J'ai rencontré quintescent lors de ma première participation à la grande orgie mensuelle des blogueurs parisiens.

Bien sûr, ce n'était pas le nom que les organisateurs donnaient officiellement à cette soirée, mais elle avait la réputation de se terminer souvent de manière assez torride et désinhibée, et tout le monde avait pris l'habitude de l'appeler ainsi dans la blogosphère.

Il y avait toujours des photos incroyables qui circulaient sur la toile au lendemain de ces rencontres.

En gros, c'était la promesse d'une soirée réjouissante et de d'opportunités intéressantes si on était plutôt enclin aux rencontres sans lendemain.

Le prix d'entrée était… ouille !

Gratuit pour les filles.

Demi-tarif pour les mecs accompagnés.

Moi, je n'étais pas accompagné.

Plein tarif.

Merde.

Enfin, je suppose que c'était un moyen d'éliminer les « curieux » pas vraiment sérieux.

Question organisation, c'était plutôt bien fait.

Chaque participant recevait un badge avec le nom de son blog, qui brillait dans la pénombre sous les lampes ultraviolettes.

Comme ça, on savait à qui on avait affaire.

Parfait.

Le seuil à peine franchi, je vis passer Maevina.

J'en avais le souffle coupé.

Pas du tout comme je me l'imaginais.

20-22 ans maximum, une cascade de cheveux noirs ondulés tombant jusqu'à la taille et des bottes en cuir retourné, lacées derrière, remontant jusqu'en haut des cuisses.

Une sorcière exotique.

Elle tenait en laisse un type rougeaud, essoufflé, qui la suppliait en l'appelant maitresse, et en s'excusant de ne pas avoir fait ses devoirs.

Je commençai à avoir des doutes en voyant passer une deuxième Maevina, un clone de la première, qui ne s'en distinguait que par des yeux verts et une coiffure à la garçonne rouge vif.

Elle aussi remorquait un type quelconque à l'air ravi d'être traité sévèrement.

Mes doutes se transformèrent en certitudes lorsque je vis se succéder deux Loïc le Meur absolument dissemblables et différents en tous cas de celui qu'on voit se répandre dans les télévisions.

Je compris que les fêtards un peu moins naïfs que moi n'avaient pas déclaré le nom de leur blog véritable, mais plutôt celui d'un blog célèbre dont ils espéraient récupérer un peu de notoriété.

Le pouvoir d'attraction de certains pseudos est parfois stupéfiant.

Ayant intégré ces règles de base, je me laissai aller à gouter la soirée, qui était somme toute agréable.

Les filles étaient plutôt bien roulées, et guère farouches, et comme la nuit avançait, je me surpris tout proche de conclure avec au moins deux Ludine et deux Miladee différentes de plusieurs continents.

Mais finalement, au dernier moment, ces tentatives échouèrent, à cause de … détails.

Trop connes.

Bah, la nuit et la vie était encore pleine de promesses.

Je vis passer Lili, un type obèse avec un string de deux tailles en dessous ridiculement maquillé et maniéré, qui faisait rire les participants en s'écriant « Marcello ! Qui a vu Marcello ? », avec un accent italien maladroit et absurde.

Finalement, la nuit avançait, et je n'étais toujours pas arrivé à grand-chose de concret.

Je finissais par me dire qu'après tout, c'était une soirée intéressante et distrayante, et qu'il me resterait au moins des photos précieuses sur mon portable.

Mais pour être honnête, je n'étais pas venu seulement pour ça.

Certains, plus chanceux, avaient décidé de passer à l'étape suivante, et se disposaient à consommer en public.

Pour moi, ce genre de soirée où on poussait la frénésie publique jusqu'au bout était carrément une nouveauté, mais pour tout dire, c'était pour ça que j'étais venu et que j'avais payé, très cher, mon entrée.

Sauf que jusqu'à présent, j'étais surtout réduit au rôle de spectateur.

Presque tout le monde avait retiré une partie de ses vêtements, et pour éviter de trop attirer l'attention, je retirai moi aussi ma chemise, en réfléchissant frénétiquement à ce que je pourrais faire de mon portefeuille si je devais aller plus loin.

Soudain, Sagesse se matérialisa devant moi.

Des yeux bleus, une gueule d'ange, des cheveux blonds lisses.

Et une sorte de bizarre vêtement collant qui laissait apparaître la pointe de ses seins, chacun muni d'un piercing.

Et un air jeune, si jeune.

Je me demandai si je pourrais être poursuivi pour détournement de mineur en cas de contrôle.

Bah, je jouerais la naïveté et la confiance aux organisateurs, comme tout le monde.

Ca ne marche jamais, mais tout le monde le fait.

J'étais sans voix, mais elle avait l'air plutôt décidé.

« Il fait tellement chaud ici !

- Je… vous offre un verre ? (la parade nuptiale a des codes immuables) »

Elle me révéla son pseudo véritable.

Elle considérait visiblement que celui qui était sur mon badge était un emprunt, et s'attendait à ce que je lui dévoile le mien.

Je balbutiai le premier qui me passait par la tête : quintescent.

Visiblement, cela sembla lui plaire.

Rapidement, il ne fut plus question de rafraîchissement, et l'ambiance décidément frénétique aidant, les préliminaires furent vite expédiés.

Je me mis en devoir de mettre mon matériel en batterie, afin d'honorer la jeune personne ainsi qu'elle en manifestait le souhait.

Et les choses se terminèrent avant de commencer.

Je me retrouvai en train d'éponger misérablement les conséquences de ma maladresse sur la robe de la jeune femme.

Celle-ci était folle de rage.

Elle s'empara de mon paquet de Kleenex et tourna les talons.

Je me retins de lui courir après.

Laisse tomber, Ducon, c'est grillé.

Le long de ma cuisse, je sentais une tache humide qui commençait à refroidir.

Merde, je n'avais plus un seul Kleenex.

Je m'essuyai comme je le pouvais avec la chemise qu'un type avait laissé tomber là.

Pas grave.

Tout le monde avait l'air très occupé maintenant.

Il fallait que je sorte.

Quintescent, un autre type dégingandé, hilare, émergeant d'un tas de bras et de jambes me lança « on s'éclate, hein ? » en agrippant mon bras.

Lâche-moi, connard.

L'air frais me fit du bien, mais je sentais encore sur ma cuisse la tache pas encore sèche.

Bien qu'il fît nuit, j'avais l'impression que les passants ne remarquaient que ça.