d'ailleurs par s'inquiéter de cette hémorragie, et mettaient en place des mesures pour empêcher la fuite de leurs meilleurs chômeurs.

Mais ils ne pouvaient pas grand chose contre le pouvoir d'attraction de Nicolas de Sarcotie.

Quant au reste de la société, il s'adonnait avec enthousiasme et décontraction au travail en plus, ce qui avait pour effet de lui faire gagner plus, presque par inadvertance, n'eût été le fait que Nicolas de Sarcotie l'avait prédit.

Ils travaillaient plus, et ils gagnaient plus.

Tant qu'ils gagnaient, ils jouaient.

Alors ils regagnaient.

Alors ils retravaillaient.

De plus en plus.

Un truc de dingue.

Et certains accumulaient de véritables fortunes en travaillant à toute vitesse, avec les deux mains, comme des mitraillettes, parvenant parfois à l'équivalent d'un temps complet !

Le ministre Bernacle de Cochenère donnant l'exemple du travail en plus destiné à gagner plus de riz.

mardi 5 juin 2007

L'appel du ventre

Chapitre 23

Où l'on voit que tout n'augmente pas nécessairement.

Ton impudence verra sa récompense.
Jaurès de l'Avenue, in 
La Protohistoire.


En Ollande, au temps de Nicolas de Sarcotie, l'animal de compagnie favori était l'éléphant.

C'était une espèce particulière de pachyderme, qui - contrairement à ceux dont nous avons l'habitude et qui constituent de grands troupeaux dans les réserves Afriqués - était uniquement composée de vieux mâles solitaires.

Bien que ventrus et impressionnants à cause de leur stature, ces éléphants Ollandais étaient relativement doux et pacifiques, et ne se connaissaient que deux sortes d'ennemis: Tout membre de la gent Eléphant d'une part, et tout ce qui n'était pas éléphant d'autre part.

En dehors de ces modestes ennemis, les éléphants étaient plutôt faciles à vivre et sociables.

Il étaient étaient d'ailleurs tous affectés par la socialite, mais grâce à un système immunitaire de mammouth, ils n'en présentaient, heureusement pour eux, aucun symptôme, et ils finissaient souvent par oublier avoir jamais été atteints de cette maladie.

Cette particularité leur permettait de s'adapter à tous les changements d'environnement, que le climat de la Ollande soit tiraillé vers la droite ou vers la gauche, ainsi qu'il était fréquent à cette époque.

Tous les Europains de cette époque étaient passionnés par les gros animaux, à l'instar de J'en-Marie des Peines avec ses molosses ou de Brégide de Barredeau avec ses morses.

Nicolas de Sarcotie n'y faisait pas exception, nourrissant une certaine affection pour ces bons gros animaux tendres venus de Ollande.

Et lorsqu'il accéda à son premier mandat, il s'efforça d'en attirer quelques-uns par tous les moyens compatibles avec sa propre morale (il était très tolérant, au fond, quand il s'agissait de lui-même).

Il ne pouvait évidemment pas en demander l'autorisation à Fransois de Ollande, qui veillait sur son cheptel avec un soin jaloux, mais par bonheur, le maître des Ollandais était fort occupé à recoller les morceaux de Ollande éparpillés par une Suglend royale agitée à forte.

Nicolas de Sarcotie connaissait bien le fond de l'âme éléphantesque, et il préparait depuis des années des fiches sur chaque Ollandais.

Il savait exactement le prix auquel chaque animal s'évaluait lui-même.

La plus noble conquête de l'homme fut évidemment Bernacle de Cochenère , qui lui coûta tout de même un ministère, mais dont il entendait profiter de sa légendaire capacité à transporter du riz.

Quelques-uns, qui semblaient en mesure de tenir un bâton sale, furent faits secrétaires des tas.

A beaucoup d'autres, il demanda de jolis rapports, dont nul n'aurait que faire, mais qui les tiendraient occupés pendant un certain temps.

D'autres enfin se rallièrent contre un porte-clés à l'effigie du prince-démocrate, et un T-shirt, en prévision du jogging, qui serait bientôt obligatoire.

Elephant Ollandais répondant à la sollicitation de Nicolas de Sarcotie avec toute la modération dont il est capable.

vendredi 1 juin 2007

La grosse bébête

Chapitre 22

Où l'on voit qu'il convient de choisir avec soin son animal de compagnie.

Il y a tromperie dans le merchandising.
Jaurès de l'Avenue, in 
La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Ollandais voulaient s'emparer d'Europe.

Que le lecteur se rassure, ils n'y parvinrent jamais, malgré tout leur acharnement.

Ils se faisaient invariablement battre à plate couture par n'importe quel Europain de souche ou d'adoption, pourvu que celui-ci fasse état de sa fidélité à Nicolas de Sarcotie.

Par la magie de ce nom, les eaux de la Mer du Nord s'ouvraient devant les troupes du prince-démocrate, et se refermaient sur les malheureux Ollandais, qui buvaient la tasse.

Et les Ollandais finissaient par en concevoir de la rancoeur et du déplaisir.

Ils trouvaient confusément que leur persévérance et leur courage intrépide face à la déculottée inéluctable était bien mal récompensée.

Bien sûr, ils s'efforçaient de rester fidèles à la Ollande bien aimée et à sa Suglend royale, mais au fond de leur coeur, ils sentaient quelquefois un blasphème leur monter aux lèvres contre les injustices de Dieu.

D'autres, encore imputaient leur invraisemblable infortune aux éléphants, parmi lesquels figurait Fransois de Ollande lui-même.

On ne sait d'où était issue la souche d'éléphants qui s'épanouissait en Ollande.

Les analyses génétiques nous laissent à penser qu'ils résultaient de croisements successifs entre pachydermes de plusieurs origines.

Il est à peu près certain que certains étaient ni plus ni moins que des mammouths laineux dégraissés, introduits quelques années plus tôt par un célèbre ministre Ollandais: Clos de l'Aigre (nous reparlerons de lui plus tard).

D'autres ancêtres provenaient certainement d'une souche locale, survivante de la dernière glaciation.

Il n'en restait pas moins que la troupe d'éléphants de Ollande restait florissante, en dépit des coups du mauvais sort.

L'éléphant Ollandais se caractérisait par sa majestueuse stabilité, l'épaisseur de son cuir et sa résistance aux mauvais coups.

Le bel animal était en outre remarquablement élégant, capable à la fois de prendre des vestes et de retourner la sienne, sans se départir de son sourire de triomphe.

De nombreux historiens présument que le légendaire cimmetière des éléphants était une appellation métaphorique de la Ollande.

Le peuple Ollandais, quant à lui, était très attaché à ses éléphants, mais devinait confusément qu'une partie de son insatisfaction devait provenir de la jalousie que les dieux nourissaient à l'encontre de ses pachymermes.

Certains Ollandais devinrent méfiants à l'égard de ces bêtes, et montraient même un certain dédain à leur approche.

Jusqu'au jour où certains franchirent le Rubicon, ou plutôt le bras de Mer du Nord qui séparait Europe de la Ollande.

Ils virent prêter allégeance à Nicolas de Sarcotie.

(à suivre)

Un des célèbres éléphants de Fransois de Ollande, accompagné de quelques-uns de ses fidèles.

jeudi 31 mai 2007

Laisser des traces

Chapitre 21

Ou l'on découvre ce que les Europains faisaient dans le bois de Boulogne.

Verba volent, sed scripta manent
Jaurès de l'Avenue, in 
Pas de Quartier Latin.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Europains nourrissaient une inexplicable détestation à l'égard des arbres.

Ils considéraient que les arbres les empêchaient de se rendre d'un point à un autre en ligne droite.

Ils les brûlaient, les perçaient, les bonzaïisaient (une forme de supplice végétal raffiné).

Ils les abattaient par centaines, sans jamais parvenir à les éliminer complètement, malgré tout leur archarnement.

Ils se retrouvaient ainsi avec une énorme quantité de bois dont ils n'avaient que faire, et qui de plus était effroyablement renouvelable.

Pour trouver un usage à tout ce bois, et valoriser ce déchet encombrant comme une matière première, ils imaginèrent d'écrire leurs blogs, journaux, et tout ce qui leur passait par la tête sur papier.

Le bois abondait.

Il suffisait de le broyer pour obtenir de la pâte à papier.

De nos, jours, évidemment, le papier, quand on en a besoin, pour faire des cocottes en papier par exemple, est obtenu industriellement en cultivant des bactéries dans de grands réacteurs biologiques, qui produisent des centaines de kilos de cellulose par jour.

Mais il ne viendrait évidemment à l'idée de personne d'utiliser un support aussi précaire pour stocker de l'information.

On a vraiment du mal à imaginer de se servir de papier pour écrire, mais il faut se rappeler que pour les Europains de cette époque, les ordinateurs n'existaient pas, et que le seul moyen d'enregistrer des informations permanentes était de les imprimer (voir ce terme plus loin).

On composait des textes mentalement, on le mettait en forme en imagination, puis lorsqu'on était satisfait du résultat obtenu, on transférait le texte sur papier, soit manuellement, au moyen du procédé appelé écriture, soit de façon automatique, grâce à l'imprimerie.

Si par malheur on avait une perte de mémoire ou une distraction inopinée, le texte était perdu, et il fallait recommencer tout le processus.

C'était horriblement long et fastidieux, mais il faut se souvenir qu'une civilisation avancée et brillante a réussi à s'épanouir de cette manière.

L'écriture manuelle consistait à frotter le papier avec un bâton sale.

La saleté se déposait en couches minces sur le papier, et si on le dirigeait avec assez de minutie, on parvenait à obtenir la forme des lettres que nous connaissons sur nos ordinateurs.

Ce procédé simple autorisait la polychromie, qui était obtenue en repassant successivement le texte avec de la saleté de différentes couleurs.

Le procédé fut longuement perfectionné, en mettant au point des bâtons composites, munis de leur propre réservoir de crasse.

L'imprimerie, quant à elle consistait en une sorte de système de pochoirs miniaturisés, qui permettait de transcrire des textes de façon légèrement plus rapide que le système manuel, et d'inclure des photographies.

Quasi-miraculeusement, par l'intermédiaire de ces procédés merveilleusement simples, les Europains parvenaient à communiquer, laisser des traces, des journaux intimes, des blogs, des cartes postales du front, des affiches électorales, des bulletins de vote, des cartes d'électeur, des photos officielles du chef de l'état, des cartes d'identité infalsifiables, qui étaient, ma foi, fort utiles pour Nicolas de Sarcotie dans l'exercice des pouvoirs qui lui étaient conférés.

Lequel Nicolas de Sarcotie n'entreprenait d'ailleurs jamais à son jogging (conférence de presse massive itinérante) sans se munir d'un bâton sale, dans l'éventualité où une tranche d'arbre lui serait présentée par une électrice enthousiaste.

L'action de laisser sa marque contre un arbre était appelé *dédicace*, et le prince-démocrate s'y adonnait avec un plaisir manifeste et attendrissant.

mercredi 30 mai 2007

Trop de la balle

Chapitre 19

Balles neuves !
Jaurès de l'Avenue, in 
 La Guerre et l'Après.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, au début de l'été, lorsque le temps - qui n'avait pas encore subi le réchauffement climatique - se faisait plus doux les Europains se rendaient à Rolangarosse.

Rolangarosse était un lieu de rassemblement, à proximité de Pari, qui était utilisé une fois par an, précisément pour la cérémonie de l'ennui.

Cette cérémonie n'était pas à proprement parler une cérémonie religieuse, bien qu'elle fût placée sous le haut patronnage de la déesse solaire Thémis (une curieuse survivance d'une antiquité beaucoup plus ancienne).

Il s'agissait plutôt d'un rituel social, au cours duquel les Pipôles pouvaient témoigner et renforcer leur appartenance à l'élite.

On prenait prétexte du fameux rituel antique de l'ennui, autrefois pratiqué par des prêtres de Thémis, qu'on abandonnait désormais à deux esclaves choisis pour leur neurone joliment coloré.

Cet hommage à Thémis consistait à faire s'affronter les deux esclaves qui n'y comprenaient pas grand chose en les obligeant à se renvoyer une balle jaune (symbole du Soleil) par l'intermédiaire de raquettes (sortes de sur-chaussures destinées à marcher dans la neige, symbolisant les forces opposées au Soleil).

Au temps où le rituel était pratiqué par des prêtres, ceux-ci récitaient des chants et des prières.

Lorqu'on remplaça les prêtres par des esclaves quasi-intelligents, on se contenta de grognements gutturaux inarticulés, qui faisaient très bien l'affaire.

On déclairait vainqueur celui des deux qui parvenait à faire mourir son adversaire d'ennui.

Le sol de l'arène était fait de terre rouge, afin que les spectateurs ne soient pas choqués par la vue du sang répandu.

La plupart du temps, la mort était, heureusement pour les malheureux, assez symbolique, d'une part parce que le prétexte religieux était finalement assez lointain, et d'autre part parce qu'on se lassait d'attendre.

On considérait le rituel accompli quand un des deux reconnaissait sa défaite.

Le rituel de l'ennui durait en général plusieurs heures, ce qui permettait aux Pipôles de s'exposer, de se faire reconnaitre par leurs pairs et d'affirmer leur rang dans la société.

On considérait que le prestige était d'autant plus grand pour les participants qu'ils n'avaient pas financé eux-mêmes leur participation.

Il était beaucoup plus distingué de se faire inviter, ou de laisser croire qu'on l'avait été.

Certains contractaient de lourdes dettes pour entretenir cette illusion.

La bienséance voulait qu'on adopte une attitude d'ennui étudiée, et de montrer hostensiblement qu'on ne s'intéressait bsolument pas aux malheureux  qui transpiraient à même la terre.

Pour commenter la présence des personnes de qualité, et surtout renforcer le sentiment d'ennui mortel, on faisait aussi venir des journalistes à dents blanches, virtuoses dans l'art de feindre l'enthousiasme, comme le pittoresque Nelson de MentFort.

A l'instar du Festival des Connes, les rencontres de Rolangarosse étaient un élément d'un des innombrables rites sociaux qui rythmaient la vie de la société, et auxquels les Europains semblaient très attachés.

Parfois, il pleuvait.

Alors, on recapotait, et on allait se faire voir ailleurs.

mardi 29 mai 2007

Les vélos

Chapitre 18

- C'est encore loin le sommet ?
- Tais-toi, pédale.
Jaurès de l'Avenue, in
L'Arrivée du Tour.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, le mair de Pari, l'intrépide metteur en Seine Bertrans de la Noyée, s'était convaincu que tous les administrés devaient rouler à vélo.

Bertrans de la Noyée était le promoteur visionnaire de Pariplage, un astucieux système de bassines, de lampes à ultraviolets et de bains de pieds qui permettait de conserver le soleil à Pari au mois d'Août, quelle que fût la position de l'anticyclone des Açores, pour peu qu'on conservât ses lunettes spéciales à vision positive.

Le vélo, quant à lui, était une invention plus ancienne, un ingénieux véhicule à cuisses musculeuses, munies de deux roues, disposées l'une derrière l'autre.

Ainsi décrit, on comprend que le vélo était par nature instable.

Mais le génie des ingénieurs Europains avait été d'obtenir qu'il tienne en l'air par effet gyroscopique, en emportant un passager, de surcroît.

Des expériences sont actuellement tentées par des universitaires pour reconstruire et mettre en oeuvre des exemplaires de vélo d'après des plans d'époque, pour en comprendre le fonctionnement et évaluer leurs performances.

En attendant les résultats nouveaux espérés de ces expériences, on se base sur des récits de l'époque, qui nous donnent à penser que le vélo permettait de réaliser des vols planés de quelques dizaines de mètres, sans aucune aile ou hélice, particulièrement au niveau des carrefours à circulation dense.

Il faut s'imaginer le Pari de l'époque, beaucoup plus dégagé et aéré que ce que nous connaissons, avec ses habitants décollant avec grâce à chaque carrefour comme une volée de colombes.

De nos jours, on ne parvient à obtenir cet effet qu'au moyen de pastilles anti-gravité, malcommodes et inélégantes, ce qui devrait nous rendre modestes quand nous portons des jugements condescendants sur la technologie de cette époque.

Malgré tous ses avantages, le vélo avait quelques menus inconvénients, qui n'avaient pas manqué de lui attirer les foudres de quelques grincheux aux jambes courtes, mais au bras long.

Pas de Nicolas de Sarcotie lui-même, en tous cas, qui, outre le jogging (conseil des ministres cursif) dans le bois de Boulogne, était connu pour ses longues ballades à vélo dans le bois de Boulogne, avec des garçons chaleureux transpirants conduits par le journaliste serviable Michel de Druquère.

En fait, rien de ce qui était dans le bois de Boulogne, aucun de ses habitants ou de ses habitués n'était étranger à Nicolas de Sarcotie.

Le bois de Boulogne était sa passion.

Et il aimait beaucoup le vélo.

Ceux qui en revanche détestaient cette merveilleuse machine lui reprochaient mesquinement de ne pas protéger de la pluie (les villes n'avaient pas de bouclier de régulation météorologique), d'être malcommode à garer, et surtout d'être facile à voler - les sots, ils ne se rendaient pas compte que c'était son principal avantage, qui leur offrait la possibilité de partager les sensations des oiseaux.

Bertrans de la Noyée avait décidé d'imposer le bon sens à toute la cité en proposant des vélos à chaque coin de rue à tous les passants qui avaient besoin de voler pour se déplacer, ainsi qu'à ceux qui n'en avaient absolument pas besoin.

Pour parvenir à cette fin, il avait passé un accord avec Jean-Claude de Caux, un célèbre fabricant de bribus, un autre ingénieux dispositif qui permettait de survivre bien coiffé dans un monde plein de bus.

Jean-Claude de Caux et Bertrans de la Noyée estimaient qu'il était possible d'obtenir de même résultat, en remplaçant les bus par des vélos, pour faire un monde plein de vélos.

Certains remarquaient qu'il existait déjà un monde plein de vélos, dans la république du China, mais que ses habitants ayant pris goût aux véhicules à huile de pétrole et aux bus préféraient en définitive un monde plein de bus.

Bertrans de la Noyée répliquait avec à propos que lorsque le China s'éveillerait, Europe s'endormirait, à cause du décalage horaire, alors, qu'est-ce que vous répondez à ça ?

Il se faisait fort de favoriser ce sommeil, en mettant en place des rituels d'endormissement.

Ainsi, pendant tout un été, Pari se couvrit de trous verts et blancs, alors que des ouvriers construisaient les brivélos qui allaient bientôt faire la réputation de la ville.

lundi 28 mai 2007

Les agents

Chapitre 17

Pour les réclamations, parlez dans l'hygiaphone .
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


Au temps de Nicolas de Sarcotie s'était constituée une société secrète, destinée à rassembler une élite au sein de la nation.

Cette élite était composée d'hommes et de femmes courageux et dévoués, sélectionnés lors de concours exigeants, qui permettaient de ne retenir que les meilleurs spécialistes.

Le rôle principal de cette élite était la défense exclusive de leurs propres intérêts, appelés 'acquis sociaux' - on dirait de nos jours 'droits de l'homme' - à l'exclusion de ceux de tout autre administré.

On appelait ce corps d'exception la 'fonction publique'.

Pour leur permettre de réaliser cette tâche indispensable à la nation, des moyens considérables avaient été consentis: Le contrôle des transports, de la distribution du courrier, de l'énergie, de la police, et même l'impression de la photographie officielle de Nicolas de Sarcotie leur avaient été confiés en exclusivité, eux-seuls étant en mesure d'en assurer la responsabilité, en raison de leur haut degré de désintéressement, de conscience et d'altruisme.

Leur rôle était considéré si vital pour le pays qu'un ministère leur était traditionnellement consacré au sein du gouvernement.

En contrepartie de la considération et des avantages consentis à cette élite, la société exigeait d'eux un service d'une qualité exceptionnelle.

Les tâches les plus harrassantes, les plus ingrates et les plus usantes leur étaient confiées, qu'ils acceptaient sans jamais rechigner.

Ce qu'ils faisaient, aucune bête au monde ne l'aurait fait pour ce salaire dérisoire et ces conditions de travail scandaleuses.

Chacun Europain sensé convenait que la constante disponibilité qui était attendue d'eux pendant les horaires d'ouverture, sauf les dimanches et jours fériés, n'était supportable (par les administrés eux-mêmes) qu'à la condition d'offrir en compensation des jours de congés additionnels et surtout une retraite anticipée, pour profiter des derniers jours qui restait à survivre à leur pauvre corps martyrisé et à leurs pauvres nerfs martyrisés (ils étaient martyrisés des pieds à la tête, en fait).

Pour maintenir constante leur vigilance et leur mobilisation, on les entretenait dans une quasi-misère, en s'abstenant autant que possible de les rémunérer, et en ne les nourrissant qu'un jour sur deux.

On s'assurait ainsi que leur capacité de mobilisation était intacte et immédiatement disponible aussitôt que le service public était menacé par une circulaire (sorte de scie rotative employée par certains ministres psychopathes).

Les agents du service public étaient nombreux, mais les menaces qui pesaient sur lui étaient plus nombreuses encore, plus nombreux que les sauterelles dans une invasion de sauterelles, ou que les lentilles dans une boîte de lentilles (grosse):

Les réductions d'effectifs les empêchaient de terminer leurs dossiers avant de partir en congés payés, ce qui les obligeait à les retrouver à leur retour de vacances.

Leur direction avait d'absurdes exigeances de performance et de productivité, qui les empêchait de consommer le temps et les ressources nécessaires à l'accomplissement de leur tâche dans les meilleures conditions.

Les usagers étaient souvent violents et agressifs et manquaient de compréhension envers leurs difficultés.

Certains usagers leur faisaient même sentir qu'ils ne les aimaient pas, ce qui les contraignait à redoubler d'efforts pour leur donner satisfaction.

Les courageux agents du service public enduraient toutes ces ignominies sans élevéer la moindre plainte, sauf au cours des mouvements sociaux.

Les mouvements sociaux étaient une sorte de chorégraphie collective de rue (on disait aussi 'faire la hola'), particulièrement esthétique, mais difficile à réaliser.

En raison de leur bonne coordination et de leur maitrise des mouvements dans l'espace, les agents du service public excellaient dans cet exercice, pour lequel ils s'entrainaient plusieurs fois par an.

Beaucoup y montraient également leurs talents de poêtes et de musiciens, et composaient des slogans sur l'usage proctologique que les ministres devaient faire de leurs réformes, qui émouvaient jusqu'aux larmes les administrés les plus endurcis par les files d'attente.

dimanche 27 mai 2007

Immaculée conception

Chapitre 16

Souriez, le petit oiseau va sortir.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


Au début du premier mandat de Nicolas de Sarcotie, un vaste débat traversa la société Europaine.

Il s'agissait de déterminer le statut des enfants conçus par les femmes qui s'étaient donné quelques plaisirs et attouchements devant la photo officielle du prince-démocrate sans avoir surveillé leur courbe de température avec suffisament de rigueur.

Les nombres de plusieurs centaines de milliers avancés par certains chroniqueurs de l'époque sont probablement fantaisistes, même en tenant compte de la virilité proverbiale de Nicolas de Sarcotie.

On pense aujourd'hui qu'ils atteignirent un nombre de quelques dizaines tout au plus la première année, nombre qui s'accrut progressivement tout au long du mandat pour atteindre un maximum d'environ 3500 l'année de sa première réélection.

Même ainsi ramenés à des proportions plus vraisemblables, ces nombres restent considérables, et posaient de sérieux problèmes aux juristes.

Des problèmes de droits et de protocole en premier lieu, car il s'agissait de savoir si ces enfants pouvaient prétendre à une part d'une succession éventuelle, au même titre que les autres enfants du couple Nicolas de Sarcotie - Cécellela de Sarcotie et tous leurs ex.

Le grand nombre de ces descendants supposés réduisait d'autant les parts, même en contrôlant parfaitement les marchés publics, les taxes intérieures sur les produits pétroliers et les jeux de hasard, et les opportunités pour créer de nouvelles taxes n'étaient pas nombreuses.

De plus, en raison de sa louable politique de réduction du train de vie de l'état, qui le contraignait à limiter le nombre de ministères (dont la moitié étaient réservés à des femmes, et par conséquent improductifs), Nicolas de Sarcotie s'interdisait, malgré l'ampleur du problème, de créer un ministère spécialement destiné à gérer le problème de ses enfants putatifs.

Par ailleurs beaucoup interrogeaient sur la véracité de ces paternités, qui étaient rarement établies avec certitude.

Rappelons qu'à cette époque, les techniques de génie génétique, notamment l'amplification automatisée de l'ADN en était à ses balbutiements, et que ces techniques très onéreuses étaient réservées à des nécessités impérieuses, comme l'identification judiciaire dans les cas d'homicide ou de vol du scooter du fils du ministre de l'intérieur.

Chaque paternité revendiquée entrainait nécessairement des enquêtes approfondies par des agents de police ou des gendarmes qui devaient se débrouiller sans avoir jamais aucune formation de généalogie ou de gynécologie.

Les procédures duraient parfois des années, d'autant que les enquêteurs devaient ensuite taper des rapports avec deux doigts sur un ordinateur dépourvu de commande vocale.

A côté de cas relativement indiscutables, comme celui de femmes de détenus qui n'avaient pas vu leur mari depuis plusieurs années, il existait des cas plus douteux, comme des enfants noirs apparus dans des familles blanches certifiées.

Les historiens tendent désormais à penser qu'environ 27% de ces naissances sont réellement imputables à Nicolas de Sarcotie.

vendredi 25 mai 2007

De la justice

Chapitre 15

Télé prise qui croyait pendre.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


Les archives de la télévision sont des documents importants pour connaitre la vie quotidienne des citoyens au temps de Nicolas de Sarcotie.

C'est le moyen principal qui nous permet aujourd'hui encore d'évaluer le niveau de développement culturel, social, technologique et spirituel de la société de cette époque.

La spiritualité était omniprésente, et on sait par exemple que chaque prise d'aliment au cours des repas s'intégrait dans un rite, une sorte de 'bénédicité', qui stipulait que ce dernier devait être accompagné d'une incantation à www.mangerbouger.fr, comprendre au minimum cinq fruits et légumes végétaux naturels frais par jour et être suivi d'exercice.

Nos recherches ne nous ont pas encore permis de déterminer de quel exercice il s'agissait, ni à quelle fin cet entrainement était destiné, mais cette nécessité était toujours rappelée avec force, et on le pratiquait de façon si universelle et courante que les auteurs ne se souciaient jamais de préciser en quoi il consistait, ce qui agace quelque peu les historiens d'aujourd'hui.

De la même façon, chaque prise de liquide était accompagnée d'une formule rituelle rappelant le caractère néfaste de la boisson, qui invitait à l'abstinence et à la modération.

Un verre était toléré, à ce qu'il semblait, mais on vouait, par un 'bonjour' symbolique et ironique, celui qui en consommait trois à la peu enviable malédiction des dégâts, qui attirait sur lui le courroux de la 'mère-échaussée', ainsi qu'on appelait la cohorte vengeresse des anges bleus de Nicolas de Sarcotie, à laquelle la boisson était normalement réservée, selon une tradition séculaire, et qui défendait jalousement ce privilège.

On suppose que ces rappels contradictoires associant une consommation, une malédiction, un café (optionnel) et l'addiction étaient un rituel destiné à rappeler la vanité des entreprises humaines, et à inciter les citoyens à l'humilité.

On ignore si la non-application de ces rites était associé à un barème de sanction particulier, mais il est vraisemblable que des formes de contrition et d'expiation, voire de confession publique aient été pratiqués.

Plusieurs archives d'émissions, dirigées par de célèbres officiants de cette époque, comme le légendaire Jean-Cul de la Rue ont été retrouvées dans un remarquable état de conservation.

Elles nous permettent d'en apprendre beaucoup sur le système judiciaire de l'époque.

On y voit les repentants affublés de costumes infamants et grimés de façon ridicule présentés au public rassemblé pour les juger.

Les coupables eux-mêmes, conscients du caractère inexpiable de leur péché, semblaient consentir d'assez bonne grâce aux dernières humiliations auxquelles on les soumettait, après les avoir contraints de confesser leur faute, parfois même en présence de leur famille humiliée avec eux.

La condamnation sans équivoque était manifestée par le jury furieux en frappant violemment ses mains l'une contre l'autre, dans un geste d'écrasement symbolique du Mal et de son représentant sur Terre incarné par le sujet.

La plupart du temps, l'humiliation était telle qu'il n'était plus jamais nécessaire de convoquer à nouveau les délinquants.

Les récidivistes indécrottables revenaient en deuxième semaine, pour renouveller leur traitement.

Un autre célèbre juge d'instruction, le célèbre Jean-Pierre de Faucul, luttait d'une toute autre manière pour la défense de la modestie dans la société.

Il était plus particulièrement chargé de traquer et de démasquer ceux qui voulaient toujours avoir le dernier mot, et qui, à cause de ce redoutable défaut faisaient montre d'un grave manque de sociabilité et de convivialité.

De nos jours, bien des années plus tard, ce défaut n'a malheureusement toujours pas complètement disparu, il faut bien le reconnaître.

A cette époque, Jean-Pierre de Faucul, le magistrat inexorable, posait et reposait sans relâche la fatidique question qui devait démasquer les asociaux, pour découvrir s'ils déclaraient le dernier mot.

Comme ils avaient le Mal et la cupidité chevillés au corps, ça marchait à tous les coups.

Mais la punition la plus sévère et la plus crainte était l'Eurovision, ainsi nommée parce qu'elle exposait les criminels suppliciés à la vue de tous les Europains.

Les infortunés soumis à cette épreuve devaient plaider leur cause en prononçant, en signe de repentance, une chanson spécialement sélectionnée pour sa mièvrerie absolue.

Mais en réalité, ça ne servait à rien, les jugements étaient établis d'avance, selon des critères probablement évidents et rigoureux aux yeux des Europains de l'époque, mais qui sont à présent totalement inaccessibles à nos moyens d'exploration scientifiques et à notre entendement.

En pratique, il s'agissait juste de se payer leur tête, pour se la repasser ensuite dans les bestophes (recueils des minutes des procès, conservés pour les générations futures).

Le jugement était sévère et expéditif, et les 'poïntz' marqués au fer de l'infamie résonnaient longtemps à leur oreilles et poursuivaient les condamnés jusqu'à la fin de leurs jours.

Comme la condamnation était publique dans toutes les contrées d'Europe, nul refuge ne leur était laissé, même au fond des plus sombres forêts de Poméranie ou du Bulgaristan.

Il ne leur restait comme seul espoir que la miséricorde d'un oubli rapide.

jeudi 24 mai 2007

Le travail

Trabalho: sim. Samba: não.
Jaurès de l'Avenue, in 
 La Protohistoire


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les gens n'aimaient pas le travail.

Aujourd'hui, chacun sait que cette enrichissante activité est totalement indispensable au développement et à l'épanouissement harmonieux d'une société civilisée.

De plus, il est évident qu'en travaillant plus, on gagne plus, et on s'offre ainsi la possibilité de s'extraire de sa condition misérable et d'offrir un avenir meilleur à sa famille et à ses ex-conjoints divorcés qui ont bénéficié d'un jugement en leur faveur.

Et en travaillant plus-plus, on gagne plus-plus.

A cause de ce terrible et absurde préjugé qui avait cours en ce temps-là, et de la pression de la société, les citoyens qui ne pouvaient faire autrement que de travailler vivaient dans une humiliation permanente, au lieu de se sentir exaltés et ennoblis par l'humble et honnête labeur.

Beaucoup des plus désespérés (notamment les malheureux atteints de socialite, ou d'une de ses formes aigües, la mondialite) s'ingéniaient à inventer des moyens d'échapper au travail:

Les plus organisés mettaient en place des mesures institutionnelles stupéfiantes, comme l'indemnisation du chômage, les congés payés, les congés de maternité, les incapacités temporaires de travail, les jours fériés.

D'autres s'efforçaient de mettre au point des solutions individuelles pour se soustraire à l'infamie du travail, comme les congés maladie de complaisance, les pauses-café à rallonge, les arrivées en retard, les départs anticipés, la varicelle des gosses, etc.

A chaque fois que c'était possible, il s'efforçaient de détourner leur travail au profit d'activités improductives, comme la confection de cocottes en papier, le pliage de trombones, les conversations téléphoniques entre copines de cheval, ou le chat sur Internet.

Par ailleurs - cela nous parait étonnant aujourd'hui - il était couramment admis que le travail devait être rémunéré.

Ce principe fournissait même un prétexte commode pour refuser un travail, lorsqu'on jugeait qu'il était insuffisamment ou pas du tout payé.

Les entreprises dépensaient des fortunes pour rétribuer leurs employés, ce qui diminuait fortement leurs performances, et rendait l'économie chroniquement déficiente.

On poussait même souvent l'absurdité jusqu'à recruter des employés spécialement pour gérer la paye des autres employés !

Heureusement, la conscience économique progresse, et de nos jours plus personne ne met en doute le principe selon lequel le revenu doit être issu de la saine gestion de son portefeuille d'actifs et du bénéfice de son assurance-vie.

A l'époque des princes-démocrates, chacun voyait dans la retraite l'aboutissement de sa courte carrière.

Le stupéfiant concept de retraite correspondait à un moment où il n'était plus du tout possible de travailler.

Or chacun sait que le travail des castes subalternes rend libre et heureux, et qu'en être privé est pour elles une forme de mutilation psychologique.

Les malheureux qui parvenaient à cette effroyable échéance de la retraite erraient, pitoyables créatures désœuvrées, les bras ballants, interpellant les passants indifférents pour quémander quelques heures de travail, à faire du ménage ou à décharger sur les marchés les camions à huile de pétrole de leurs cageots de légumes végétaux naturels.

Du coup, ils subissaient une forme de déchéance physique, répandue à l'époque, qu'on appelait vieillesse, et qu'on ne savait pas guérir.

Le corps, privé de la vigueur et de la santé qu'apporte le travail, se flétrissait et perdait sa souplesse, et la prostate gonflait jusqu'à occuper la plus grande partie de l'abdomen.

Les femmes bénéficiaient d'une vieillesse progressive, qu'on appelait la ménopause, qui permettait d'arrêter le travail par intermittence, un peu tous les 28 jours.

Les hommes, eux, tombaient directement dans la retraite, sans que rien vînt pour diminuer leur souffrance.

La société percevait confusément cette décrépitude comme une anomalie, et on trouve dans les textes les traces historiques de débats sur l'euthanasie qui étaient régulièrement relancés, à chaque fois qu'un vieux venait à mourir.

Par ailleurs, des immigrés venus de tous les pays du monde s'efforçaient de venir à Europe pour ne pas travailler, car on leur laissait entendre que le chômage actif était une valeur de civilisation à laquelle tout être humain avait droit.

Ils abandonnaient leur pays et le bénéfice d'un prestigieux travail d'esclave quasi-gratuit seize heures par jour au profit d'un rêve illusoire d'oisiveté prôné par les activistes des associations de victimes de la mondialite.

Evidemment, dès leur arrivée, ils tombaient comme des mouches, et se mettaient à exiger un salaire, que les employeurs clandestins ne pouvaient évidemment pas leur offrir sans compromettre la précaire santé économique de leur petit business.

Et à cause de leur faible niveau de conscience économique, ils en voulaient beaucoup à leur patron-esclavagiste, qui n'y pouvait manifestement pas grand chose, même avec la meilleure volonté du monde, navré.

mercredi 23 mai 2007

La photographie

Chapitre 13

Dieu reconnaitra les saints.
Jaurès de l'Avenue, in
Sancta Simplicitas


Selon la croyance des Europains du temps de Nicolas de Sarcotie, il était absolument indispensable de s'assurer la bienveillance de Dieu, ainsi que de toutes les divinités subalternes (sous-dieu du HTML, dieu-aspirant de la hotline, etc.) pour toutes les cérémonies qu'ils trouvaient importantes de leur insignifiante et courageuse existence.

L'intermédiaire de ce panthéon était naturellement le divin Nicolas de Sarcotie lui-même, qui présidait aux grandes célébrations de la nation, telle que la finale de la coupe (hommage au dieu équestre des bourrins) ou l'arrivée du tour (grande compétition technologique annuelle entre les laboratoires pharmaceutiques).

Cependant, en dépit ses innombrables talents, Nicolas de Sarcotie ne pouvait se rendre en personne à toutes les festivités mineures, telles que les fêtes à la noix du Périgord, ou les deuils nationaux très chiants où tout le monde devait s'habiller en noir, et ou on s'ennuyait à mourir en écoutant les oraisons funèbres prononcées par tous les notables qui voulaient mettre en valeur la qualité de leur expression orale.

Pour honorer tout de même les divinités, les europains avaient alors recours à des effigies du prince-démocrate.

Les plus dévots utilisaient des statues de marbre grandeur nature (1,98 m) de Nicolas de Sarcotie nu dans une posture typique et solennelle, le front ceint d'une couronne de laurier, car chacun connaissait sa passion pour cet aromate.

La plupart du temps, on préférait placer à droite de l'autel une photographie du prince-démocrate, prise dans la bibliothèque de son palais, et à gauche de l'autel une statuette en résine blanche ou en plâtre de Brégide de Barredeau, qui assurait la bienveillance du saint patron des ruminants et des carnivores domestiques non-comestibles.

L'image avait davantage de valeur spirituelle lorsqu'elle portait une mention manuscrite de Nicolas de Sarcotie lui-même, ou un tampon d'un de ses collaborateurs proches du commissariat.

La photographie proposée aux Europains avait été choisie avec passion par Nicolas de Sarcotie lui-même, sur les conseils de sa première épouse, Cécellelà de Sarcotie, qui avait mis un soin minutieux à lui redresser la cravate, qu'il avait peu l'habitude de porter, car il faisait le plus souvent son jogging (rite de la course autour du palais avec ses ministres) dans un T-shirt ample qui cachait son corps souple luisant de sueur.

Cécellelà de Sarcotie était l'ancienne épouse du maitre de télévision du dimanche après-midi, Jaque de Martin, mais s'était lassée de lui quand il avait cessé d'apparaître sur les écrans au profit d'un jeune animateur rebelle, insolent et incorruptible, Michel de Druquère.

Nicolas de Sarcotie était très épris d'elle, et lui avait promis qu'après sa mort, elle pourrait épouser Aristo d'Onanisme, comme son idole de l'Etasunie, Jaquille Quinedit, de la dynastie Quinedit.

Cécellela de Sarcotie motivée par cette grosse carotte et par un voyage à Malte tous frais payés, avait alors accepté de donner le change quelques semaines encore.

Les divinités pouvaient ainsi être honorées avec la dignité et la déférence qui convenait.

De plus, chaque Europain de cette époque s'endettait, souvent lourdement, pour se faire construire un petit autel présidé par l'effigie de Nicolas de Sarcotie, en fonction de ses moyens économiques, du poids de sa conscience et de la pression fiscale.

Au petit matin, avant l'aube, le chef de famille envoyait sa femme renouveler le collier de fleurs tressées dont on décorait la photographie, et préparer les plats et l'encens qu'on lui apportait en offrande, ainsi que les amendes amères qu'on voulait voir amnistier.

Alors seulement, quand tout était prêt, il s'autorisait à se lever, si le café était chaud, et les tartines beurrées.

Certains historiens rapportent que des abus étaient commis, certaines de ces épouses profitant de la solitude matinale pour s'offrir de menus plaisirs devant l'effigie de Nicolas de Sarcotie.

Mais la société tolérait assez bien ces excès de ferveur, et les maris étaient en général assez compréhensifs.

Si les plats avaient disparu avant que le chef de famille vienne présenter ses propres hommages, cela signifiait que Nicolas de Sarcotie agréait l'offrande et accordait sa bienveillance.

Les plats disparaissaient d'autant plus vite que les familles possédaient des animaux domestiques, ce que chacun comprenait comme un témoignage de l'attachement que le prince-démocrate portait à ces petites créatures.

Les amendes ne disparaissaient jamais, aussi ferventes que fussent les prières.

mardi 22 mai 2007

Le guérisseur

Chapitre 12

Y a que les imbéciles qui ne sont pas de mon avis.
Jaurès de l'Avenue, in 
 La Protohistoire.


Les historiens ont longtemps débattu du pouvoir de guérison attribué à Nicolas de Sarcotie.

De nos jours encore, ces pouvoirs paranormaux sont regardés avec scepticisme par les scientifiques, et on considère le plus souvent que les rapports qui en sont faits témoignent surtout de l'ignorance et de la superstition de ceux qui les rapportent.

Malgré tout, beaucoup d'historiens sont aujourd'hui convaincus que des guérisons inexpliquées sont intervenues, corroborées non seulement par des témoignages, mais par des preuves archéologiques moins discutables, telles que l'analyse des restes des patients concernés.

La socialite était alors un mal répandu en Europe, sans toutefois jamais atteindre l'ampleur des grandes épidémies de fièvre rouge de l'est et de l'Asie.

Tous n'en mourraient pas, mais tous en étaient atteints, et tous en souffraient.

Certains textes, qui fournissent des témoignages de surprenantes faiblesses à certaines occasions, laissent à penser que Nicolas de Sarcotie lui-même aurait pu en être affecté à certaines périodes de sa vie.

L'ensemble des pipôles (l'élite) d'Europe montrait des signes de la maladie, à des stades parfois avancés.

Quant à la cour de Ollande, la socialite y était tellement répandue qu'elle était complètement intégrée et admise.

A cet égard, les Ollandais faisaient montre d'une tolérance bien plus grande que celle des Europains, puisqu'il était courant de se reconnaitre ouvertement atteint de socialite, en continuant d'exercer ses fonctions.

On vit même des malades atteints de communite, la forme la plus morbide de la socialite, exercer leur charge jusqu'au bout, dans une certaine dignité.

En comparaison, pour les Europains, la socialite était vécue douloureusement, comme une maladie honteuse, et les gens avaient du mal à se défaire du préjugé qui consistait à croire que les malades étaient responsables de leur maladie.

Nicolas de Sarcotie était ému jusqu'au fond du coeur, et révolté par les condition qui était faite à cette bande de malades.

Il interdisit formellement qu'on enfermât les malades de socialite dans des sanatoriums spécialisés, comme certains l'avaient suggéré pour se prémunir de la contagion.

Mieux que cela, il osait toucher des malades de socialite sans gants, ni vitre protectrice, ni préservatif.

Il fit venir de Ollande de grands princes, malades de cette affection, bien qu'ils fussent ennemis.

Il les fit s'agenouiller devant lui, lui lécher les pieds (surtout entre les orteils), leur imposa les mains et les sauva de la terrible maladie.

Le prince Bernacle de Cochenère fut ainsi sauvé, et Nicolas de Sarcotie en fit son ministre.

Le mage Hérique de Baisons, qui avait autrefois fait le thème astral et promis la victoire à la Suglend royale, à cause de l'aveuglement induit par la socialite, fut guéri lui aussi, devint un devin raisonnable au lieu d'un devin vain, et fut fait secrétaire.

Europe souffrait également d'autres maladies épouvantables, telle la front nationalite.

Les malades atteints de ce mal voyaient leur front pousser vers l'intérieur et réduire inexorablement l'espace disponible pour le cerveau.

Par une action énergique, de sévères mesures d'hygiène et des bras accueillants, Nicolas de Sarcotie parvint à éliminer presque complètement la maladie, y compris une forme toute nouvelle, récemment apparue, qui affectait principalement les gars de la Marine.

lundi 21 mai 2007

Bel et rebelle

Chapitre 11

Je crois que j'ai une ouverture.
Jaurès de l'Avenue in 
 Les Bronzes.


Le bon prince-démocrate Nicolas de Sarcotie, surnommé 'le bienveillant' par ses électeurs aimants, ne pouvait décemment pas être bienveillant avec tout le monde (nul n'y est tenu).

Il était de sa responsabilité d'exercer toute l'intransigeance de la justice et de la loi à l'égard des impudents qui menaçaient l'intégrité de la société et des compagnies amies.

Il se trouvait ainsi des personnages qui tentaient de remettre en cause la délicate architecture de la société, dont Nicolas de Sarcotie était le garant et dont il devait répondre devant les conseils d'administration des 'sponsors' (gardiens sacrés de l'orthodoxie).

Parmi ces intrépides, il se trouva un jeune esclave, dénommé Fransois de Roubaix qui tenta de soulever des forces pour remettre en cause ce fragile équilibre.

Fransois de Roubaix avait subi un entrainement pour combattre dans la reine (une surprenante distraction très populaire à l'époque, mais dont les motivations et les modalités pratiques nous échappent encore).

A cette fin, il avait reçu une formation pour conduire un tracteur (sorte de char de combat à huile de pétrole) orange (notez ce détail, car il fit plus tard de cette teinte sa couleur emblématique).

L'usage voulait qu'on baptise chaque tracteur de combat d'un nom spécial, ou 'marque', et celui de Fransois de Roubaix était appelé Renault (en hommage à un chanteur alcoolique à foulard rouge, très admiré à cette époque à cause de son rôle de mineur dans un film de majeurs).

Ces tracteurs étaient mus par un grand nombre de chevaux, souvent plusieurs dizaines, parfois plus de cent, ce qui supposait une coordination et une condition athlétique hors du commun pour les mener, ainsi qu'un grand nombre d'assistants pour pelleter le crottin.

On sait peu de chose de la condition de vie des esclaves contraints de se battre dans la reine, mais celles-ci étaient vraissemblablement très dures, particulièrement quand cette dernière était vieille et coriace.

De plus, tous les textes semblent montrer que ces conditions tendirent à se dégrader à l'époque des guerres contre les Ollandais, en particulier au moment où Nicolas de Sarcotie affronta la Suglend royale de Ollande.

Faché quelque peu par les conditions effroyables qui étaient faites à lui-même et à ses compagnons d'infortune, Fransois de Roubaix prit la tête d'une révolte contre Nicolas de Sarcotie.

Pour se rendre complètement méconnaissable, et éviter les représailles à l'encontre de sa famille, il inversa les deux syllabes de son nom, et adopta le nom de Fransois de Bairoux, sous lequel on le connait généralement, et s'inventa une ascendance du Béarn, car il en appréciait particulièrement la sauce à base d'estragon, surtout avec le steack tartare.

Il réussit à réunir autour de lui une centaine de malheureux, si bien qu'on surnomma bientôt cette rébellion la 'révolte des 100 tristes'.

Fransois de Bairoux, quant à lui, rêvait depuis longtemps d'une appellation plus élégante: le 'P.D.', mais ses compagnons les plus virils ne se montrèrent guère enthousiastes pour cette suggestion, lorqu'il leur en fit part.

Comme l'un des révoltés venait de se faire installer d'ADSL, à l'égard duquel il ne tarissait pas d'éloges, ils optèrent finalement pour le 'modem', et chacun se réjouit qu'il ne se soit pas fait installer une machine à café expresso.

Ils envisagèrent même de se faire un blog.

Fransois de Bairoux tenta de se rapprocher de la Suglend royale après la première bataille, espèrant que la victoire de celle-ci lui permettrait d'obtenir l'affranchissement de ses compagnons et de lui-même, ou du moins qu'on lui permettrait de devenir propriétaire de son tracteur.

Malheureusement pour Fransois de Bairoux, la Seglund royale fit bientôt la preuve qu'on ne pouvait pas compter sur une gonzesse pour assumer ce genre de responsabilité.

La réplique de Nicolas de Sarcotie fut alors sévère, mais juste.

Il offrit un siège aux compagnons de Fransois de Bairoux qui se soumettraient.

Comme ceux-ci étaient debout depuis très longtemps et rêvaient de s'asseoir, à cause de leurs jambes lourdes et de leur mauvaise circulation, la plupart se dirent 'au diable la varice', et consentirent à se rallier à lui.

Ainsi que c'était l'usage et la bonne justice à l'époque, Nicolas de Sarcotie fit crucifier au bord des autoroutes les rares parmi les 100 tristes qui refusaient d'abjurer leur vaine fidélité, sur des poteaux oranges (à la couleur des rebelles) spécialement plantés à cet effet, munis d'un interphone pour appeler en cas de danger.

Mais naturellement, la ligne d'assistance ayant été délocalisée au Maroc, il y avait un délai d'attente insupportable quand les suppliciés voulaient porter réclamation, ce qui ajoutait encore à leur souffrance.

On peut encore trouver les vestiges de ces poteaux de supplice sur des tronçons d'autoroute de l'époque classés monument historique.

Fransois de Bairoux continua sa lutte finale plusieurs années encore, entièrement seul, mais toujours habité par son ambition centrale, et il demeure comme le symbole de la résistance au pouvoir.

dimanche 20 mai 2007

Le silence de la mair

Chapitre 10

Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Jaurès de l'Avenue, in 
 La Protohistoire.


La conception de l'histoire et du journalisme à l'époque de Nicolas de Sarcotie était évidemment fort différente de ce qu'elle est aujourd'hui.

Les journalistes ignoraient complètement les notions modernes de déontologie, et on attendait davantage des historiens qu'ils assurent la gloire et la renommée des gouvernants, plutôt qu'une relation factuelle détaillée des événements.

L'historien ou l'archéologue moderne utilisent principalement les récits et rapports officiels de l'époque pour leur fournir des repères chronologiques et des points d'appui sociologiques, mais traitent tous les faits relatés avec une certaine circonspection.

Pour parvenir à se faire une idée de la réalité historique aussi précise que celle dont nous disposons aujourd'hui, il a fallu procéder à de nombreux recoupements entre les informations et il a été nécessaire de s'intéresser particulièrement aux indices indirects, inclus dans des documents qui paraissaient insignifiants à l'époque.

On a sait par exemple grâce aux factures de traiteurs que sous Nicolas de Sarcotie, Jaque de Chirague, le mair (gouverneur) de Pari, entretenait une maisonnée énorme, de plusieurs milliers de conseillers et gens de maisons.

L'abondance de ce personnel nous donne à penser que les resonsabilité du mair étaient beaucoup plus étendues que ce qu'on pourrait soupçonner à la seule lecture des textes officiels (inaugurations de chrysanthèmes, etc.).

On pense aujourd'hui que les services du mair étaient responsables de la guérison des malades, de la construction des astroports, de la cuisson des croissants (une friandise appréciée à l'époque) dans les fours communaux ou encore de l'éducation des chiens de compagnie, responsabilités qui nous échapperaient complètement à la lecture des seuls textes officiels.

Il est notoire que le rôle du mair était minimisé dans les rapports officiels en raison d'une rivalité persistante entre Jaque de Chirague et les princes-démocrates successifs, qui prenaient ombrage de son pouvoir.

La denrée

Chapitre 9

Son seul défaut, c'est son conjoint, sinon, elle est bonne.
Renault de Monté-Embourrin in 
 Le journal d'un diplomate à la Cour d'Ollande


Les Europains de l'époque de Nicolas de Sarcotie étaient confrontés à une grave pénurie d'éthanol, dont ils faisaient habituellement un généreux usage.

Ils utilisaient l'éthanol de trois manières différentes, en quantités à peu près équivalentes:

En tant que carburant (en alternative aux huiles de pétrole très onéreuses), en boisson (sous l'appellation d'alcool), et en désinfectant (pour soigner les plaies occasionnées par leur rude existence).

Cependant, l'approvisionnement était fortement soumis aux aléas climatiques et aux troubles politiques, qui ralentissaient l'importation.

Une certaine gestion de la pénurie était souvent nécessaire, et des choix cruels devaient parfois être effectués.

Pour faire face aux émeutes de la soif qui agitaient la société (les révoltes des banlieues en 2006 sont restées célèbres), Nicolas de Sarcotie mit en place une administration pour le contrôle et la distribution de l'éthanol.

La société convenait de façon assez consensuelle que l'utilisation la moins vitale était l'usage en tant que carburant, puisque les huiles de pétrole étaient encore disponibles.

Il restait donc généralement à choisir entre l'utilisation médicale et l'usage alimentaire du produit.

Nicolas de Sarcotie mit en œuvre une méthode révolutionnaire pour résoudre ces conflits, avec en priorité absolue le maintient d'un service minimum d'approvisionnement en alcool pour le ministère de l'intérieur.

Cette nouvelle approche s'avéra si efficace et permettait d'aboutir si souvent à un résultat gagnant-gagnant qu'elle fut généralisée à la plupart des domaines couverts par l'administration et gros consommateurs d'éthanol, comme la gendarmerie, les postes, les transports ferroviaires, etc.

Certains textes laissent entendre que cette méthode aurait d'abord été popularisée en Ollande par la Suglend royale, sous le nom de débat participatif, ce qui, faute de mieux, induisit effectivement une participation exceptionnelle.

En Ollande, en raison du caractère bicéphale du gouvernement de Fransois de Ollande et de la Suglend royale, la stratégie gagnant-gagnant résultait inexorablement en un blocage conduisant à un résultat perdu-perdu assez désastreux.

Pour Nicolas de Sarcotie, en revanche, qui n'existait que par lui-même et pour lui-même, cette approche permettait de saouler élégamment l'ensemble du peuple Europain.

Une légère adjonction de méthanol dans l'éthanol permettait en outre de le rendre aveugle et sourd.


Chantier de fouilles de la nécropole princière de Versailles.
Ces 20000 guerriers veillent sur le sommeil éternel du prince-démocrate.

samedi 19 mai 2007

Yaourt nature

Chapitre 8

On fait ce qu'on peut, on n'est pas des boeufs.
Brégide de Barredeau, in
Et Dieu créa la vieille.


On se souvient de l'épisode resté célèbre de Nicolas de Sarcotie s'opposant avec succès à l'anéantissement de L'Etasunie par la république barbare d'Irachie, dans un discours légendaire où il présenta son véto (terme généralement traduit par 'spécialiste de médecine animale').

Il faut savoir que les Europains de cette époque nouaient des relations particulières et assez paradoxales avec les animaux, que certes ils tuaient pour se vêtir de leur peau et se nourrir de leur viande, mais qu'ils honoraient dans un même temps comme intermédiaires avec les divinités dans de fastueuses cérémonies appelées selon les endroits S.P.A. ou Corrida.

Ces festivités étaient présidées par des artistes-vierges qui tenaient le rôle de prêtresses et dont la plus mémorable fut Brégide de Barredeau.

Cette dernière fut très adulée jusqu'à la fin de sa vie, où elle souffrit de la maladie neurologique d'Alzheimer, fréquente à l'époque, et ne reconnaissait plus personne en Arles et d'Avignon, où elle résidait.

Nicolas de Sarcotie était lui aussi connu comme un ardent défenseur de l'animalité, et pratiquait avec assiduité le rituel qui consistait à courir nu autour de son palais en compagnie des ministres qu'il voulait particulièrement honorer.

On pense que ce cérémonial avait pour objet d'entrer en communion avec les divinités de la Terre et de la Nature; Il est à peu près certains qu'il n'avait aucune fin utilitaire concrète, car un vaste choix de véhicules à huile de pétrole et de manèges était tenu à la disposition du prince-démocrate pour ses déplacements et ses loisirs.

Cette passion des Europains pour la nature était poussée au point que les grands lieux de distraction et de sacrifices, appelés stadions, étaient ensemencés d'herbe, même au cœur des cités.

L'exploitation de l'énergie solaire était encore fort peu répandue, et la plupart des étendues dégagées étaient plantées d'arbres, ce qui interdisait évidemment l'installation de panneaux photovoltaïques (la seule technologie disponible à l'époque).

Une volonté acharnée d'inventer des solutions renouvelables de récupération d'énergie était cependant sensible dans la société, et conduisait à l'installation d'impressionnants moulins à vent de plusieurs dizaines de mètres de haut.

Parmi ces édifices, le célèbre moulin Effêle de Pari (le 'moulin rouge', dans certains textes) contribuait à la renommée de la cité, et constituait une destination touristique pour les jeunes mariés et les soldats en permission.

Des policiers d'élite spécifiquement entrainés (les 'commissaires-moulins') assuraient la protection de ces sites sensibles.

Selon le célèbre historien Europain de la condition ancillaire Miguel des Servantes, qui vécut quelques siècles avant le premier mandat de Nicolas de Sarcotie, un corps spécifique d'esclaves, ironiquement dénommés 'les dentsquichottent' était dédié à la mise en œuvre et à l'entretien de ces formidables installations.


Le célèbre moulin Effêle de Pari. Noter l'espace dégagé nécessaire à son fonctionnement. Taille réelle: 324m (sans l'hélice).

vendredi 18 mai 2007

Sa race

Chapitre 7

On ne peut pas accueillir tous les mystères de la Terre.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


De nos jours, la population humaine de la planète est variée, mais homogène.

On trouve toutes les variation de couleurs de peau, du brun doré au noir, toutes les couleurs de cheveux, du châtain au noir, et d'yeux, du brun au noir.

Cependant, un voyageur temporel qui reviendrait à l'époque de Nicolas de Sarcotie serait fort étonné des variétés et des différences qui existaient entre les populations.

Il faut savoir que les différents groupes humains avaient vécu de nombreux millénaires dans un rigoureux isolement génétique, en raison des moyens de transports beaucoup moins développés et universels que de nos jours.

De plus, les sociétés (on pouvait véritablement considérer qu'il en existait plusieurs) étaient imprégnées par la conviction que le maintien leur intégrité était liée à la conservation artificielle de cet isolement génétique.

Cette conviction religieuse fondait le principe de 'conservation de la pureté de la race', qui est absolument étrangère aux humains de notre temps, mais qui était la doctrine universelle acceptée et défendue, parfois avec véhémence, par les gens de cette époque.

De nos jours, cette conviction paraît complètement délirante et extravagante, mais au temps de Nicolas de Sarcotie, il ne venait à l'idée à personne de la remettre en question, pas plus que de remettre en cause l'existence de Dieu.

Nicolas de Sarcotie lui-même, de par ses fonctions de grand-prêtre, était un gardien farouche de cette pureté raciale (nous verrons plus loin en quoi cette attitude pourrait paraitre paradoxale).

Il en résultait que les différences de localisation géographique correspondait assez précisément aux différences de population génétique.

A partir de l'étude des textes qui nous sont parvenus, les historiens estiment que la population dite 'blanche', correspondant à la population la plus développée techniquement et culturellement, représentait 60 à 70% de la population de la Terre.

Cette population était caractérisée par une grande taille, des cheveux blonds (c'est à dire jaune pâle), des yeux clairs, tirant parfois sur le bleu et une complète dépigmentation de la peau.

Le reste de la population humaine représentait les groupes de couleurs (noir, jaune, rouge, etc.), et étaient caractérisés par une taille petite, un teint foncé et des yeux bruns ou noirs.

On peut s'étonner que ces dernières caractéristiques soient très largement majoritaires dans la population actuelle, l'albinisme étant désormais considéré comme une curiosité génétique et une exception.

Cependant, il faut savoir que l'évolution du comportement reproductif de la population 'blanche' préfigurait la généralisation du clonage, qui devait se généraliser quelques siècles plus tard, et que leur taux de reproduction était très inférieur à celui des autres groupes.

Malgré tout, en dépit de la doctrine de conservation de la race, il existait, tout de même à cette époque des échanges génétiques entre les populations.

Ainsi, Nicolas de Sarcotie lui-même était caractérisé par une petite taille, des cheveux bruns, des yeux noirs et une peau noire, et la plupart des historiens considèrent qu'au moins un de ses parent était d'origine barbare (selon la désignation de l'époque), c'est à dire issu d'un groupe génétique différent.

jeudi 17 mai 2007

La guerre du Witmann

Chapitre 6

Qui c'est qui a pété ?
Guimauquée,
Star'Ac 1944


On sait que Nicolas de Sarcotie a tiré une bonne partie de son prestige de ses nombreuses et éclatantes victoires militaires, qui ont fait sa réputation de génie stratégique.

La première de ces formidables victoires fut la bataile d'Un Bien Fou, qui permit à la coalition Euro-Etasunienne de remporter la guerre du Witmann.

Elle marqua également le début de l'amitié entre Nicolas de Sarcotie et le président Rhônal de Riganne, à l'origine du grand rapprochement économique entre Europe et l'Etasunie.

A partir de cette époque, grâce aux apports technologiques et politiques d'Europe, l'Etasunie put enfin sortir de siècles de retard dans son développement, quelle vivait depuis sa création par le président Cristobal des Colombes, et devenir un pays moderne et civilisé.

Ce sont d'ailleurs les Etasuniens qui ont imaginé et popularisé l'éloquente appellation de "bataille d'Un Bien Fou".

Le Witmann était une province de la république barbare du China, extrèmement riche, populeuse et surarmée.

Grâce à la victoire d'Un Bien Fou, elle fut vaincue en quelques semaines seulement, et presque sans effusion de sang, selon la doctrine mise en avant par Nicolas de Sarcotie, qui prônait des formes d'affrontement ritualisés, à base de trous chirurgicaux (d'où l'appelation également usitée de 'guerre du golf').

Une 'voiture du peuple' (véhicule à huile de pétrole) construite à cette époque reçu d'ailleurs le nom de 'golf', vraisemblablement en hommage à la victoire de Nicolas de Sarcotie.

Le Witmann ainsi que son vassal le Nuocmann devint ensuite un allié stratégique important de la coalition Euro-Etasunienne contre les puissantes républiques barbares.

A partir de cette époque, les combattants des armées Europaines prirent l'habitude de partir au combat le front ceint d'un bandeau portant au revers les initiales N et S, ainsi que quelques phrases tirées d'une lettre de Guimauquée, un chanteur mort trop jeune de mucoviscidose, dont les journaux parlèrent quelque temps avant de cesser d'en parler.

'Quand le sage montre la Lune, le valeureux combattant de la liberté regarde la grenade qui va lui tomber sur la gueule.'

mercredi 16 mai 2007

Le Festival

Les hommes préfèrent les connes.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire .


Au temps de Nicolas de Sarcotie, la vie de la société était rythmée par les fêtes religieuses, qui constituaient les plus grands événements de la vie des Europains.

Les esclaves jouaient également un rôle très important au cours de ces festivités.

Parmi ces fêtes, il en est une qui paraît particulièrement surprenante à des lecteurs modernes, c'est la cérémonie de désignation de la conne de l'année, à l'occasion du Festival des Connes.

Le Festival se tenait au milieu de la période comprise entre l'équinoxe de printemps et le solstice d'été, selon un calendrier complexe.

Il durait environ deux semaines, marquées par une alternance de cérémonies solennelles, d'événements sportifs et de spectacles forains.

L'apothéose du Festival consistait en l'attribution du titre envié de conne de l'année, qui désignait une jeune esclave choisie pour ses qualités plastiques et décoratives, à l'exclusion de toute performance intellectuelle.

Rappelons qu'à cette époque, l'ensemble de la société pratiquait encore la reproduction naturelle, et que le clonage en était encore à ses balbutiements.

L'esclave choisie comme conne de l'année était enduite d'huile de palme dorée et offerte à la concupiscence du public, qui attendait cet événement avec une impatience et une frénésie difficilement imaginables.

On suppose qu'à l'issue de cette année d'honneurs, elle était affranchie et accédait à la pleine citoyenneté.

Elle bénéficiait en outre d'avantages prestigieux, tels que le droit de participer à des émissions de télé-réalité, ou elle pouvait enfin exprimer ses autres qualités, de nature plus cérébrale.

L'huile de palme dorée recueillie sur le corps de la jeune fille était considérée comme ayant des vertus magiques et thérapeutiques, et servait à la préparation d'onguents réservés à la caste dirigeante des Pipôles.

On ne connait pas encore de texte faisant explicitement référence à la participation de Nicolas de Sarcotie au Festival des Connes, mais en vertu de ses hautes fonctions dans la hiérarchie religieuse, il est probable que le festival se tenait sous son égide ou sous son parrainage.

Napélion de Bonappart

On peut être petit et en avoir une petite.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire .


Les historiens et les archéologues ont longtemps débattu la question de savoir si Nicolas de Sarcotie et Napélion de Bonappart étaient une seule et même personne,

En effet, ils sont toujours décrits de manière très semblable dans tous les textes: De taille plutôt petite, bruns, experts en équitation et en communication télévisée, maladroits en amour, affublés d'un fort accent étranger, et surtout, habiles politiques véritables génies militaires et stratégiques.

Ils partageaient en outre le goût d'un certain luxe hostentatoire.

Aujourd'hui, les chercheurs sont à peu près d'accord pour convenir que les deux ont existé et qu'il s'agit de deux personnes distinctes.

Pour la plupart des gens, Nicolas de Sarcotie est désigné comme "le dernier des princes démocrates", et on considère que le mandat de Nicolas de Sarcotie est survenu après celui de Napélion de Bonappart.

Toutefois, de nouvelles études historiques sont venues à l'encontre de cette certitude, et de nombreux chercheurs tendent à penser que le mandat de Napélion de Bonappart (dont le nom signifie 'bon logis') est survenu plusieurs années, voire plusieurs siècles après celui de Nicolas de Sarcotie.

Certains fragments tendent notamment à faire penser que Napélion de Bonappart aurait affronté directement, à plusieurs reprise un prince Ollandais, qui ne serait autre que le légendaire Fransois de Ollande.

A tout le moins, leurs mandats doivent avoir été très rapprochés dans le temps.

Dans la suite de cet ouvrage, nous considérons que le caractère tardif du mandat de Napélion de Bonappart n'est pas établi, et nous continuerons à nous baser sur la chronologie classique, qui place Nicolas de Sarcotie en dernier représentant des princes-démocrates d'Europe.

mardi 15 mai 2007

L'Ollande

C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est le bateau qui prend la mer .
Jaurès de l'Avenue, in
Les Motonautiques .


De nos jours, la mer de Ollande est un vaste golfe, au nord-ouest d'Europe, dont les eaux chaudes et turquoise font le bonheur des plaisanciers qui naviguent entre les îles de l'archipel de Denmark.

Ses poissons tropicaux et ses somptueux coraux font le bonheur des plongeurs qui s'adonnent à la pêche sous-marine sur les hauts-fonds du plateau continental de Ollande.

Les vacanciers qui se prélassent sur les plages aux abords du delta du Rhin se doutent-ils qu'il y a quelques milliers d'années à peine, à l'époque de Nicolas de Sarcotie, la plus grande partie du fond de cette mer était émergée ?

A cette époque, la côte était baignée par une mer glaciale, qu'on appelait la mer du Nord.

Les forages opérés par les équipes d'exploration ont montré qu'au XXI siècle, la mer du nord était prise par les glaces la plus grande partie de l'année.

C'était le royaume d'espèces fabuleuses, aujourd'hui disparues: le morse, l'ours blanc et le mammouth laineux.

Ces terres étaient habitées par le peuple des âmes, les Ollandais, qui ont laissé leur nom à la mer de Ollande.

On sait encore très peu de choses sur ce peuple, la plupart des vestiges qu'ils nous ont laissé reposant sous des dizaines de mètres d'eau et de sédiments.

Les missions d'explorations se multiplient ces dernières années et nous donnent l'espoir d'en découvrir davantage.

Ce que nous savons des Ollandais provient essentiellement des récits rapportés dans les textes d'auteurs Europains, qui se sont intéressés par obligation à ce voisin hostile et turbulent.

Le grand public connait surtout le dernier des princes Ollandais, Fransois de Ollande, que les légendes considèrent comme l'ennemi le plus ancien de Nicolas de Sarcotie, et qui se retrouve, à ce titre, dans la plupart des récits légendaires.

La capitale (désormais engloutie) des Ollandais était Amesterredame, dont le nom signifie "la dame de la terre des âmes", dénomination que l'on attribue également à la Suglend royale, la première épouse des princes de Ollande.

lundi 14 mai 2007

Les SMS

Prolétaires de tous les pays, travaillez de plus en plus.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire.


Au temps du bon prince Nicolas de Sarcotie, la cité de Pari était encore une cité prospère, bien différente de l'amas de ruines indistictes qui attirent les touristes de nos jours.

On y venait de tous les coins de l'Europe et du monde entier pour y faire commerce de vins, de chevaux, et d'aéronefs.

La ville était réputée pour ses artistes et ses savants.

Les europains disposaient d'un savoir étonnant pour l'époque, maitrisant l'astronomie, l'optique, l'hydrodynamique, l'herboristerie et les mathématiques.

On leur doit notamment l'invention de la relativité, et ils avaient définitivement montré que la Terre (comme les autres planètes) n'était pas plate, mais plus ou moins sphérique.

Le clonage était encore inconnu, et il était encore nécessaire de recourir à la reproduction naturelle avec tous les problèmes infectieux que cela entrainait, mais la démographie était relativement maitrisée.

Cependant, l'humanité de cette époque n'avait pas encore réussi à se débarrasser de ses terreurs ataviques, les peurs des terribles maladies de la peste et du SIDA, qui faisaient encore d'effroyables ravages, sans qu'on connût les mesures de prophylaxie propres à s'en protéger.

Les rares enregistrements de cette époque qui ont pu être déchiffrés montrent l'authentique passion des europains pour la culture, et certains artistes de l'époque devenaient de véritables idoles, vénérées à l'égal de dieux.

Une gravure de l'époque, exceptionnellement bien conservée, a été retrouvée sur le chantier de fouilles de Paribersi (littéralement "le lieu à côté de Pari").

Gravée au nom de "Virgin" (terme que l'on suppose signifier "vierge"), elle mentionne notamment l'artiste-vierge Lorie, et les sacrifices auxquels on procédait pour l'honorer.

Les prêtres tenaient une comptabilité minutieuse des SMS qui lui étaient consacrés.

Les premiers auteurs pensaient que le terme abrégé de SMS désignait une forme de sacrifice humain (dont les modalités nous seraient inconnues), mais compte tenu des nombres pharamineux rapportés pour certaines cérémonies, on pense désormais qu'ils s'agissait plutôt de sacrifices animaux, ou même, selon certains, de simulacres.

dimanche 13 mai 2007

Préambule

Au début du XXIe siècle, sous le premier mandat du dernier des princes-démocrates, Nicolas de Sarcotie, la république d'Europe vivait sans le savoir ses derniers moments d'insouciance.

Une foule industrieuse et affairée de négociants et de marchands se bousculait dans les rues et se pressait sur les marchés, au milieu des étals de fruits et de viande, pour le plus grand bonheur des insectes.

Les agents d'une milice bonenfant traquait avec une sévérité toute relative les coupeurs de bourse dans la foule bigarrée.

On voyait passer dans les avenues les premiers véhicules automobiles, inventés quelques années plus tôt à peine.

Les plus audacieux empruntaient les tout premiers astronefs, fonctionnant aux huiles de pétrole, et tout juste capables de sauts de puce d'une ville à l'autre, mais inaptes au plus simple des vols spatiaux.

Les déplacements interplanétaires, inventés seulement deux siècles plus tôt par l'amiral Youri de Gagrine étaient encore réservés aux pipôles, la caste des élites, et basés sur des fusées grossières et dangereuses.

Le climat était encore beaucoup plus froid que de nos jours, au point qu'il neigeait parfois, même au niveau de la mer, et il était d'usage de se vêtir de manteaux de peau d'animal mort (à cette époque, cela ne choquait personne).

Nicolas-le-Bienveillant, comme ses sujets le surnommaient, gouvernait avec magnanimité et dynamisme, en s'inspirant beaucoup du célèbre philosophe Jaurès de l'Avenue. Beaucoup d'auteurs considèrent aujourd'hui que Nicolas de Sarcotie, qui était contemporain, quoiqu'un peu plus jeune, de Jaurès de l'Avenue, avait été son disciple pendant plusieurs années, avant d'accéder au trône de la république.