Quintescenteries

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lundi 17 mars 2008

La capitale

Après quelques mois de cette vie errante, amusante, mais pas très productive, certains dans notre cortège finirent par se rappeler qu'après tout, ils étaient juifs, et exprimèrent le souhait de se rendre à Jérusalem pour faire un sacrifice au temple.

Peu d'entre nous avaient déjà fait ce pélerinage (peu d'entre nous s'étaient déjà rendus à Jérusalem) et l'idée ne rencontra pas beaucoup de réticence.

Je soupçonne que pour quintescent, ce déplacement représentait une opportunité intéressante de tester sa nouvelle popularité auprès d'un nouveau public.

En tous cas, nous nous mîmes en route avec un bel enthousiasme.

Notre troupe hétéroclite (qui comprenait désormais un certain nombre d'infirmes, et des femmes accompagnées d'enfants) n'avançait pas vite, et dans beaucoup d'endroits où nous passions, les habitants séduits par le charisme de quintescent cherchaient à nous retenir quelques jours.

Quelques jours seulement, car notre troupe grandissante consommait pas mal de nourriture sur son passage.

Et ainsi, c'est seulement au début des festivités de Soukot que nous arrivâmes à Jérusalem.

Selon l'usage - et la mitsva - les pélerins rassemblaient des rameaux des quatre espèces dont ils allaient se servir pour parer les cabanes rituelles.

En entrant dans la ville, avec à notre tête quintescent sur son âne, nous nous retrouvâmes mêlés à un cortège de ces pélerins équipés de ces rameaux.

Nous nous amusâmes, par dérision, à remercier les pélerins de cette haie d'honneur improvisée, que vraiment nous ne méritions pas.

Certains nous regardaient comme des fous, d'autres nous jetaient un regard indigné et détournaient la tête.

Malgré tout notre esprit irrévérentieux, nous fûmes tout de même impressionnés par le temple.

Des flots continus de pélerins, venus de tout Israël se rassemblaient et convergeaient vers le fabuleux temple d'Hérode, le temple reconstruit par le grand-père de notre actuel Hérode Antipas.

Il faut dire qu'Hérode le grand, c'était autre chose, comme roi. Sûrement le meilleur roi qu'Israël avait connu depuis le roi Salomon lui-même, et même s'il avait été installé sur son trône par les romains, il était tout de même celui qui avait rendu sa fierté au peuple juif. Et surtout rebâti le temple.

Et même si certains lui reprochaient - calomnieusement, selon moi - de menus forfait, comme l'ordre de massacrer des nouveaux-nés en Gallilée, il restait pour moi le plus grand roi des temps modernes.

Et grâce à la reconstruction du temple, et peut-être en réaction contre l'occupation romaine ou la libéralisation grecque des moeurs, tout Israël s'était pris d'une ferveur religieuse sans précédent.

Quand venait la période des sacrifices, il y avait des dizaines de milliers de pélerins sur le mont du temple, et encore plus d'animaux.

Les rigoles aménagées dans le long des murs du temple se remplissaient du flot continu du sang des bêtes abattues, dont l'odeur âcre n'était pas couverte par les monceaux de résines aromatiques brûlées chaque jour.

Et il y avait des mouches, par millions.

Beaucoup de pélerins venaient pour le sacrifice avec leurs propres bêtes, mais certains, soit qu'ils étaient très fortunés, soit qu'ils avaient perdu leur bêtes en route, soit qu'ils étaient, comme nous, plutôt imprévoyants, devaient acheter leur bête sur place.

En réalité, tout s'achetait à prix d'or à Jérusalem, les bêtes pour le sacrifice, mais aussi tous les accessoires rituels, et même l'eau pour boire, les institutions civiles et religieuses prélevant une généreuse commission sur toutes les transactions.

Compte tenu du nombre de notre troupe, il était impensable que nos pauvres ressources suffisent à nous offrir ces accessoires indispensables.

quintescent s'impliquait beaucoup dans les négociations, mais même tout son talent n'y suffisait pas, et beaucoup ne comprenaient pas l'araméen à Jérusalem.

Finalement, nous décidâmes un jour de susciter une bagarre générale et de nous emparer de ce dont nous avions besoin en profitant de la confusion.

quintescent renversa les tables des courtiers et des percepteurs du temple en vociférant des imprécations au nom du fils de l'homme, et la partie basse du temple, dédiée aux profanes, se transforma bientôt en un tumulte indescriptible, dont les quelques gardes romains de faction évitèrent soigneusement de se mêler.

(à suivre...)

mercredi 12 mars 2008

A la plage...

Alors que notre petite troupe bizarre, composée d'adolescents attardés et de naïfs plus ou moins illuminés, parcourait les routes autour du lac de Tibériade, nous fûmes rejoints par Barthélémy.

quintescent le remarqua bientôt, parce qu'il affectait de ne pas se laisser impressionner par son aura de prophète, et tournait un peu en dérision ceux qui attendaient de lui des miracles.

Il prétendait qu'au fond, les miracles, il se les fabricait lui-même.

Et c'était vrai, d'une certaine manière, car il était versé dans l'art égyptien de l'illusionisme.

Il savait, en quelques passement de mains, faire disparaittre des pièces, et surtout, il pouvait, au milieu d'une foule, vous dépouiller de votre bourse la mieux dissimulée sans que vous ayez l'ombre d'un soupçon ou d'une sensation.

quintescent se montra très troublé et fasciné par ce talent magnifique, et Barthélémy fut rapidement admis parmi ses très proches dans la troupe.

Il va sans dire que cela n'alla pas sans quelques manifestation de dépit parmi ses amis proches qui l'accompagnaient depuis le début, et qui se sentaient dépossédés d'une partie de leurs privilèges et de la considération à laquelle ils estimaient pouvoir prétendre.

quintescent était assez indifférent à ces manifestations de jalousie et s'abandonnait sans grande retenue à sa nouvelle passion pour l'illusion.

Plusieurs s'en vèxèrent, et quittèrent notre troupe, et certains, comme Saül de Tarse (on disait parfois Paul) se comptèrent à partir de ce moment au nombre de nos pires ennemis.

C'était la manière de quintescent, de susciter sans s'en soucier les affections et les passions les plus violentes, et de blesser souvent les gens en y répondant par une distante indifférence.

Mais il était en même temps si facile de l'aimer...

quintescent se montra rapidement très habile pour les illusions, et au bout de peu de temps il se montra fréquemment plus habile que son maître dans ce domaine.

Contrairement à Barthélémy, qui applicait son talent à des tours de foire, quintescent imaginait des illusions grandioses.

Il faisait disparaître des personnes, des ânes, des maisons entières.

Avec l'habitude, nos veillées finissaient par ressembler à des représentations de cirque.

Chaque soir, nous rendions la vue à des aveugles, nous faisions repousser des membres à des infirmes - Ca nous demandait une bonne heure de préparation de transformer un membre sain en faux moignon tout à fait répugnant.

Au lac de Tibériade, une fois, quintescent réalisa un de ses tours les plus spectaculaires: Devant une foule stupéfaite, on le vit marcher sur l'eau sur une dizaine de toises.

En réalité, ce tour fut si réussi, il y eut tellement d'évanouissements dans la foule que nous lui conseillâmes de ne pas renouveler l'expérience.

(à suivre...)

lundi 10 mars 2008

Technologie électorale

Les lecteurs de DVD deviennent parfois des modem.

Les P.S. aussi.

jeudi 6 mars 2008

L'élu

Moi, j'ai fait la connaissance de quintescent en Galilée, sous le règne d'Hérode Antipas.

A cette époque-là, nous étions une bande de jeunes.

Pas si jeunes que ça, en vérité: nous allions tous plus ou moins sur nos trente ans, et notre comportement d'adolescents attardés nous attirait la réprobation de toute la bourgeoisie bien-pensante de Nazareth.

On s'en fichait pas mal, nous avions une éducation "à la grecque" de jeunes juifs raffinés de notre époque, nous méprisions pas mal des interdits contraignants de notre religion, nous buvions souvent du vin jusqu'à l'ennivrement, et nous mangions même parfois du porc ou des crustacés.

quintescent était de loin le plus acharné d'entre nous.

Artisan de son métier, il était aussi rabbi, davantage à cause de l'insistance de ses parents très pieux que par conviction.

Il raillait volontiers sa propre dignité religieuse particulière en parlant de lui même à la troisième personne, et en se désignant par "le fils de l'homme".

L'homme en question, le vieux Yosef, un charpentier honorablement connu à Nazareth, rouspétait souvent pour la forme à toutes ses incartades, mais faisait toujours preuve d'une coupable indulgence à l'égard de son fils bien aimé.

Nous vivions, il faut le dire, une époque bizarre, où la société se distendait entre jeunes gens libéraux, comme nous, qui prenions nos distances avec la religion, et les bandes et sectes intégristes, ésséniens ou pharisiens, qui couraient le pays en prêchant la fin du monde.

Nous nous moquions en toute occasion de toute cette bigotterie, et bien sûr, c'était toujours quintescent qui se distingait dans ce domaine.

Il transformait invariablement les séances d'étude de la Torah en rigolade, avec ses interprétations loufoques de la volonté divine.

Comme le temps passé, nous nous sentions de plus en plus étouffés dans les murs étriqués de Nazareth, et nous finissions par rêver tout haut de courir le monde en quête d'aventures, pour brûler ce qui nous restait de jeunesse par les deux bouts.

Et un jour, après avoir été jetés dehors d'une enième fête de village, nous partîmes vraiment.

Toute une bande, à l'aventure.

A force de croiser sur notre chemin des bandes de prêcheurs à demi fous, l'idée vint un jour à quintescent, en plaisantant à demi, que nous pourrions créer notre propre secte, ce qui déclencha l'hilarité générale.

C'était tout près de la ville nouvelle de Tibériade, construite en l'honneur de l'empereur de Rome, et dont la réputation moderne nous attirait comme un aimant (réputation très surfaite, nous le découvrîmes rapidement, mais c'est une autre histoire)

quintescent nous fit rire toute la soirée de son imitation de prophète, en reprenant des bribes de phrases captées par-ci par-là, récitant juste à propos, comme il savait si bien le faire, des fragments de la Torah.

Il avait vraiment du talent pour ça, et nous complétions la scène en jouant les disciples dévoués et le militants enflammés.

Les habitants du coin nous observaient avec intérêt et un air réjoui, et forts de ce public, nous étions encouragés à poursuivre notre interprétation.

Au petit matin, nous fûmes tout de même assez stupéfait de voir qu'un certain nombre de ces spectateurs étaient restés toute la nuit auprès de notre campement, attendant, semblait-il que quintescent recommence son prêche.

Nous nous regardâmes avec inquiétude, un peu dépassés par ce développement inattendu de notre délire de la veille.

D'autant plus que certains, s'enhardissant, finirent par nous demander des nouvelles du "maître", et nous apportant à sassiété eau et nourriture - mais pas de vin, les imbéciles !

Finalement, il fut décidé de continuer le jeu, pour voir où ça nous mènerait.

La situation nous paraissait plutôt agréable, nous étions nourris et traités avec davantage de bienveillance que nous n'en avions l'habitude, il nous suffisait pour cela d'imaginer une origine attrayante et spectaculaire à notre bande et particulièrement à quintescent.

Il s'inventa des ancêtres parmi les anciens de la tribu de Yehoudah, et un prénom de scène de Yeochouah, et même une ascendance jusqu'au roi David (mais à cette époque, tout le monde prétendait descendre du roi David.

Et bien sûr, il se désignait toujours comme "le fils de l'homme", ce qui déroutait toujours ses auditeurs, et contribuait à les subjuguer.

Et finalement, au bout de quelque temps, quand nous décidâmes de changer d'endroit, ils furent quelques-uns à nous suivre.

(à suivre...)