Quintescenteries

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samedi 30 septembre 2006

Le plus beau jour de ma vie

J'habite juste à côté de l'église du village.

Enfin, en réalité, j'habite une petite ville de 30 000 habitants, mais cette dernière est inopinément sortie de terre il y a trente-cinq ans, au milieu d'un champ, dans un petit village de cambrousse d'Ile-de-France.

C'est devenu une "ville nouvelle".

Ou plus exactement, l'élément misérable de la ville nouvelle, celle qui sert de cité-dortoir aux ouvriers qui vont travailler à Paris chaque matin.

Bref, le village est resté, avec les grandes barres des cités de banlieue tout autour, et avec son église, que je suis juste à côté.

C'est flèché partout: "le village".

Même le cimetière est joliment baptisé "le village", pour que les vieux habitants sachent à quoi s'en tenir sur ce qu'on attend d'eux.

Bon, évidemment, les promoteurs récupèrent les vieilles maisons petit à petit, démolissent et font de beaux immeubles de deux étages, comme c'est la mode maintenant, pour les HLM.

Le temps est avec eux. La mairie est avec eux. Ils ne sont pas pressés.

A 200 mètres d'un terminus de RER et 100 mètres d'une base de loisirs, ça part comme des petits pains.

La population de la ville n'est pas très catholique, à l'exception des antillais, des vieux immigrés portugais (qui forment maintenant le gros de la population "française" de souche), des (encore plus) vieux paysans retraités qui habitaient le village avant la ville nouvelle.

Et malgré tout, je peux vous dire que l'église n'a pas le temps de refroidir, le samedi.

C'est incroyable comme on se marie à tour de bras en ce moment.

J'entends... d'abord rien, c'est assez calme chez moi. La circulation lointaine.

Puis les cloches, à toute volée, deux trois minutes.

Puis des klaxons, pendant un moment.

Puis, ça se calme.

C'est la fournée suivante.

La nationale traverse la ville par le milieu (et peut-être, bientôt, l'autoroute).

L'église est d'un côté de la route, et la mairie de l'autre côté, à cinquante mètres environ.

Pour traverser, quand on est piéton, il y a un petit tunnel, qui passe sous la quatre-voies.

Les voitures, elles, ont un pont, qui passe au dessus.

Ca fait un cortège pavoisé de voitures qui klaxonnent (mais vous avez l'habitude).

Parce que le mariage provoque de grandes réjouissances, ce qui ne lasse jamais de m'étonner, car si je comprends qu'autrefois on se réjouissait de l'union de deux fortunes et de belles terres, je vois bien qu'à présent les témoins et l'assistance n'a aucune part aux avantages fiscaux procurés par la démarche.

Mais, bon, cela ne nous regarde pas.

Par un hasard insolite, je n'habite pas à côté de la mosquée. Je ne doute pas qu'il y en ait une, mais je ne me suis jamais soucié de la localiser.

J'ai malgré tout déjà croisé de bruyants cortèges qui ne semblaient pas se diriger vers l'église, et j'ai pris la liberté d'en déduire que là aussi, on procédait à cette sorte de cérémonie.

Il semble qu'il y ait aussi qu'il y ait au moins une synagogue, puisque ma ville est célèbre pour en avoir incendié une, il y a quelques années.

Je ne sais pas grand chose des coutumes qui se rapportent à ces établissements (puisque le hasard ou quelque volonté divine a voulu que je n'habitasse point en leur proximité ), et je ne sais si le cortège klaxonnant y est également pratiqué.

Toute considération théologique mise à part, je trouve qu'il s'agirait alors d'une magnifique démonstration d'oeucuménisme.

Mais en y réfléchissant, de l'oeucuménisme, peu me chaut.

Je m'accommode donc de ces voisins bruyants et fervents (au moins pour la durée du rite), en me disant qu'à défaut de prendre part à leur bonheur, le hasard (ou quelque intervention divine) a voulu me préserver de la tentation d'une ironie cynique en me faisant habiter loin du palais de justice où on prononce les divorces.

Tiens, et si j'allais au café, juste à côté de l'église, pour gueuler "vive la mariée" au passage ?

mardi 26 septembre 2006

Note Kleenex

Tout à l'heure, j'ai vu Audrey Pulvar qui réprimait un éternuement.

Ca m'a étonné.

Je ne suis pas arrivé à me rappeler si j'avais déjà vu un présentateur de journal télévisé éternuer avant.

Je me demande comment ils font.

Ils se font retirer les nerfs de l'éternuement ?

On les conserve dans des chambres stériles à l'abri des microbes et des pollens ?

Ils sont pas comme nous, ces gens.

dimanche 24 septembre 2006

Petit rappel

A ceux qui (voir la note ci-avant) suggèrent que l'on décide du sort de l'élection présidentielle en choisissant celui qui pète le plus fort.

Je rappelle que les dames ne pètent pas.

Elles ne font pas caca.

Elles ne sentent pas des pieds.

Votre suggestion est donc parfaitement injuste à l'égard des candidates féminines, et je vous remercie de choisir vos propositions avec davantage de soin à l'avenir.

Par contre, je le rappelle également, elles filent leurs collants, elles sont chiantes une fois par mois (mais pour ça, il suffit de les choisir assez vieilles: elles sont beaucoup plus prévisibles et chiantes tout le temps), et elles vont pisser toutes les trois minutes.

A vous de juger des avantages et des inconvénients de votre décision.

samedi 23 septembre 2006

Moi, Ferrari ne me fait pas rêver

Aujourd'hui, sur M6, c'était la millième édition de l'émission Turbo.

Laissez-moi vous dire ma sainte détestation de cette beauf-culture, qui prétend entretenir le "rêve" (sic) de millions de conducteurs de Peugeot 106 surexcités du périphérique, en choisissant deux privilégiés (re-sic) qui auront le droit de visiter l'usine du "mythe" (re-re-sic), et de monter dans une de ces "fabuleuses machines" (re-re-re-sic) (sans la conduire, évidemment, assister à la messe n'est pas célébrer l'office).

Commentaire du monsieur, ébloui, sanglé à la place du mort: "Oh ! Ah ! Fabuleux !" (on voit qu'il a réalisé l'ambition de toute une vie, le brave homme).

Commentaire de la dame, éblouie, dans le rôle du bagage à main, sur le strapontin microscopique qui sert de sièges passagers dans ces généreux bolides: "j'ai envie de vomir".

Et à la fin, le sourire paternel de Dominique Chapatte en père Noël, l'air de se dire que c'est vraiment facile de réaliser des rêves d'enfant.

Moi, Ferrari ne me fait pas rêver.

Les jouets pour milliardaires, dont la principale valeur réside dans le seul fait que le commun des mortels ne peut pas se les offrir, je n'ai pas envie de me faire photographier à côté.

Même si on m'offrait un stage pour en conduire une heure, au prix soldé d'un mois de salaire, je n'en voudrais pas.

Même si on m'en offrait une, avec le plein et l'assurance, qu'est-ce que j'en aurais à faire ?

Il me semble que ça roule à 50 en ville, ces petits bolides, non ? 80 sur le périph. Et même (soyons fous), 130 sur l'autoroute, même dans les montées.

Avoir beaucoup d'argent, pourquoi pas, il me semble que si j'en avais davantage, j'y trouverais bien quelque usage, allez.

Mais en avoir au point de s'acheter des objets hors de prix, inutilisables, juste parce qu'ils sont hors de prix, c'est pour moi une obscénité, la preuve manifeste qu'on a fait le tour de son intérêt pour les autres.

Je ne vais pas sur les quais, rêver pendant des heures en regardant les yachts de deux cent pieds, sur lesquels il faut se déchausser pour monter et aller admirer les salles de bains en marbre.

Et puisqu'on parle de milliardaires, on peut penser ce qu'on veut d'un Bill Gates (j'en pense souvent du mal plus qu'à mon tour), mais si on le compare à un très cool Richard Branson (photogénique patron de Virgin) je préfère un milliardaire qui fait un chèque d'un milliard pour la recherche sur le SIDA à un milliardaire qui finance le tour du monde sans escale en ballon ou en avion de ses potes milliardaires.

Le jugement de Dieu

Moi, je propose que l'élection présidentielle se joue à celui qui pisse le plus loin.

Dieu désignera son favori (ou sa favorite, hein), à l'ancienne, et on économisera une stupide et dispendieuse campagne.

P.S.: Méfiez-vous des petits à petites bites

Au secours, Brigitte !

Tous les ans, c'est pareil.

Les gens adoptent un blog, parce que c'est si mignon quand c'est petit, tout ça.

Mais ils n'en assument pas la responsabilité.

Et quand viennent les vacances, on peut pas les faire garder.

Alors, on les abandonne, lâchement, attachés à un arbre, sur une aire d'autoroute.

Ca ne rend pas fier de l'espèce humaine.

Honte, honte à vous !

La tête ailleurs

Le must du gothisme au pays des morts, c'est de décorer entièrement sa chambre avec des têtes de vivants.

vendredi 22 septembre 2006

La dame à la licorne

Maevina rentrait d'une patrouille solitaire à cheval qu'elle avait décidée pour rompre l'ennui de l'attente au palais.

Au retour, elle avait croisé ses compagnons de voyage, qui profitaient du soleil pour faire, eux aussi, travailler leurs chevaux.

"C'est impossible, s'énervait ClandestinaRBemba. On ne peut pas monter une licorne. Ou bien elle tue son cavalier, ou bien, si on l'entrave, elle se laisse mourir en quelques minutes.

- Et pourtant, je l'ai vu, répliqua Maevina. Depuis le haut le cette colline. Sept cavalières, sur six licornes blanches et une licorne noire. J'ignorais même qu'il en existât des noires. Elles se rendent semble-t-il à la convocation de la reine, comme tous les autres.

- Vous aurez vu des chevaux joliment harnachés, voilà tout. Je me souviens qu'au cours d'un voyage, j'ai assisté à un mariage où les chevaux étaient habillés de robes, et du plus beau tissu, croyez-moi. La meilleure qualité de soie et de velours, exquisément brodés.

- Je sais reconnaître un cheval lorsque j'en vois un, pour qui me prenez-vous ? répondit aigrement Maevina, agacée par son insistance. Quand vous aurez autant d'années de service dans la cavalerie que moi..."

Maevina laissa sa phrase en suspens, comme s'il était superflu de la développer.

Au bout d'un instant de silence qui pouvait paraître satisfaisant, elle ajouta néanmoins: "De plus, ces licornes-là n'avaient pas de harnachement du tout. A ce qu'il semble, elles se montent à cru, comme si elles n'étaient pas dressées, mais plutôt apprivoisées.

- Ca parait plutôt difficile à croire, intervint le capitaine qui les accompagnait. J'ai entendu dire que seules de jeunes vierges pouvaient s'en approcher, et que tout autre était impitoyablement encorné et piétiné. En province d'Estorellie, c'est même ainsi, paraît-il, qu'on s'assure de la pureté des fiancées avant le mariage.

- Eh bien, vérifiez par vous-même, répondit Maevina. Les voilà qui approchent".

Tous se retournèrent.

En effet, sept cavalières approchaient à belle allure, dans un silence impressionnant, sans soulever le moindre grain de poussière.

"Mais ce sont les armes du marquisat des Cottes d'Armure ! s'exclama soudain ClandestinaRBemba, abritant ses yeux du soleil du revers de la main.

- Vous avez raison, répondit Maevina. Il me semble bien que c'est la marquise Ludine en personne".

Les licornes approchèrent au plus près de ce que pouvaient supporter les chevaux, qui semblaient très nerveux. Les licornes, quant à elles, semblaient au contraire parfaitement tranquilles, leurs yeux pailletés de turquoise habités d'une sérénité surnaturelle et inquiétante.

Ludine, sur la licorne noire, salua les cavaliers.

"Impressionnantes montures, commenta ClandestinaRBemba.

- Notre arme la plus redoutable, acquiesça Ludine, mais difficile à utiliser.

- Une arme à double tranchant, je le crains, ajouta Maevina. J'aurais trop peur de la voir se retourner contre mes propres troupes.

- Nous avons quelques secrets, cela va de soi, expliqua Ludine. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un dressage. Nous parlons plutôt d'un pacte. Il s'agit d'un échange.

- Eh bien, qu'est-ce que nous faisons d'autre, avec nos chevaux ? objecta ClandestinaRBemba, ironique. Nous leur fournissons des picotins, ils nous transportent où nous décidons, au péril de leur vie si nécessaire.

- C'est un peu plus compliqué que cela, répondit Ludine, légèrement vexée. Nous avons notre part dans le marché, et elle nous coûte quelque chose".

Puis elle se tut, nullement décidée, à ce qu'il semblait, à en dire davantage.

"Eh bien, j'imagine que ces licornes procurent un avantage militaire, malgré tout ? demanda Maevina, conciliante.

- Il est vrai qu'il n'y a pas eu de véritable guerre depuis fort longtemps, concéda Ludine. Mais sur nos côtes, nous avons une fois exterminé plusieurs centaines de pirates expérimentés et très bien armés à nous sept, ainsi qu'il est désormais récité dans nos chroniques".

Pendant le silence qui suivit, l'attitude impressionnée des cavaliers suffit à confirmer que l'exploit était, en effet, appréciable.

mardi 19 septembre 2006

Les leçons de maître Zinedine

Le sage a dit:

Lorsque qu'au cours d'une rencontre sportive vous profitez d'un instant de temps libre pour deviser joyeusement avec votre adversaire de la profession de vos génitrices respectives, ne dites pas "le montant de la juste rétribution d'une prestation sexuelle tarifée".

Dites "un coût de boules".

Car le sage est économe de ses mots et préfère les formules concises.

En plus, c'est plus facile à traduire en italien.

lundi 18 septembre 2006

Visa pour l'image

Jeune gazettiste fraiche émoulue de l'école de journalisme, Miladee se savait promise à une fabuleuse carrière de grand reporter.

Elle avait refusé les propositions du Héraut de la Reine, le grand quotidien de la capitale, afin de conserver son indépendance.

Elle sentait que dans sa profession, son anticonformisme et sa méfiance vis-à-vis des pouvoirs pouvaient lui tenir lieu de certificat de compétence, à condition de faire preuve d'intransigeance et de professionnalisme en ce qui concernait la qualité de son travail.

Elle avait effectué quelques piges pour des quotidiens indépendants, mais son vrai rêve, c'était de faire de grands reportages en freelance, qu'elle vendrait à de grands quotidiens d'envergure nationale.

En attendant, elle apprenait son métier comme employé d'une petite feuille locale de la capitale, le Canard de la Mare (du nom du quartier de la Mare, célèbre quartier de la capitale, de grande réputation et de petite vertu).

Elle tenait une rubrique de nouvelles locales, et prétextait souvent le besoin de recueillir un témoignage pour parcourir son quartier, son antique graphoscope à soufflet autour du cou.

Ses meilleurs reportages avaient été tirés de rencontres impromptues dans la rue, bien que ses employeurs lui fassent les gros yeux à chaque fois qu'elle s'écartait du sujet qui lui avait été assigné.

Mais les lecteurs appréciaient ses papiers, et le faisaient savoir, aussi elle avait rapidement obtenu un certain respect, et le droit de conserver sa liberté.

Par ailleurs, le Canard de la Mare était plutôt apprécié dans les milieux dans lesquels elle évoluait, et sa carte de presse servait assez facilement de sésame - au moins dans les conversations de comptoir.

Elle s'était ainsi constitué un réseau d'indicateurs plutôt bien informés qui n'auraient pas fait rougir les fonctionnaires de la police de la Reine.

Évidemment, quand on était journaliste dans le royaume, il fallait faire attention.

La presse était surveillée, il ne fallait pas manquer de respect à la Reine, au gouvernement ou aux notables.

Du moins, sans un dossier solide et irréfutable, et sans avoir sa valise prête pour un exil précipité.

Mais en ce moment, ces restrictions étaient le cadet des soucis de Miladee.

Elle profitait d'un moment de liberté pour parcourir les rues et mitrailler bêtes et gens avec son graphoscope.

Elle poussa la porte d'un café où elle avait ses habitudes

Le troquet était plein des habitués habituels, qui étaient pleins eux-mêmes, et qui la saluèrent bruyamment, sans lâcher leur partie de cartes ou de tric-trac.

Quelques piliers du comptoir faisaient la conversation avec la serveuse, une fille qui aurait pu être jolie si avait été moins fatiguée et désabusée.

Miladee commanda un café

En examinant ses compagnons d'un instant, Miladee reconnut Pif-Rouge.

Ce n'était pas son nom, bien sûr, mais Miladee avait oublié le vrai, et elle trouvait que décidément, il ne pouvait en revendiquer un de plus approprié.

"Tout le monde est venu à la fête, dit-elle ironiquement, pour engager la conversation. C'est encore mieux qu'au palais ! On va s'amuser comme des fous, ici !

- Bof, tu sais, répondit Pif-Rouge, faisant visiblement un effort pour mouvoir sa bouche pâteuse, je ne suis pas sûr que la convocation au palais soit pour une fête, ça non.

- Et pourquoi d'autre, sinon ?

- A ce qu'on dit, toute la noblesse est venue en armes. Normalement, les armes sont interdites au palais, à l'exception de celles de la garde royale. Ce que je dis, moi, c'est qu'il se prépare une guerre.

- Une guerre avec qui ? répliqua la serveuse, sceptique. Depuis le traité des sept royaumes, il y a trois cent cinquante ans, il n'y a plus de guerre. Les soldats ne savent même plus comment s'y prendre.

- Je sais ce que je dis, répondit Pif-Rouge, vexé. Mon cousin est palefrenier aux écuries royales. On leur a tous fait promettre de ne pas en dire un mot, mais le cousin Louis, au bout de deux choppes, il ne sait plus tenir sa langue, finit-il en éclatant de rire.

- C'est vrai, les sept royaumes sont en paix depuis longtemps, intervint Miladee. Avec qui la Reine pourrait-elle vouloir commencer une guerre ?

- Ah, ça, répondit Pif-Rouge, ironique, t'as qu'à lui demander.

- Je vais demander qu'on me fasse annoncer, répliqua Miladee sur le même ton."

Elle finit son café, salua distraitement la compagnie, et sortit, songeuse.

Elle se disait qu'il fallait absolument qu'elle trouve un moyen d'entrer au palais.

samedi 16 septembre 2006

Martine à la plage

Moi, j'ai rencontré quintescent à la plage, un été.

Mon père venait de me montrer comment on pouvait faire des pâtés de sable, avec du sable mouillé et mon seau en plastique.

Au début, je n'étais pas très habile.
Je voyais que les châteaux tenaient mieux quand on tassait correctement le sable, mais j'avais beau tasser, ils finissaient toujours par s'écrouler.

Je savais que quintescent devait venir ce jour-là.
Je ne l'avais jamais rencontré, mais on m'avait beaucoup parlé de lui.
C'était un cousin éloigné, du côté de ma mère.
C'était un grand, déjà, il avait un an de plus que moi.
A cet âge-là, un an, ça compte.

Il est arrivé, à la fin de matinée.
Le soleil commençait à être très chaud.
Nous sommes fait la bise, et ses parents ont installé le parasol près du notre.
Va-donc jouer avec ta cousine, lui a suggéré son père.

Il s'est approché.
Ah, tu fais des châteaux de sable, constata-t-il, d'un air supérieur et désabusé.
Il n'avait pas de seau.
Je lui ai bien sûr tourné le dos.
Pas question qu'il touche à mon seau et ma pelle.
Il n'avait qu'à s'en trouver d'autres.

Il resta debout, vaguement désemparé, et pour garder contenance, il prit ses parents et l'univers à témoin:
"Elle ne sait même pas les faire ! Maman, regarde, elle prend du sable sec pour faire ses châteaux !
- Non ! répliquai-je aussitôt, vexée et indignée. C'est même pas vrai ! Je prends du sable mouillé !
- Peuh ! Y a pas assez d'eau ! Regarde, c'est à moitié sec, et ça se casse en morceaux".
Il fallait reconnaître qu'en effet, le sable sec était mêlé au sable humide, et que cela compromettait la solidité de mes précieux édifices.

Mais il n'étais pas question que j'obtempère immédiatement à ses recommandations.
Je ferais les châteaux à ma façon, et voilà tout.

Mais ça ne tenait décidément pas.
Finalement, à force d'insistance, et un peu lasse de sentir son regard ironique sur mes essais infructueux, je finis par me laisser convaincre de lui laisser le seau.
Il alla le remplir tout au bord de la mer, cette fois avec du sable vraiment humide.
Incontestablement, ses pâtés se démoulaient plus facilement que les miens, et tenaient beaucoup mieux.
Il entreprit alors de construire une véritable forteresse, en reliant les tours de sable avec des murailles de sable humide.

Quatre tours suffirent à construire un fort acceptable, en tous cas le plus réussi que j'aie jamais vu (bien que je ne sache pas vraiment à quoi ressemblait un château dans la réalité).

Avec des débris de bois et des coquillages, qui figuraient des chevaliers, il m'enseigna les rudiments de l'art militaire.

Je compris ainsi qu'il était vital pour certaines personnes de monter en haut des murs des châteaux pour arriver à l'intérieur, cependant que d'autres considéraient de la plus haute nécessité d'empêcher les premiers d'arriver à leur fins, par le moyen simple et non définitif de l'extermination.

La logique de cette distraction était finalement assez proche de celle de certains jeux que je pratiquais par ailleurs (l'extermination mise à part), et je ne me posais pas davantage de questions sur le bien fondé de pareilles disputes.

Nous jouâmes ainsi pendant près d'une heure, ce qui était une durée exceptionnelle compte tenu de la patience dont je faisais preuve pour n'importe quelle activité à cette époque. (sur ce point, je n'ai guère changé).

Puis la mère de quintescent l'appela: il était temps de repartir déjeuner.
Quant à nous, nous restions: nous avions prévu un panier pour le pique-nique.
Je suis restée à jouer seule quelques instants, mais le jeu n'avait plus la même saveur.
Je me lassai très vite.

Et puis la vague est arrivée, jusqu'au ras des parasols.

Il ne resta plus du château qu'un monticule informe et quelques coquillages.

Je restai inconsolable pendant une demi-heure au moins.

vendredi 15 septembre 2006

Heureux hasard d'une rencontre

Il y a d'abord ce type, sur la banquette d'à côté, qui réussit cet exploit, qui me laisse admiratif, en un seul mouvement, de faire volte face, de poser sa serviette le long se son siège, de se pencher en avant vers son vis-à-vis, de tousser vigoureusement à la face de celui-ci et de s'asseoir, sans lâcher le bouquin qu'il tient dans l'autre main.

Forcément, après toute cette activité, il est épuisé, et il n'a pas la force de s'excuser, mais comment lui en tenir rigueur ?

Et l'instant d'après, cet autre type, en uniforme d'employé de bureau, qui vient se poster devant moi en me mettant ses fesses sous le nez, scrute longuement le wagon à la recherche d'un siège libre, hésite, se rend à l'évidence: il n'y a pas de meilleur endroit, s'installe juste en face de moi, me fixe un instant, ouvre soudain sur un bâillement cyclopéen une bouche si énorme que je peux compter ses plombages, contempler sa glotte, et examiner l'état du fond de son caleçon.

Et, après un "haaaammm" triomphant, il se remet aussitôt à sa passionnante contemplation de moi-même.

Comme je ne tiens pas à profiter de cette occasion inopinée pour échanger mon e-mail ou le contenu de ma bouche avec lui, je détourne promptement le regard et je me m'intéresse au paysage qui défile - les murs couverts de graffiti me passionnent et me semblent chaque jour différents, selon la lumière qui les éclaire, et mon âme de poète n'y est jamais indifférente.

Comme ma station arrive, je me dis que décidément, la rencontre de gens charmants permet de bien commencer sa journée de travail, et je quitte à regret la voiture pour attendre ma correspondance.

Post Scriptum: Ce soir, au retour, il y a cet autre type, qui se déchausse carrément, et sétale de tout son large, un pied sur chaque siège, afin que chaque passant enthousiaste puisse admirer ses superbes chaussettes bleues-ciel à motifs jaunes. Je n'ai pas osé lui demander de me dédicacer mon 20minutes.

mardi 12 septembre 2006

La vague

Quand la "Danse des Sept Voiles" se retourna, Ph&-no se reposait dans sa cabine de capitaine.

Elle sut immédiatement que quelque chose de grave était arrivé.

Elle sentait quelque chose de chaud et de poisseux couler le long de son visage - un peu de sang qui coulait de son front.

Bah, elle s'en sortirait avec une nouvelle balâfre.

Elle avait l'habitude.

Il faisait complètement noir dans la cabine, et apparemment, elle était allongée inconfortablement sur le plafond, qui se trouvait à présent en dessous d'elle.

"Le bateau", pensa-t-elle immédiatement.

Mais pour le moment, ce qu'elle pouvait faire, c'était chercher à identifier sa position et trouver un passage vers la passerelle.

On commençait à entendre des cris de l'équipage, et surtout des jurons.

Plutôt bon signe, pensa-t-elle. S'ils râlent, c'est qu'ils ne vont pas si mal que ça.

"Bon sang, grommela-t-elle, le météographiste avait promis une mer d'huile pour toute la traversée !".

Ca faisait pas mal de temps qu'elle navigait sur toutes les mers, mais elle ne se souvenait pas avoir été secouée de cette manière.

Il y eut un énorme craquement, et le bateau recommença à basculer, pour revenir dans sa position normale.

Ph&-no se sentit glisser sans pouvoir arrêter sa chute, ignorant sur quoi elle allait se recevoir.

Soudain, Ph&-no se retrouva sur le dos, le souffle coupé.

Elle se rendit compte qu'elle était revenue en travers de sa couchette.

Elle se retint de hurler.

Son bras la faisait souffrir, et il lui semblait en position anormale.

Elle se dit qu'il devait être démis.

Elle espérait qu'il n'était pas cassé.

Elle n'avait vraiment pas besoin de ça maintenant.

Le bateau était d'aplomb, mais continuait à bouger beaucoup.

Elle avait un sérieux mal de mer.

Son corps appuyait sur son bras blessé, et la douleur devenait atroce.

Elle se sentit partir, et s'évanouit.

dimanche 10 septembre 2006

parfois

Il y a parfois dans la vie des moments d'intensité extrème, où on se dit que le mieux qu'on ait à faire, c'est de se faire chier comme un rat mort.

vendredi 8 septembre 2006

Basse-cour

On voit parfois des dindes.

Du moins, pour être honnête, que je remarque surtout les femelles.

Des sottes, pas toujours blondes, qui soulignent les limites de leurs propres capacités en premnant à témoin le monde des jugements qu'elles portent sur les autres.

Mais il existe aussi des dindons.

Je viens d'en croiser deux, dans un train de banlieue, du côté de la très bourge Saint-Cloud.

L'un d'eux, particulièrement, parfaitement brun, muni d'une voie de fausset, parlait bien plus fort que nécessaire pour se faire entendre de son compagnon, comme s'il espérait se faire entendre de tout le wagon (en quoi, il faut lui reconnaître le mérite d'avoir probablement réussi).

Notre dindon, donc, faisait la démonstration de sa vaste (et indisputée) érudition dans les programmes télévisuels de TF1, moquant la sottise et le peu de talent de tel vainqueur de la StarAc, ou le manque de voix de la gagnante de je ne sais quel autre programme.

Profitant des longues heures de patient visionnage consenties par l'intrépide gallinacé, j'apprenais ainsi que tel misérale (polonais, précisait-il) n'avait sû faire durer sa carrière, alors que J.P. montrait une vraie réussite en ayant obtenu la dignité de présentateur de vidéogag (consécration à nulle autre pareille, à ce qu'il semblait).

Je devinais ainsi l'existence d'un monde de mystères et de secrets, qui m'était resté jusque-là insoupçonné, et d'un univers de savoirs dont j'étais irrémédiablement exclu.

Mais je sais aussi que je n'ai guère de chances de m'amender, et que je continuerai à me complaire dans ma coupable ignorance.

Ayant ainsi résolu d'épouser la cause du mal, je les regardai descendre avec soulagement, deux stations plus loin.

jeudi 7 septembre 2006

Un bruissement d'aile de papillon

Aussitôt qu’on lui eut indiqué ses appartements dans le palais, sire Breizhblog (ou plutôt, de son véritable nom Ar Valafenn d’Armoricie) abandonna ses gens à l’installation de sa maison, et se mit à explorer méthodiquement le château, afin de vérifier le trouble que sa légendaire jupe à carreaux produisait invariablement sur la gent féminine.

Car si chacun sait l’intérêt que les garçons portent à ce qui se cache sous les jupes des filles, cette curiosité est peu de chose en comparaison de celle que les filles vouent à ce qui se cache sous les jupes des garçons !

Et de filles de toutes sortes, le palais n’en manquait pas en ce moment, et si l’humeur générale était davantage à la préparation d’aventures guerrières, il est notoire que les guerriers sont des jeunes gens et des jeunes filles qu’aucune sorte d’aventure ne saurait rebuter.

Une belle assurance, non dénuée d’un soupçon d’arrogance lui laissait à penser qu’il s’en trouverait surement quelques-unes désireuses de s’initier avec lui à l’art du biniou armoricien.

Ou, du sac-à-pipes, comme on disait dans en dialecte saxangloyen.

Car le sire Ar Valafenn était versé dans l’art des langues, non seulement dans la langue officielle du royaume et dans les dialectes gutturaliques pratiqués dans les terres d’Armoricie, mais dans de nombreux langages de principautés éloignées de l’Insularie angloyenne.

Il se flattait en outre de savoir utiliser sa langue de mille autres manières.

D'ordinaire, Ar Valafenn fréquentait plutôt les dames de sa qualité, auprès desquelles sa virile prestance faisait des merveilles.

Dernièrement, il avait croisé ClandestinaRBemba, et malgré une rencontre un peu houleuse, il s'était promis de se faire mieux connaitre de la jeune personne.

Il avait également assisté à l'arrivée spectaculaire de Lili au commandes de son dirigeable, et avait noté dans un coin secret et hypertrophié de son cerveau que cette dame était également digne d'intérêt.

Car Ar Valafenn se passionnait pour le fonctionnement des femmes de forte personnalité, qu'il mettait une soin minutieux à étudier, se considérant légitimement comme un érudit en la matière.

Mais il estimait aussi qu'il se devait à tout le monde, et ne se soustrayait jamais à l'obligation sacrée de diffuser à l'occasion ses gènes auprès de la gent servile, pourvu qu'elle fût féminine.

Justement, cette nuit-là, il explorait les cuisines du palais afin d'en étudier la population femelle avec une minutie scientifique.

Il n'eut guère de mal à subjuguer une fille des cuisines, aux formes prometteuses et au regard plein de réconfortante naiveté.

Ar Valafenn s'apprêta à disposer de sa proie, ainsi qu'il revient au chasseur victorieux, ce à quoi celle-ci consentait volontiers.

Soudain, une sorte de grondement monstrueux sembla s'élever de l'abîme, loin en dessous des cuisines.

Une sorte de chant suraigü, aux paroles ininteligibles, issu de gorges inhumaines s'éleva.

Une partie du mur sembla rougeoyer, puis des lettres flamboyantes se mirent à apparaître et à s'effacer, d'un alphabet inconnu.

Puis, progressivement, les letttres semblèrent plus familières.

Enfin, Ar Valafenn reconnut quelques mots, Porte, Ouvrir, Souverain.

Et soudainement, tout cessa, laissant un silence presque douloureux, et un mur lisse.

Ar Valafenn effleura le mur, qui était glacé.

La fille s'était enfuie depuis longtemps, et c'était aussi bien, car Ar Valafenn se sentait désormais trop piteux pour consommer ses amours ancillaires.

Son éternelle bonne humeur désormais teintée d'idées sombres et inquiètes, il se promit de prendre davantage de renseignements sur les motifs de la convocation de la reine.

mercredi 6 septembre 2006

L'unique

Attention: Cette note est destinée exclusivement à la seule de mes lectrices que je n'ai pas encore eue (elle se reconnaitra).

Les autres lecteurs, anciennes amantes, mâles visiteurs, ne doivent pas se considérer comme éconduits, mais trouveront peu d'intérêt à ce texte, qui n'a pas été écrit pour eux.

A toi, donc, que j'ai connue dans de si étranges circonstances.

Etranges, mais tellement banales, en vérité, le hasard des rencontres sur le réseau, cette curieuse manière de se séduire sans jamais prendre le risque de s'engager.

Sans jamais se voir, ni se toucher, se sentir communier en âme et en paroles, par la seule magie des mots qui se forment sur l'écran et qui touchent exactement ce qu'on n'aurait su mieux exprimer.

Eprouver que quelqu'un enfin, quelque part, est en mesure de comprendre toute l'intimité de son sentiment.

Partager l'émotion, lire ces mots, et en les lisant, les entendre en murmure qui répondent au murmure de son être alors que la communication se mue en communion.

Et puis, un jour, peut-être, se voir, se rencontrer.

A toi, donc, si unique que je ne t'ai jamais eue, parce qu'il ne faut pas, parce qu'une vision, un contact réduirait cette fusion si ténue, ce tissu si diaphane en une navrante et triste banalité, et que l'embrasement des sens et l'exultation des corps éteindrait la lueur des esprits intimement noués.

Comme le fameux chat, dans la boîte, qui ne pouvait être observé que sous peine d'être tué, cette relation qui te rend si unique doit à tout prix demeurer abstraite, détachée des corps et des sens, de l'odeur du café et de la cigarette, du bruit du moteur de l'autobus qui passe.

Je veux te garder comme un rêve vivant, comme le plus vivace de mes souvenir, un souvenir qui se ravive et se renouvelle chaque jour.

Attends, ne coupe pas, je crois qu'ils viennent de marquer un but.