Quintescenteries

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mercredi 5 août 2009

La vague

Moi, j'ai rencontré quintescent en 2004, pendant le tsunami.
Pour nous, c'était une légende dans le milieu du racket-surf, le surf en raquettes.
On était toute une bande, de tous les pays du monde, avec un seul point commun: On était dingues de vagues.
Pour être plus exact, on attendait LA vague.
Le rouleau légendaire, le tube parfait.

Certains attendaient depuis des années.
Les plus anciens étaient des vétérans de la guerre du Viet-Nam, au look de hippie grisonnants.
Ils aimaient laisser croire qu'ils étaient déserteurs de l'US army, mais peut-être qu'ils avaient juste été réformés ou oubliés lors de l'évacuation, en train de cuver leur marie-jeanne dans une chambre paumée.
De toutes façons, personne ne se posait bien longtemps ce genre question, une fois qu'il était allongé sur le sable.

Les plus jeunes étaient des gamins danois, arrivés la veille, attirés par la réputation du spot.

Les pétards tournaient, les filles tournaient, et on était parfois pas très prudents, avec les putains de lois islamiques du pays, qui avaient vite fait de vous envoyer au trou pour vingt ans pour détournement de mineur ou pour trafic de drogue. Mais ça allait toujours: tant qu'on avait un ou deux billets à leur filer, les flics fermaient les yeux. Un bon business pour eux.

Au bout de quelques jours, on s'apercevait qu'en fait de vague, la mer était plutôt plate, par ici. Il y avait quelques moutons, et une barre assez marquée, à 300 m du rivage, mais à part ça, pas grand chose.
On finissait par se demander ce qui avait fait naître l'incroyable réputation de l'endroit.
Mais le soir, autour du feu de camp, on se répétait la légende, et on restait un jour de plus.
Ca durait des années.

Et puis un jour, quelqu'un a annoncé le passage de quintescent.
LE quintescent.
L'inventeur de la philosophie du racket-surf, le découvreur des spots les plus mythiques de la planète.
Tenir sur l'eau avec des raquettes, quand on y pense, ça a quelque chose de magique.
Ce type réinventait les lois de la physique et de l'espace avec son corps.

Et ce corps, justement, ça disait quelque chose aux filles !
Elles étaient électrisées. Jamais vues comme ça.
Elles se repassaient des pics trouvées sur Internet.
Du coup, les garçons faisaient un peu la gueule, parce qu'il n'y avait jamais eu autant de rateaux dans la bande que la veille de sa venue.

Il est arrivé un soir, autour du feu de camp.
Une soirée inoubliable.
Il faisait un temps magnifique - comme tous les jours, en fait.
La nuit était douce, on buvait ses paroles.
L'expérience de ce type était incroyable.
Je n'aurais jamais cru qu'on puisse faire tant de trucs dans une seule vie.

Il ne pouvait pas rester.
Il avait une conférence le lendemain, pour une journée de la glisse, dans la capitale.
Il partait à l'aube.
Mais promis, il revenait le lendemain, pour une glisse de légende.
On avait tous une boule dans la gorge à cette idée.
Certaines filles chialaient.
Et pas seulement les filles...

Et puis la vague est venue.
Le tsunami.
La plage a disparu.
J'ai revu quintescent le lendemain, il arrivait de la capitale.
On a discuté un moment, du haut d'une colline, en regardant la mer.
On a essayé de parler de raquettes et de glisse.
Mais j'étais le seul survivant de la bande, j'avais plus trop la frite.
Alors j'ai laissé tomber, et je suis rentré.

la vague

lundi 17 mars 2008

La capitale

Après quelques mois de cette vie errante, amusante, mais pas très productive, certains dans notre cortège finirent par se rappeler qu'après tout, ils étaient juifs, et exprimèrent le souhait de se rendre à Jérusalem pour faire un sacrifice au temple.

Peu d'entre nous avaient déjà fait ce pélerinage (peu d'entre nous s'étaient déjà rendus à Jérusalem) et l'idée ne rencontra pas beaucoup de réticence.

Je soupçonne que pour quintescent, ce déplacement représentait une opportunité intéressante de tester sa nouvelle popularité auprès d'un nouveau public.

En tous cas, nous nous mîmes en route avec un bel enthousiasme.

Notre troupe hétéroclite (qui comprenait désormais un certain nombre d'infirmes, et des femmes accompagnées d'enfants) n'avançait pas vite, et dans beaucoup d'endroits où nous passions, les habitants séduits par le charisme de quintescent cherchaient à nous retenir quelques jours.

Quelques jours seulement, car notre troupe grandissante consommait pas mal de nourriture sur son passage.

Et ainsi, c'est seulement au début des festivités de Soukot que nous arrivâmes à Jérusalem.

Selon l'usage - et la mitsva - les pélerins rassemblaient des rameaux des quatre espèces dont ils allaient se servir pour parer les cabanes rituelles.

En entrant dans la ville, avec à notre tête quintescent sur son âne, nous nous retrouvâmes mêlés à un cortège de ces pélerins équipés de ces rameaux.

Nous nous amusâmes, par dérision, à remercier les pélerins de cette haie d'honneur improvisée, que vraiment nous ne méritions pas.

Certains nous regardaient comme des fous, d'autres nous jetaient un regard indigné et détournaient la tête.

Malgré tout notre esprit irrévérentieux, nous fûmes tout de même impressionnés par le temple.

Des flots continus de pélerins, venus de tout Israël se rassemblaient et convergeaient vers le fabuleux temple d'Hérode, le temple reconstruit par le grand-père de notre actuel Hérode Antipas.

Il faut dire qu'Hérode le grand, c'était autre chose, comme roi. Sûrement le meilleur roi qu'Israël avait connu depuis le roi Salomon lui-même, et même s'il avait été installé sur son trône par les romains, il était tout de même celui qui avait rendu sa fierté au peuple juif. Et surtout rebâti le temple.

Et même si certains lui reprochaient - calomnieusement, selon moi - de menus forfait, comme l'ordre de massacrer des nouveaux-nés en Gallilée, il restait pour moi le plus grand roi des temps modernes.

Et grâce à la reconstruction du temple, et peut-être en réaction contre l'occupation romaine ou la libéralisation grecque des moeurs, tout Israël s'était pris d'une ferveur religieuse sans précédent.

Quand venait la période des sacrifices, il y avait des dizaines de milliers de pélerins sur le mont du temple, et encore plus d'animaux.

Les rigoles aménagées dans le long des murs du temple se remplissaient du flot continu du sang des bêtes abattues, dont l'odeur âcre n'était pas couverte par les monceaux de résines aromatiques brûlées chaque jour.

Et il y avait des mouches, par millions.

Beaucoup de pélerins venaient pour le sacrifice avec leurs propres bêtes, mais certains, soit qu'ils étaient très fortunés, soit qu'ils avaient perdu leur bêtes en route, soit qu'ils étaient, comme nous, plutôt imprévoyants, devaient acheter leur bête sur place.

En réalité, tout s'achetait à prix d'or à Jérusalem, les bêtes pour le sacrifice, mais aussi tous les accessoires rituels, et même l'eau pour boire, les institutions civiles et religieuses prélevant une généreuse commission sur toutes les transactions.

Compte tenu du nombre de notre troupe, il était impensable que nos pauvres ressources suffisent à nous offrir ces accessoires indispensables.

quintescent s'impliquait beaucoup dans les négociations, mais même tout son talent n'y suffisait pas, et beaucoup ne comprenaient pas l'araméen à Jérusalem.

Finalement, nous décidâmes un jour de susciter une bagarre générale et de nous emparer de ce dont nous avions besoin en profitant de la confusion.

quintescent renversa les tables des courtiers et des percepteurs du temple en vociférant des imprécations au nom du fils de l'homme, et la partie basse du temple, dédiée aux profanes, se transforma bientôt en un tumulte indescriptible, dont les quelques gardes romains de faction évitèrent soigneusement de se mêler.

(à suivre...)

mercredi 12 mars 2008

A la plage...

Alors que notre petite troupe bizarre, composée d'adolescents attardés et de naïfs plus ou moins illuminés, parcourait les routes autour du lac de Tibériade, nous fûmes rejoints par Barthélémy.

quintescent le remarqua bientôt, parce qu'il affectait de ne pas se laisser impressionner par son aura de prophète, et tournait un peu en dérision ceux qui attendaient de lui des miracles.

Il prétendait qu'au fond, les miracles, il se les fabricait lui-même.

Et c'était vrai, d'une certaine manière, car il était versé dans l'art égyptien de l'illusionisme.

Il savait, en quelques passement de mains, faire disparaittre des pièces, et surtout, il pouvait, au milieu d'une foule, vous dépouiller de votre bourse la mieux dissimulée sans que vous ayez l'ombre d'un soupçon ou d'une sensation.

quintescent se montra très troublé et fasciné par ce talent magnifique, et Barthélémy fut rapidement admis parmi ses très proches dans la troupe.

Il va sans dire que cela n'alla pas sans quelques manifestation de dépit parmi ses amis proches qui l'accompagnaient depuis le début, et qui se sentaient dépossédés d'une partie de leurs privilèges et de la considération à laquelle ils estimaient pouvoir prétendre.

quintescent était assez indifférent à ces manifestations de jalousie et s'abandonnait sans grande retenue à sa nouvelle passion pour l'illusion.

Plusieurs s'en vèxèrent, et quittèrent notre troupe, et certains, comme Saül de Tarse (on disait parfois Paul) se comptèrent à partir de ce moment au nombre de nos pires ennemis.

C'était la manière de quintescent, de susciter sans s'en soucier les affections et les passions les plus violentes, et de blesser souvent les gens en y répondant par une distante indifférence.

Mais il était en même temps si facile de l'aimer...

quintescent se montra rapidement très habile pour les illusions, et au bout de peu de temps il se montra fréquemment plus habile que son maître dans ce domaine.

Contrairement à Barthélémy, qui applicait son talent à des tours de foire, quintescent imaginait des illusions grandioses.

Il faisait disparaître des personnes, des ânes, des maisons entières.

Avec l'habitude, nos veillées finissaient par ressembler à des représentations de cirque.

Chaque soir, nous rendions la vue à des aveugles, nous faisions repousser des membres à des infirmes - Ca nous demandait une bonne heure de préparation de transformer un membre sain en faux moignon tout à fait répugnant.

Au lac de Tibériade, une fois, quintescent réalisa un de ses tours les plus spectaculaires: Devant une foule stupéfaite, on le vit marcher sur l'eau sur une dizaine de toises.

En réalité, ce tour fut si réussi, il y eut tellement d'évanouissements dans la foule que nous lui conseillâmes de ne pas renouveler l'expérience.

(à suivre...)

jeudi 6 mars 2008

L'élu

Moi, j'ai fait la connaissance de quintescent en Galilée, sous le règne d'Hérode Antipas.

A cette époque-là, nous étions une bande de jeunes.

Pas si jeunes que ça, en vérité: nous allions tous plus ou moins sur nos trente ans, et notre comportement d'adolescents attardés nous attirait la réprobation de toute la bourgeoisie bien-pensante de Nazareth.

On s'en fichait pas mal, nous avions une éducation "à la grecque" de jeunes juifs raffinés de notre époque, nous méprisions pas mal des interdits contraignants de notre religion, nous buvions souvent du vin jusqu'à l'ennivrement, et nous mangions même parfois du porc ou des crustacés.

quintescent était de loin le plus acharné d'entre nous.

Artisan de son métier, il était aussi rabbi, davantage à cause de l'insistance de ses parents très pieux que par conviction.

Il raillait volontiers sa propre dignité religieuse particulière en parlant de lui même à la troisième personne, et en se désignant par "le fils de l'homme".

L'homme en question, le vieux Yosef, un charpentier honorablement connu à Nazareth, rouspétait souvent pour la forme à toutes ses incartades, mais faisait toujours preuve d'une coupable indulgence à l'égard de son fils bien aimé.

Nous vivions, il faut le dire, une époque bizarre, où la société se distendait entre jeunes gens libéraux, comme nous, qui prenions nos distances avec la religion, et les bandes et sectes intégristes, ésséniens ou pharisiens, qui couraient le pays en prêchant la fin du monde.

Nous nous moquions en toute occasion de toute cette bigotterie, et bien sûr, c'était toujours quintescent qui se distingait dans ce domaine.

Il transformait invariablement les séances d'étude de la Torah en rigolade, avec ses interprétations loufoques de la volonté divine.

Comme le temps passé, nous nous sentions de plus en plus étouffés dans les murs étriqués de Nazareth, et nous finissions par rêver tout haut de courir le monde en quête d'aventures, pour brûler ce qui nous restait de jeunesse par les deux bouts.

Et un jour, après avoir été jetés dehors d'une enième fête de village, nous partîmes vraiment.

Toute une bande, à l'aventure.

A force de croiser sur notre chemin des bandes de prêcheurs à demi fous, l'idée vint un jour à quintescent, en plaisantant à demi, que nous pourrions créer notre propre secte, ce qui déclencha l'hilarité générale.

C'était tout près de la ville nouvelle de Tibériade, construite en l'honneur de l'empereur de Rome, et dont la réputation moderne nous attirait comme un aimant (réputation très surfaite, nous le découvrîmes rapidement, mais c'est une autre histoire)

quintescent nous fit rire toute la soirée de son imitation de prophète, en reprenant des bribes de phrases captées par-ci par-là, récitant juste à propos, comme il savait si bien le faire, des fragments de la Torah.

Il avait vraiment du talent pour ça, et nous complétions la scène en jouant les disciples dévoués et le militants enflammés.

Les habitants du coin nous observaient avec intérêt et un air réjoui, et forts de ce public, nous étions encouragés à poursuivre notre interprétation.

Au petit matin, nous fûmes tout de même assez stupéfait de voir qu'un certain nombre de ces spectateurs étaient restés toute la nuit auprès de notre campement, attendant, semblait-il que quintescent recommence son prêche.

Nous nous regardâmes avec inquiétude, un peu dépassés par ce développement inattendu de notre délire de la veille.

D'autant plus que certains, s'enhardissant, finirent par nous demander des nouvelles du "maître", et nous apportant à sassiété eau et nourriture - mais pas de vin, les imbéciles !

Finalement, il fut décidé de continuer le jeu, pour voir où ça nous mènerait.

La situation nous paraissait plutôt agréable, nous étions nourris et traités avec davantage de bienveillance que nous n'en avions l'habitude, il nous suffisait pour cela d'imaginer une origine attrayante et spectaculaire à notre bande et particulièrement à quintescent.

Il s'inventa des ancêtres parmi les anciens de la tribu de Yehoudah, et un prénom de scène de Yeochouah, et même une ascendance jusqu'au roi David (mais à cette époque, tout le monde prétendait descendre du roi David.

Et bien sûr, il se désignait toujours comme "le fils de l'homme", ce qui déroutait toujours ses auditeurs, et contribuait à les subjuguer.

Et finalement, au bout de quelque temps, quand nous décidâmes de changer d'endroit, ils furent quelques-uns à nous suivre.

(à suivre...)

lundi 6 août 2007

Technocalypse

Moi, j'ai rencontré quitescent le jour où 20six s'est effondré.

C'était un petit matin, en été.

Le ciel était assez couvert, mais il ne pleuvait pas.

Cet année-là, le temps n'était vraiment pas formidable.

Enfin, c'est ce que tout le monde répétait dans chaque conversation.

Et encore, ce n'était rien à côté de ceux qui avaient pris quinze jours au Bangladesh, qui avaient le sentiment de s'être fait rouler par l'agence de voyages.

D'une certaine manière, ça nous consolait de ne pas être encore partis en vacances.

Ca sentait les vacances, malgré tout: les trains devenaient presque fréquentables, on était sûr de s'asseoir, il y avait de la place sur les parkings.

Pas assez pour un vrai bonheur, mais assez du moins pour se sentir bien.

Si on avait su...

En été, les trains de banlieue arrivent à l'heure, et j'étais même arrivé avant l'heure au bureau.

Finalement, le sentiment de malaise montait insensiblement, comme l'impression d'oppression quand un orage qui se rapproche.

Comme si tout allait décidément trop bien, et qu'on allait être punis pour ça.

J'avais déjà entendu parler de quintescent, à travers des descriptions pas toujours très cohérentes et vraisemblables.

Mais même en mettant de côté les histoires un peu fantasmées que racontaient les filles, il se dégageait que c'était une sorte de génie tutélaire, un gardien immanent du Net, une sorte de magicien omnipotent auquel rien n'était impossible - pour peu, naturellement, qu'il voulût s'en soucier.

Mais, à ce qu'on disait, il ne se souciait pas de grand chose, ce qui ajoutait à l'immensité de son charme.

Il avait fini par devenir célèbre auprès de tous ceux qui en avaient entendu parler.

Les autres ne souffraient pas, car ils ignoraient leur malheur.

Une sorte de perfection était ainsi réalisée par la seule vertu de son existence.

Au bureau, les nouvelles nous arrivaient de façon assez étouffée, à cause du fait que l'usage d'Internet était restreint, et qu'on n'avait pas toujours accès aux sites de news.

Malgré tout, nous finîmes par apprendre que quelque chose de grave s'était produit sur 20six.

Apparemment, la société communiquait massivement dans tous les médias pour éviter une panique qui se serait révélée catastrophique.

Elle essayait de désespérément rassurer ses utilisateur en consentant des gestes commerciaux formidables, avec des facilités de paiement extraordinaires.

Mais elle ne pouvait totalement dissimuler l'ampleur de la catastrophe.

Elle avait dépêché sur place les meilleurs spécialistes, capables de rembobiner à la main une bande magnétique de 50To en moins de 30 minutes, ce qui peut toujours servir.

Elle avait aussi lancé, avec l'appui du procureur de la république, une alerte disparition, pour retrouver dans les meilleurs délais le webmaster qui avait été enlevé par une compagnie low cost, et qui ne faisait plus de sauvegardes depuis le mois de novembre.

Mais malgré sa bonne volonté très évidente et démonstrative, 20six ne parvenait pas à surmonter le problème, et ça finissait par se voir.

Le soir, en rentrant, je pris conscience de l'ampleur réelle de l'effondrement, et je fus traversé par des sentiments dont je ne me serais pas cru capable.

De rage, je m'imaginais faire la guerre à l'Afghanistan et écrabouiller les terroristes sous les bombes, puis envahir l'Irak et chasser l'immonde Saddam Hussein, et passer ensuite à la Syrie et à l'Iran.

Je me voyais donnant des coups de boule à des italiens tricheurs.

Je pensais à me retrancher dans mon blockhaus avec un fusil de chasse et des couteaux de cuisine pour attendre le GIGN.

Puis, je repensai à quintescent.

Lui, oui, sûrement, il nous tirerait de cette affaire.

Si quelqu'un pouvait, oui, c'était lui.

Mon coeur se regonflait d'espoir.

Nous envoyâmes une délégation au grand homme, afin d'exposer notre problème et notre angoisse.

Il nous écouta avec une attention qui était déjà un réconfort en elle-même.

Il nous expliqua que s'il n'y avait pas de sauvegardes, c'était foutu, on récupérerait peut-être nos notes, mais probablement pas nos commentaires, tout ça, désolé.

Dans sa bouche, tout devenait formidablement simple et limpide.

Nous avions compris que c'était foutu, et que nous allions amèrement regretter de ne pas avoir changé de boutique la dernière fois que 20six s'était moqué de nous.

Nous comprenions en même temps que nous serions considérés comme les seuls coupables, et que ce serait tant pis pour notre gueule.

Nous comprenions, et nous acceptions, parce que quintescent, avec son doux sourire aimant, nous faisait comprendre que c'était inévitable, et nécessaire pour notre salut.

Puis nous le laissâmes, car son devoir l'appelait ailleurs: il ne se souvenait plus de ce qu'il y avait sur son programme télé ce soir-là.

mardi 30 janvier 2007

Le petit con

J'ai rencontré quintescent dans le désert de Libye, pendant une mission "non officielle" à la frontière du Tchad.

J'avais dû m'éjecter en plein désert.

Carafe moteur.

Je ne sais pas ce qui a pu se produire, une explosion, et puis un incendie.

Les commandes qui ne répondent plus, les instruments complètement aux choux.

Le GPS de mon Jaguar m'indiquait que j'étais plus ou moins au dessus de la Normandie, mais si je voyais la plage, je ne savais pas où la mer était passée.

Je m'étais éjecté tout près du sol, et mon parachute avait à peine eu le temps de s'ouvrir.

Finalement, je m'en étais plutôt bien tiré, sauf que j'avais atterri en plein sur un rocher imbécile et néanmoins libyen (du moins, je le supposais).

Je m'étais légèrement foulé une cheville, mais je m'estimais plutôt heureux.

Surtout que le Jaguar avait explosé presque immédiatement après mon éjection.

Incroyablement, aucun éclat ne m'avait atteint, le parachute non plus.

L'avantage du désert, c'est que le sable absorbe le carburant, et que les débris ne brûlent pas très longtemps, ce qui permet d'éviter de se faire repérer en territoire "hostile".

L'inconvénient, c'était qu'avec mes instruments déréglés, il n'allait pas être très facile aux secours de me retrouver.

Je n'avais presque pas d'eau, mais en revanche, du sable et des cailloux autant que je voulais.

Finalement, le me demandais si le mieux qui pouvait m'arriver, ce n'était pas de tomber sur une patrouille libyenne.

Si je n'étais pas liquidé sur place, les diplomates pourraient faire leur travail, et je pourrais sortir deux ou trois ans (et quelques dessous de table) plus tard.

A moi le couscous aux frais de Khadafi !

En attendant, j'avais passé la journée en m'abritant du soleil du mieux possible sous un débris d'aile.

A part le manque d'eau, si je m'efforçais de ne pas bouger, ça restait supportable.

La nuit est tombée.

Le moindre bruit de vent ou d'insecte me faisait sursauter.

Et soudain, il était là.

Quintescent.

Un gamin, blondinet.

Je me dis brièvement que c'était bizarre, un niard blond dans le coin.

En plus, je ne parlais pas le langage indigène, ça n'allait pas être facile de communiquer.

Mais c'est lui qui a entamé la conversation, en français.

"S'il vous plait, monsieur, dessine-moi un mouton".

Je n'ai pas relevé la faute de grammaire grossière, comme Ludine l'aurait fait.

Faisant preuve d'une patience qui m'étonne encore moi-même, j'ai même évité de lui demander s'il en avait d'autres, des questions à la con de ce genre.

J'ai éludé la question en disant que je n'avais pas mon carnet de croquis sur moi.

Mais il avait amené de grands blocs de papier et des fusains, ce con, et il insistait.

Je n'osais pas trop le rabrouer, parce que je me méfiais de ses réactions.

Je ne savais pas s'il y en avait d'autres comme lui.

Il m'a raconté une histoire bizarre de volcans, de roses et de réverbères.

J'ai essayé de lui inculquer les rudiments de l'électricité, mais il insistait avec son histoire d'éclairage au gaz.

J'ai fini par laisser tomber.

Je lui ai demandé de me montrer ses roses, me disant que là où il y avait des roses, il devait y avoir de la flotte.

A ce moment-là, c'était tout ce qui me préoccupait.

Je n'avais plus les idées très claires, il me parlait de volcans.

Il me semblait avoir vu des volcans, juste avant mon éjection.

De l'eau, près du volcan...

Je suis tombé dans les pommes.

J'ai été réveillé par un sergent de la légion étrangère, qui parlait avec un fort accent slave.

"Mon capitaine, est-ce vous entendez ?

- A boire ! " C'est tout ce que j'ai pu répondre.

J'ai entendu un médecin militaire dire que je délirais.

Et je suis parti à nouveau.

jeudi 4 janvier 2007

quinte by night

J'ai rencontré quintescent lors de ma première participation à la grande orgie mensuelle des blogueurs parisiens.

Bien sûr, ce n'était pas le nom que les organisateurs donnaient officiellement à cette soirée, mais elle avait la réputation de se terminer souvent de manière assez torride et désinhibée, et tout le monde avait pris l'habitude de l'appeler ainsi dans la blogosphère.

Il y avait toujours des photos incroyables qui circulaient sur la toile au lendemain de ces rencontres.

En gros, c'était la promesse d'une soirée réjouissante et de d'opportunités intéressantes si on était plutôt enclin aux rencontres sans lendemain.

Le prix d'entrée était… ouille !

Gratuit pour les filles.

Demi-tarif pour les mecs accompagnés.

Moi, je n'étais pas accompagné.

Plein tarif.

Merde.

Enfin, je suppose que c'était un moyen d'éliminer les « curieux » pas vraiment sérieux.

Question organisation, c'était plutôt bien fait.

Chaque participant recevait un badge avec le nom de son blog, qui brillait dans la pénombre sous les lampes ultraviolettes.

Comme ça, on savait à qui on avait affaire.

Parfait.

Le seuil à peine franchi, je vis passer Maevina.

J'en avais le souffle coupé.

Pas du tout comme je me l'imaginais.

20-22 ans maximum, une cascade de cheveux noirs ondulés tombant jusqu'à la taille et des bottes en cuir retourné, lacées derrière, remontant jusqu'en haut des cuisses.

Une sorcière exotique.

Elle tenait en laisse un type rougeaud, essoufflé, qui la suppliait en l'appelant maitresse, et en s'excusant de ne pas avoir fait ses devoirs.

Je commençai à avoir des doutes en voyant passer une deuxième Maevina, un clone de la première, qui ne s'en distinguait que par des yeux verts et une coiffure à la garçonne rouge vif.

Elle aussi remorquait un type quelconque à l'air ravi d'être traité sévèrement.

Mes doutes se transformèrent en certitudes lorsque je vis se succéder deux Loïc le Meur absolument dissemblables et différents en tous cas de celui qu'on voit se répandre dans les télévisions.

Je compris que les fêtards un peu moins naïfs que moi n'avaient pas déclaré le nom de leur blog véritable, mais plutôt celui d'un blog célèbre dont ils espéraient récupérer un peu de notoriété.

Le pouvoir d'attraction de certains pseudos est parfois stupéfiant.

Ayant intégré ces règles de base, je me laissai aller à gouter la soirée, qui était somme toute agréable.

Les filles étaient plutôt bien roulées, et guère farouches, et comme la nuit avançait, je me surpris tout proche de conclure avec au moins deux Ludine et deux Miladee différentes de plusieurs continents.

Mais finalement, au dernier moment, ces tentatives échouèrent, à cause de … détails.

Trop connes.

Bah, la nuit et la vie était encore pleine de promesses.

Je vis passer Lili, un type obèse avec un string de deux tailles en dessous ridiculement maquillé et maniéré, qui faisait rire les participants en s'écriant « Marcello ! Qui a vu Marcello ? », avec un accent italien maladroit et absurde.

Finalement, la nuit avançait, et je n'étais toujours pas arrivé à grand-chose de concret.

Je finissais par me dire qu'après tout, c'était une soirée intéressante et distrayante, et qu'il me resterait au moins des photos précieuses sur mon portable.

Mais pour être honnête, je n'étais pas venu seulement pour ça.

Certains, plus chanceux, avaient décidé de passer à l'étape suivante, et se disposaient à consommer en public.

Pour moi, ce genre de soirée où on poussait la frénésie publique jusqu'au bout était carrément une nouveauté, mais pour tout dire, c'était pour ça que j'étais venu et que j'avais payé, très cher, mon entrée.

Sauf que jusqu'à présent, j'étais surtout réduit au rôle de spectateur.

Presque tout le monde avait retiré une partie de ses vêtements, et pour éviter de trop attirer l'attention, je retirai moi aussi ma chemise, en réfléchissant frénétiquement à ce que je pourrais faire de mon portefeuille si je devais aller plus loin.

Soudain, Sagesse se matérialisa devant moi.

Des yeux bleus, une gueule d'ange, des cheveux blonds lisses.

Et une sorte de bizarre vêtement collant qui laissait apparaître la pointe de ses seins, chacun muni d'un piercing.

Et un air jeune, si jeune.

Je me demandai si je pourrais être poursuivi pour détournement de mineur en cas de contrôle.

Bah, je jouerais la naïveté et la confiance aux organisateurs, comme tout le monde.

Ca ne marche jamais, mais tout le monde le fait.

J'étais sans voix, mais elle avait l'air plutôt décidé.

« Il fait tellement chaud ici !

- Je… vous offre un verre ? (la parade nuptiale a des codes immuables) »

Elle me révéla son pseudo véritable.

Elle considérait visiblement que celui qui était sur mon badge était un emprunt, et s'attendait à ce que je lui dévoile le mien.

Je balbutiai le premier qui me passait par la tête : quintescent.

Visiblement, cela sembla lui plaire.

Rapidement, il ne fut plus question de rafraîchissement, et l'ambiance décidément frénétique aidant, les préliminaires furent vite expédiés.

Je me mis en devoir de mettre mon matériel en batterie, afin d'honorer la jeune personne ainsi qu'elle en manifestait le souhait.

Et les choses se terminèrent avant de commencer.

Je me retrouvai en train d'éponger misérablement les conséquences de ma maladresse sur la robe de la jeune femme.

Celle-ci était folle de rage.

Elle s'empara de mon paquet de Kleenex et tourna les talons.

Je me retins de lui courir après.

Laisse tomber, Ducon, c'est grillé.

Le long de ma cuisse, je sentais une tache humide qui commençait à refroidir.

Merde, je n'avais plus un seul Kleenex.

Je m'essuyai comme je le pouvais avec la chemise qu'un type avait laissé tomber là.

Pas grave.

Tout le monde avait l'air très occupé maintenant.

Il fallait que je sorte.

Quintescent, un autre type dégingandé, hilare, émergeant d'un tas de bras et de jambes me lança « on s'éclate, hein ? » en agrippant mon bras.

Lâche-moi, connard.

L'air frais me fit du bien, mais je sentais encore sur ma cuisse la tache pas encore sèche.

Bien qu'il fît nuit, j'avais l'impression que les passants ne remarquaient que ça.

mercredi 3 janvier 2007

de main de maître

On m'a présenté quintescent au très secret congrès de la très secrète confrérie des tueurs à gages, qui se tenait cette année-là dans un palace de Lausanne.

Selon la tradition de notre confrérie, il portait une tenue sobre discrète, sans être sinistre, et surtout impeccablement repassée et tirée, selon le respect dû aux personnes assassinées.

Ces dernières années, il y a eu bien sûr dans la confrérie quelques nouveaux venus un peu exubérants, amateurs de vêtement et de véhicules voyants et attirant le regard.

Eh bien, je suppose qu'il faut juger les professionnels avant tout en fonction de leurs résultats, mais dans notre professions, la plupart tiennent la discrétion et la modestie pour une manifestation extérieure de bon goût.

Mais il faut bien que jeunesse se passe…

Pour nous, même pour ceux qui avaient déjà un petit peu d'expérience, quintescent était une légende.

Pour vous décrire à quel point il maîtrisait son art, je dirais simplement qu'on nous avait laisser savoir en nous le présentant qu'il venait de terminer un contrat sur la tête de James Brown et Pierre Delanoë, au profit d'une association de moines intégristes ayant fait vœu de silence, et qu'il s'apprêtait à « traiter » l'ancien président iraquien Saddam Hussein, à la demande d'une superpuissance occidentale de premier plan souhaitant rester discrète (en faisant en sorte que cela ait l'air d'un excès de zèle des fonctionnaires locaux).

C'est peut-être un détail pour vous, mais pour nous, ça voulait dire beaucoup.

Dans notre confrérie, la discrétion est plus qu'un principe, c'est un commandement divin, et plus encore pour les contrats restants à exécuter.

Il fallait une assurance hallucinante pour oser annoncer ses opérations à l'avance !

Faites-moi confiance, pour nous, le type du contrat était déjà virtuellement mort.

Un travail au lacet, à l'ancienne, selon la pratique de la tradition ottomane.

En ce qui me concerne, j'aurais considéré comme un honneur d'être exécuté par un tel artiste.

Evidemment, pour lui, ce contrat était presque une routine, loin des réalisations de légende qu'on enseigne dans les écoles d'assassins, et dont nos vieux ne parlent qu'avec respect et dévotion.

La plus mythique de toutes était bien sûr la légendaire liquidation de J.F.Kennedy à la demande de Marylin Monroe, synchronisée avec l'élimination de celle-ci « par accident » à la demande de Madame veuve Kennedy. Et, en supplément gracieusement offert par la maison, la tête du demeuré promu suspect numéro 1 pour sauver la tête du chef des services secrets.

Un chef-d'œuvre absolu.

Pas le travail de quintescent, bien sûr, trop jeune à l'époque, mais de son mentor et ami personnel Inimaginal, perpétuateur d'une tradition ininterrompue depuis la cour des Doges de Venise.

Une œuvre restée sans égal pendant des dizaines d'années, jusqu'à ce que la princesse de Galles rencontre son destin, prénommé quintescent, dans un tunnel routier sous le pont de l'Alma.

Une réalisation magique, cette fois encore, et des commanditaires prestigieux, d'une très grande et très ancienne monarchie de l'ouest de l'Europe (il est, vous le comprendrez, impossible d'en dire davantage).

Selon la tradition en vigueur depuis la renaissance, nos prestations sont payables d'avance. Il s'agit d'une disposition qui permet de protéger le client contre un contrat dont il pourrait lui-même faire l'objet en cas de difficultés de règlement.

Nous considérons notre pratique comme un art, et que si notre art vit d'argent (dans un agréable confort) il ne vit pas pour l'argent.

C'est un métier de traditions, de discipline, de courage et de respect.

Je sais qu'un jour, grâce à l'appui de très grands maîtres comme quintescent, je transmettrai moi aussi le flambeau de la tradition du plus ancien et du plus discret de tous les arts.

samedi 16 septembre 2006

Martine à la plage

Moi, j'ai rencontré quintescent à la plage, un été.

Mon père venait de me montrer comment on pouvait faire des pâtés de sable, avec du sable mouillé et mon seau en plastique.

Au début, je n'étais pas très habile.
Je voyais que les châteaux tenaient mieux quand on tassait correctement le sable, mais j'avais beau tasser, ils finissaient toujours par s'écrouler.

Je savais que quintescent devait venir ce jour-là.
Je ne l'avais jamais rencontré, mais on m'avait beaucoup parlé de lui.
C'était un cousin éloigné, du côté de ma mère.
C'était un grand, déjà, il avait un an de plus que moi.
A cet âge-là, un an, ça compte.

Il est arrivé, à la fin de matinée.
Le soleil commençait à être très chaud.
Nous sommes fait la bise, et ses parents ont installé le parasol près du notre.
Va-donc jouer avec ta cousine, lui a suggéré son père.

Il s'est approché.
Ah, tu fais des châteaux de sable, constata-t-il, d'un air supérieur et désabusé.
Il n'avait pas de seau.
Je lui ai bien sûr tourné le dos.
Pas question qu'il touche à mon seau et ma pelle.
Il n'avait qu'à s'en trouver d'autres.

Il resta debout, vaguement désemparé, et pour garder contenance, il prit ses parents et l'univers à témoin:
"Elle ne sait même pas les faire ! Maman, regarde, elle prend du sable sec pour faire ses châteaux !
- Non ! répliquai-je aussitôt, vexée et indignée. C'est même pas vrai ! Je prends du sable mouillé !
- Peuh ! Y a pas assez d'eau ! Regarde, c'est à moitié sec, et ça se casse en morceaux".
Il fallait reconnaître qu'en effet, le sable sec était mêlé au sable humide, et que cela compromettait la solidité de mes précieux édifices.

Mais il n'étais pas question que j'obtempère immédiatement à ses recommandations.
Je ferais les châteaux à ma façon, et voilà tout.

Mais ça ne tenait décidément pas.
Finalement, à force d'insistance, et un peu lasse de sentir son regard ironique sur mes essais infructueux, je finis par me laisser convaincre de lui laisser le seau.
Il alla le remplir tout au bord de la mer, cette fois avec du sable vraiment humide.
Incontestablement, ses pâtés se démoulaient plus facilement que les miens, et tenaient beaucoup mieux.
Il entreprit alors de construire une véritable forteresse, en reliant les tours de sable avec des murailles de sable humide.

Quatre tours suffirent à construire un fort acceptable, en tous cas le plus réussi que j'aie jamais vu (bien que je ne sache pas vraiment à quoi ressemblait un château dans la réalité).

Avec des débris de bois et des coquillages, qui figuraient des chevaliers, il m'enseigna les rudiments de l'art militaire.

Je compris ainsi qu'il était vital pour certaines personnes de monter en haut des murs des châteaux pour arriver à l'intérieur, cependant que d'autres considéraient de la plus haute nécessité d'empêcher les premiers d'arriver à leur fins, par le moyen simple et non définitif de l'extermination.

La logique de cette distraction était finalement assez proche de celle de certains jeux que je pratiquais par ailleurs (l'extermination mise à part), et je ne me posais pas davantage de questions sur le bien fondé de pareilles disputes.

Nous jouâmes ainsi pendant près d'une heure, ce qui était une durée exceptionnelle compte tenu de la patience dont je faisais preuve pour n'importe quelle activité à cette époque. (sur ce point, je n'ai guère changé).

Puis la mère de quintescent l'appela: il était temps de repartir déjeuner.
Quant à nous, nous restions: nous avions prévu un panier pour le pique-nique.
Je suis restée à jouer seule quelques instants, mais le jeu n'avait plus la même saveur.
Je me lassai très vite.

Et puis la vague est arrivée, jusqu'au ras des parasols.

Il ne resta plus du château qu'un monticule informe et quelques coquillages.

Je restai inconsolable pendant une demi-heure au moins.

vendredi 21 juillet 2006

La fureur de vivre

Moi, j'ai rencontré quintescent à Watkins Glen, au Grand-Prix des Etats-Unis en 1973, l'année de l'accident de François Cevert.
La course automobile, et particulièrement la formule 1, c'est toute ma vie, et presque tous les voyages que j'ai faits, c'était en reportage pour couvrir les courses sur les circuits du Monde entier.
Les plus belles bimbos du monde, je les ai vues à travers mon objectif.
Quand vous fréquentez ce milieu (ou n'importe quel milieu, d'ailleurs) pendant un certain temps, vous finissez par connaître pas mal de monde.
Avec ma carte de presse, j'avais mes entrées dans les paddocks, et certains pilotes finissaient pas être de véritables amis - après tout, j'étais dans le business depuis plus longtemps qu'eux.

A l'époque, bien sûr, on parlait beaucoup de François Cevert.
C'était la star de l'automobile pour les français.
Avec sa gueule d'ange et son caractère d'adolescent turbulent, et surtout son extraordinaire talent de pilote, que personne n'osait plus mettre en doute, il laissait espérer qu'on avait enfin trouvé le premier champion du monde de formule 1 français de l'Histoire (c'était longtemps avant Alain Prost).

Le grand public n'avait pas encore beaucoup entendu parler de quintescent, mais les professionnels des paddocks n'avaient que son nom à la bouche.
A cette époque, il était seulement pilote-essayeur chez Tyrell, mais ceux qui l'avaient vu sur un circuit affirmaient que malgré son jeune âge, il montrait beaucoup plus de talent que tous les autres - Cevert compris.
De plus, tout le monde lui reconnaissait un don exceptionnel de metteur au point, un talent qui comptait au moins autant pour la course que l'agressivité ou la finesse du pilotage.
D'ailleurs, malgré son peu d'expérience, c'est lui qui assurait la mise au point des machines de l'écurie avant les courses.

Je pense que sentir la présence virtuelle de quintescent sur ses talons pour le titre de premier pilote mettait pas mal de pression sur François Cevert (sans insinuer que cela a été la cause de son accident).
Les pilotes sont des types un peu hors du commun, et la vie à 300 à l'heure, avec une pression permanente, c'est leur quotidien, ça leur est même nécessaire, c'est ce qui les fait tenir en l'air.
Et parfois, c'est ce qui les tue.

Je ne sais pas si vous allez me croire, ou vous dire que c'est facile d'avoir des prémonitions a posteriori, mais ce jour-là, je trouvais que François n'était pas comme les autres jours.
Je savais qu'il y avait eu des discussions avec les patrons de l'écurie au cours de la semaine, à propos de la stratégie pour les saisons à venir.
J'avais trouvé François plus sombre que d'habitude, sans deviner qu'un drame était sur le point de se jouer.

En contraste, quintescent, qui participait également à ces discussions paraissait plutôt euphorique.
C'est à cette occasion qu'on me l'avait présenté, et que j'avais obtenu un tout premier (et très court) interview.
En fait, il n'avait rien révélé de significatif (pour un débutant, il maîtrisait déjà très bien la langue de bois).
Au bout du compte j'avais obtenu quelques petites phrases anodines, quelques photos, assez pour un petit papier de routine, je pouvais être satisfait.
Il faut dire qu'il était sacrément photogénique, le bougre.

A cette époque-là, les formule 1 étaient de véritables bombes roulantes, presque aussi rapides qu'aujourd'hui, mais sans presque aucune protection contre les chocs et surtout contre les incendies.
Le moindre indicent donnait de très grandes chances d'y rester, dans d'épouvantables souffrances et d'atroces brûlures.
A bien y réfléchir, je suppose que c'est aussi ce qui rendait les pilotes sexy, comme les matadors ou les gladiateurs quand ils descendent jouer avec leur vie.

Après l'accident de François, il semble que quintescent a complètement perdu sa motivation.
Les directeurs de l'écurie ont essayé de le convaincre de continuer - forcément, c'était un coup dur de perdre leurs deux meilleurs pilotes d'un coup, mais il n'avait plus l'étincelle.
Il est resté un peu de temps dans les équipes techniques de l'écurie, puis a rapidement laissé tomber complètement le milieu.

Récemment, un confrère qui faisait une enquête sur l'histoire de la course automobile a retrouvé sa trace.
Il paraît qu'il s'est reconverti, il est devenu éleveur de brebis dans le Galeizon.
Il passe des journées entières sans entendre un moteur, et il est heureux.

jeudi 20 juillet 2006

mon guide

Moi, j'ai connu quintescent sur la place Rouge.
Qui ce jour-là était toute blanche, à cause de la neige qui faisait comme un tapis.

Je me souviens, ça devait être un dimanche.
Je regardais sa silhouette alors qu'il marchait devant moi.
C'était mon guide, et je trouvais que son nom était joli: quintescent.

J'adorais sa façon passionnée de parler de la révolution d'octobre quand nous avons visité le mausolée de Lénine.
Et après, nous avons filé boire un chocolat chaud, dans un café à écrivains.

Il avait un sourire !
Et des cheveux blonds !

Il était encore étudiant, quintescent.
C'était incroyable de voir le nombre de camarades qui pouvaient entrer dans sa minuscule chambre de bonne, à rire et à bavarder avec curiosité.
J'étais un peu la vedette, et jusqu'au bout de la nuit, je leur ai raconté comment c'était, Paris.

On a dansé, et bu pas mal aussi.
Ils avaient même réussi à mettre la main sur une bouteille de Champagne, dans lequel tout le monde a pu tremper les lèvres.

Puis tout le monde a fini par partir, et nous sommes restés tous les deux, quintescent et moi, seuls au monde.

Depuis, je crève de l'attendre.
Mais je sais qu'un jour il viendra.
Il me l'a promis, cette nuit-là.

mercredi 19 juillet 2006

la nostalgie, camarade

Moi, j'ai connu quintescent à Biénoa, pas très loin de Saïgon.

Lulu la Nantaise tenait la taule la plus connue de toute la colonie occidentale d'indochine, un établissement dans lequel tout gentleman avec la moindre notion du respect des conventions et de la bien séance se devait de faire un séjour.

Tout le monde connaissait ses volets rouges et les cheveux blonds de la taulière.
Avec elle, il y avait intérêt à filer droit si on voulait garder ses entrées parmi les gens de qualité.

Et des gens de qualité, il n'en manquait pas.
Et avec une belle descente, vous vouvez me croire.

Comme monsieur Naudin, par exemple, capable de descendre dans la dignité ses trois bouteilles de limonade dans la soirée sans sauter son tour aux cartes.
Un homme comme on en fait plus, je vous le dis.
Dans les transports, il était, on disait qu'il transportait avec quintescent quelques paquetages de piastres et d'opium à travers la jungle.

Ou Lucien-le-cheval, un drôle de gaillard dégingandé, qui s'y entendait pour faire travailler des jeunes filles indigènes.
Vous pourviez tout lui demander, si vous aimiez les fleurs fraîches.
Quintescent n'avait pas son pareil pour lui dégotter des orchidées rares dans les villages reculés.
Un grand bonhomme, mais qu'il s'était fait quelques ennemis, et qui a fini dans un malheureux accident, à la dynamite.

Et puis les corses, les frères Volfoni, qui étaient eux aussi dans les affaires avec quintescent.

Et Jo le trembleur, un artiste de l'alambic, qui produisait la gnôle de l'établissement, et la meilleure de tout l'extrème Orient.
En tous cas, personne n'était jamais venu se plaindre.

Quintescent-l'élégant passait au milieu de tout ce beau monde, toujours tiré à quatre épingles dans son complet blanc, avec ses chaussures bicolores impeccablement cirées et sa moustache bien repassée.
C'était un monsieur, il rendait des services, sans jamais perdre son calme.
On disait que c'était lui qui avait fait venir Teddy-de-Montréal, un artiste, lui aussi, un gars que le climat rendait tout le temps énervé.

Toute une époque...

dimanche 25 juin 2006

quintescent major de l'X

Moi, j'ai connu quintescent sur un tournage de film X.

A l'époque, je commençais à avoir une petite notoriété dans ce milieu (même si dans ce domaine-là, les filles sont beaucoup plus connues et mieux payées que les mecs).

J'avais déjà une demi-douzaine de films à mon actif. C'était déjà pas mal, car on n'en tournait qu'un ou deux par mois.
A l'époque, les acteurs ne recouraient pas systématiquement recours à la cocaïne, et le Viagra n'existait même pas.
Le SIDA, on n'y pensait guère.
On avait tout de même quelques trucs pour proposer une prestation honorable presque à tous les coups.
Les gars étaient des professionnels, et les budgets étaient minuscules.
Les tournages étaient dans la boîte en quelques heures, et on ne pouvait pas attendre tranquillement que les acteurs se mettent en forme.
C'était très particulier comme boulot, mais considérait ça vraiment comme un boulot à part entière.

On avait tous un pseudo, vaguement américain, ou inspiré du nom d'acteurs américains.
Moi, on me l'avait choisi un dimanche, et il y avait la série Magnum qui passait à la télé.
Alors je m'appelais Tom Sellaqueue.
Ouais, on n'avait pas une imagination débordante, mais on exprimait exactement ce qu'on avait à dire.
Comme dans le boulot.

C'était une vie facile, et très bien payée.
Evidemment, il fallait consentir quelques sacrifices, en particulier rester en forme et surveiller son poids, pour rester présentable sur la pellicule.

A cette époque, quintescent était déjà une star, dans le milieu.

A côté des tournages proprement dits, les producteurs organisaient des événements exceptionnels, pour entretenir notre "légende", c'est à dire l'intérêt commercial du public.
C'étaient des soirées "spéciales", avec des invités V.I.P. triés sur le volet, venus s'encanailler et brouiller leur image, et des journalistes spécialisés.

Dans cet exercice, quintescent était toujours le meilleur.
Il avait gagné le surnom de "geyser islandais", sans avoir, naturellement, jamais mis le moindre orteil en Islande.
Il était capable de performances et d'une endurance incroyables.
Il pouvait demander à son corps - et particulièrement à sa langue - des exploits et des contorsions inimaginables.

Je me rappelle encore le jour où mon producteur m'a annoncé que j'allais avoir un tournage avec quintescent.
Pour moi, ça signifiait que j'allais enfin "jouer dans la cour des grands", être reconnu comme un professionnel de haut niveau, et être contacté pour des productions dans le monde entier.
Et surtout rencontrer le mythe, essayer d'en apprendre un maximum avec lui.

Nous avons été présentés dans le bureau du producteur, avec les autres acteurs de l'équipe du film.
Je me suis retenu de lui demander un autographe, je ne suis quand même pas une putain de groupie, putain !
Mais je n'arrivais plus à effacer mon sourire banane jusqu'aux oreilles.

Il a été très sympa, on voulait tous dîner ensemble, mais le producteur a refusé tout net: on devait rester en forme pour le lendemain.
On a quand même pu échanger deux trois mots.

Je lui ai bien-sûr demandé s'il avait quelques trucs ou quelques conseils pour un jeune collègue débutant.
Il a éclaté de rire, affirmé que bien sûr, il avait un "gros" secret: rester soi-même et avoir confiance en soi.
Voilà le secret d'une carrière réussie.

Ca n'a l'air de rien, mais j'ai gardé cette leçon en mémoire à chaque fois que j'ai travaillé, et tout s'est toujours bien passé.

Aujourd'hui, j'ai quelques "petits soucis de santé", ma carrière est terminée, mais j'applique toujours cette précieuse philosophie pour ce qu'il me reste à vivre.

mercredi 21 juin 2006

quintescent au printemps

Moi, j'ai rencontré quintescent derrière le rideau de fer, juste après le printemps de Prague.

Le vent de l'histoire avait soufflé sur la Tchécoslovaquie, cette année-là.
C'était la fin de l'époque de Khrouchtchev, et après la déstalinisation, ça changeait aussi du côté de l'union soviétique.

Les dirigeants du parti communiste tchèque croyaient vraiment que les beaux jours du socialisme étaient arrivés, ouvrant une ère de paix et de justice pour le monde.

A Prague, ce printemps-là, l'ambiance était formidable.
Les gens se souriaient dans la rue, on osait, les idées bouillonnaient, tout le monde était enthousiaste.
On ne se cachait même plus pour parler d'avenir et de liberté.
On parlait même de quintescent ouvertement dans la rue, alors que c'était interdit depuis la fin de la guerre.
Moi-même, je me souviens des lettres exaltées que j'écrivais à mes camarades universitaires à Moscou.
Le parti communiste tchèque se sentait pousser des ailes, et entreprenait réforme sur réforme.
Et puis un matin, les Russes sont arrivés.
Enfin, les Russes, dans mon coin, ils parlaient surtout allemand, c'était des allemands de l'Est, tous jeunes, des appelés.

Pour des anciens résistants comme nous, je vous prie de croire que ça faisait quelque chose de revoir des allemands dans un char.
Mais au bout du compte, on faisait comme tout le monde: on disait "les Russes".

Ils ont vite remis de l'ordre, arrêté les principaux dirigeants communistes tchèques, pour les remplacer par des communistes aux ordres de Moscou.

A Prague, il y avait un char à chaque carrefour.

Dans les universités aussi, il y a eu pas mal d'arrestations.
Des collègues dont on n'a plus jamais entendu parler.
Surtout les historiens et les gens de spectacle, enfin, tous ceux qui avaient un contact avec le public ou la politique.

Les dirigeants du nouveau parti communiste tchèque ont installé des commissaires politiques dans chaque université.
Et la machine à dénoncer tournait à plein régime.
Bien sûr, tout contact avec l'étranger était formellement interdit, même vers les pays "amis".
Pour un expert en économie socialiste internationale comme moi, c'était une catastrophe, mais il ne valait mieux pas protester avec trop de véhémence.

Pourtant, au bout de peu de temps, nous avons appris (parfois durement) à qui nous pouvions faire confiance.
Nous jouions avec le risque de tomber sur un espion politique ou un délateur, mais certains d'entre nous étaient décidés à passer à l'Ouest, pour continuer à travailler ou juste pour vivre sans être pourchassés.

Nous attendions beaucoup de quintescent, qui possédait déjà un réseau de relations très serré avant la venue des soviétiques.

Ceux qui s'intéressaient au fonctionnement du parti communiste tchèque à cette époque savaient que sans jamais être sur les photographies officielles, il exerçait une influence à tous les niveaux du pouvoir, en Tchécoslovaquie même, et aussi jusqu'au Kremlin.

D'ailleurs, le jour où je l'ai rencontré, il revenait d'un voyage à Moscou, d'une mission dont il ne pouvait pas se permettre de nous parler.

Nous lui exposâmes nos projets, qui étaient encore à l'état de rêve.
Et surtout, nous lui exprimâmes notre désir de partir et de passer à l'Ouest.
Nous savions qu'il avait aussi des contacts de l'autre côté du rideau de fer, et nous espérions qu'il pourrait nous en faire profiter pour faciliter notre passage.

Il refusa prudemment de nous faire une promesse formelle, mais nous fit comprendre que nous pouvions compter sur lui.
Il partit en nous encourageant, et en nous recommandant la patience et la prudence.

Et peu de temps après, nous reçûmes indirectement des consignes pour un départ clandestin.

Pendant les quinze jours qui précédaient le rendez-vous nocturne, je vécus dans une anxiété permanente, craignant à tout instant que mes regards fuyants et mon comportement inquiet ne fasse révéler mon statut de comploteur.

Je voyais des uniformes partout (et il y en avait beaucoup), mais je me méfiais aussi de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un fonctionnaire.

Puis le soir du rendez-vous arriva, et nous nous sommes rassemblâmes dans le hangar qui nous avait été indiqué.
Nous attendîmes longuement quintescent.
Heureusement pour lui, il ne vint jamais.
Au lieu de cela, ce sont des militaires qui encerclèrent le bâtiment.
Nous fûmes interrogés, puis envoyés dans une prison militaire.
Par chance, nous ne fûmes jamais expédiés en Sibérie, comme les gardiens s'étaient ingéniés à nous le laisser croire.

Pour ma part, j'y restai dix-sept ans.

Nous ne sûmes jamais qui nous avait dénoncés, et maintenant, ça n'a plus beaucoup d'importance.
Je n'ai jamais revu quintescent, mais je sais qu'à distance, il veillait sur nous, et je suis persuadé que c'est grâce à lui que nous avons évité un régime carcéral encore plus sévère.

mardi 20 juin 2006

La claire fontaine

Moi, j'ai rencontré quintescent à la claire fontaine.

C'était un été de terrible canicule.
Il n'avait quasiment pas plu de tout le printemps, et on ne faisait même plus attention aux consignes des préfets pour ne pas gaspiller l'eau.

De l'eau, il n'y en avait pas.

Nous étions un groupe de randonneurs passionnés, nous n'avions que quelques jours de vacances, et nous avions décidé de faire ce jour-là un grand tour dans la montagne.

Au petit matin, la chaleur nous avait semblé très supportable, mais au fil des heures et des kilomètres, notre eau et nos forces nous abandonnaient.

Certains d'entre nous commençaient à avoir des malaises.
On les avait placés dans un misérable coin d'ombre que nous avions trouvé sous une pierre, et les plus valides étaient partis en avant pour tenter chercher un peu d'eau.

Mais de l'eau, dans la montagne, il n'y en avait pas.
Nous n'espérions qu'e surtout un grand incendie ne se lève pas brusquement.
Avec le vent brûlant qui soufflait légèrement sans nous rafraîchir, nous aurions été frits comme des saucisses.

Certains d'entre-nous avaient entendu parler de quintescent.
Ils n'étaient pas très sûrs qu'il existe vraiment.
C'était, à ce qu'ils disaient,  une sorte de roi de la montagne, un être sauvage et à demi-magique, maître des vents et des sources.

Nous n'y croyions pas vraiment, mais nous nous dîmes que, perdu pour perdu, nous pouvions nous mettre à la recherche du quintescent pour qu'il nous indique une source.

Nous l'avons appelé longtemps, en vain.
Puis, alors que nous avions renoncé, un bruit joyeux nous fit trouver en même temps quintescent et la source.
C'était en réalité un tout petit filet d'eau, d'un rose intense et d'un aspect huileux.
quintescent finissait de rincer ses pinceaux qui venait de laver au white spirit, en contemplant avec satisfaction la superbe toile qu'il venait de finir.

C'était une oeuvre vraiment magnifique, éclaboussée de couleurs qui rendait avec une intensité et une vie extraordinaire la vie et la force de la montagne.

Nous lui avons demandé un autographe, mais il nous a amicalement expliqué que la signature, pour un peintre, c'est ce qu'il y a de plus recherché, et qu'il ne pouvait pas accéder simplement à notre demande.

Nous avons compris, bien sûr.
J'ai eu un peu honte de lui demander s'il existait une autre source.
Il n'y en avait pas.

Il ne pouvait pas nous emmener dans sa modeste Citroën Méhari, encombrée de toiles et de tubes de peinture, mais nous promit de prévenir de notre présence dès qu'il serait de retour à la civilisation.

Il oublia, bien sûr - les artistes sont distraits - comment lui en vouloir ?
Nous avons été retrouvés le lendemain par un berger, qui a prévenu les gendarmes.
Je n'ai jamais revu quintescent.
Mais c'est le souvenir de l'artiste qui nous a permis de surmonter les deux semaines d'hospitalisation et notre retour au travail et à notre sinistre banalité.