Quintescenteries

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mardi 30 janvier 2007

Le petit con

J'ai rencontré quintescent dans le désert de Libye, pendant une mission "non officielle" à la frontière du Tchad.

J'avais dû m'éjecter en plein désert.

Carafe moteur.

Je ne sais pas ce qui a pu se produire, une explosion, et puis un incendie.

Les commandes qui ne répondent plus, les instruments complètement aux choux.

Le GPS de mon Jaguar m'indiquait que j'étais plus ou moins au dessus de la Normandie, mais si je voyais la plage, je ne savais pas où la mer était passée.

Je m'étais éjecté tout près du sol, et mon parachute avait à peine eu le temps de s'ouvrir.

Finalement, je m'en étais plutôt bien tiré, sauf que j'avais atterri en plein sur un rocher imbécile et néanmoins libyen (du moins, je le supposais).

Je m'étais légèrement foulé une cheville, mais je m'estimais plutôt heureux.

Surtout que le Jaguar avait explosé presque immédiatement après mon éjection.

Incroyablement, aucun éclat ne m'avait atteint, le parachute non plus.

L'avantage du désert, c'est que le sable absorbe le carburant, et que les débris ne brûlent pas très longtemps, ce qui permet d'éviter de se faire repérer en territoire "hostile".

L'inconvénient, c'était qu'avec mes instruments déréglés, il n'allait pas être très facile aux secours de me retrouver.

Je n'avais presque pas d'eau, mais en revanche, du sable et des cailloux autant que je voulais.

Finalement, le me demandais si le mieux qui pouvait m'arriver, ce n'était pas de tomber sur une patrouille libyenne.

Si je n'étais pas liquidé sur place, les diplomates pourraient faire leur travail, et je pourrais sortir deux ou trois ans (et quelques dessous de table) plus tard.

A moi le couscous aux frais de Khadafi !

En attendant, j'avais passé la journée en m'abritant du soleil du mieux possible sous un débris d'aile.

A part le manque d'eau, si je m'efforçais de ne pas bouger, ça restait supportable.

La nuit est tombée.

Le moindre bruit de vent ou d'insecte me faisait sursauter.

Et soudain, il était là.

Quintescent.

Un gamin, blondinet.

Je me dis brièvement que c'était bizarre, un niard blond dans le coin.

En plus, je ne parlais pas le langage indigène, ça n'allait pas être facile de communiquer.

Mais c'est lui qui a entamé la conversation, en français.

"S'il vous plait, monsieur, dessine-moi un mouton".

Je n'ai pas relevé la faute de grammaire grossière, comme Ludine l'aurait fait.

Faisant preuve d'une patience qui m'étonne encore moi-même, j'ai même évité de lui demander s'il en avait d'autres, des questions à la con de ce genre.

J'ai éludé la question en disant que je n'avais pas mon carnet de croquis sur moi.

Mais il avait amené de grands blocs de papier et des fusains, ce con, et il insistait.

Je n'osais pas trop le rabrouer, parce que je me méfiais de ses réactions.

Je ne savais pas s'il y en avait d'autres comme lui.

Il m'a raconté une histoire bizarre de volcans, de roses et de réverbères.

J'ai essayé de lui inculquer les rudiments de l'électricité, mais il insistait avec son histoire d'éclairage au gaz.

J'ai fini par laisser tomber.

Je lui ai demandé de me montrer ses roses, me disant que là où il y avait des roses, il devait y avoir de la flotte.

A ce moment-là, c'était tout ce qui me préoccupait.

Je n'avais plus les idées très claires, il me parlait de volcans.

Il me semblait avoir vu des volcans, juste avant mon éjection.

De l'eau, près du volcan...

Je suis tombé dans les pommes.

J'ai été réveillé par un sergent de la légion étrangère, qui parlait avec un fort accent slave.

"Mon capitaine, est-ce vous entendez ?

- A boire ! " C'est tout ce que j'ai pu répondre.

J'ai entendu un médecin militaire dire que je délirais.

Et je suis parti à nouveau.

jeudi 4 janvier 2007

quinte by night

J'ai rencontré quintescent lors de ma première participation à la grande orgie mensuelle des blogueurs parisiens.

Bien sûr, ce n'était pas le nom que les organisateurs donnaient officiellement à cette soirée, mais elle avait la réputation de se terminer souvent de manière assez torride et désinhibée, et tout le monde avait pris l'habitude de l'appeler ainsi dans la blogosphère.

Il y avait toujours des photos incroyables qui circulaient sur la toile au lendemain de ces rencontres.

En gros, c'était la promesse d'une soirée réjouissante et de d'opportunités intéressantes si on était plutôt enclin aux rencontres sans lendemain.

Le prix d'entrée était… ouille !

Gratuit pour les filles.

Demi-tarif pour les mecs accompagnés.

Moi, je n'étais pas accompagné.

Plein tarif.

Merde.

Enfin, je suppose que c'était un moyen d'éliminer les « curieux » pas vraiment sérieux.

Question organisation, c'était plutôt bien fait.

Chaque participant recevait un badge avec le nom de son blog, qui brillait dans la pénombre sous les lampes ultraviolettes.

Comme ça, on savait à qui on avait affaire.

Parfait.

Le seuil à peine franchi, je vis passer Maevina.

J'en avais le souffle coupé.

Pas du tout comme je me l'imaginais.

20-22 ans maximum, une cascade de cheveux noirs ondulés tombant jusqu'à la taille et des bottes en cuir retourné, lacées derrière, remontant jusqu'en haut des cuisses.

Une sorcière exotique.

Elle tenait en laisse un type rougeaud, essoufflé, qui la suppliait en l'appelant maitresse, et en s'excusant de ne pas avoir fait ses devoirs.

Je commençai à avoir des doutes en voyant passer une deuxième Maevina, un clone de la première, qui ne s'en distinguait que par des yeux verts et une coiffure à la garçonne rouge vif.

Elle aussi remorquait un type quelconque à l'air ravi d'être traité sévèrement.

Mes doutes se transformèrent en certitudes lorsque je vis se succéder deux Loïc le Meur absolument dissemblables et différents en tous cas de celui qu'on voit se répandre dans les télévisions.

Je compris que les fêtards un peu moins naïfs que moi n'avaient pas déclaré le nom de leur blog véritable, mais plutôt celui d'un blog célèbre dont ils espéraient récupérer un peu de notoriété.

Le pouvoir d'attraction de certains pseudos est parfois stupéfiant.

Ayant intégré ces règles de base, je me laissai aller à gouter la soirée, qui était somme toute agréable.

Les filles étaient plutôt bien roulées, et guère farouches, et comme la nuit avançait, je me surpris tout proche de conclure avec au moins deux Ludine et deux Miladee différentes de plusieurs continents.

Mais finalement, au dernier moment, ces tentatives échouèrent, à cause de … détails.

Trop connes.

Bah, la nuit et la vie était encore pleine de promesses.

Je vis passer Lili, un type obèse avec un string de deux tailles en dessous ridiculement maquillé et maniéré, qui faisait rire les participants en s'écriant « Marcello ! Qui a vu Marcello ? », avec un accent italien maladroit et absurde.

Finalement, la nuit avançait, et je n'étais toujours pas arrivé à grand-chose de concret.

Je finissais par me dire qu'après tout, c'était une soirée intéressante et distrayante, et qu'il me resterait au moins des photos précieuses sur mon portable.

Mais pour être honnête, je n'étais pas venu seulement pour ça.

Certains, plus chanceux, avaient décidé de passer à l'étape suivante, et se disposaient à consommer en public.

Pour moi, ce genre de soirée où on poussait la frénésie publique jusqu'au bout était carrément une nouveauté, mais pour tout dire, c'était pour ça que j'étais venu et que j'avais payé, très cher, mon entrée.

Sauf que jusqu'à présent, j'étais surtout réduit au rôle de spectateur.

Presque tout le monde avait retiré une partie de ses vêtements, et pour éviter de trop attirer l'attention, je retirai moi aussi ma chemise, en réfléchissant frénétiquement à ce que je pourrais faire de mon portefeuille si je devais aller plus loin.

Soudain, Sagesse se matérialisa devant moi.

Des yeux bleus, une gueule d'ange, des cheveux blonds lisses.

Et une sorte de bizarre vêtement collant qui laissait apparaître la pointe de ses seins, chacun muni d'un piercing.

Et un air jeune, si jeune.

Je me demandai si je pourrais être poursuivi pour détournement de mineur en cas de contrôle.

Bah, je jouerais la naïveté et la confiance aux organisateurs, comme tout le monde.

Ca ne marche jamais, mais tout le monde le fait.

J'étais sans voix, mais elle avait l'air plutôt décidé.

« Il fait tellement chaud ici !

- Je… vous offre un verre ? (la parade nuptiale a des codes immuables) »

Elle me révéla son pseudo véritable.

Elle considérait visiblement que celui qui était sur mon badge était un emprunt, et s'attendait à ce que je lui dévoile le mien.

Je balbutiai le premier qui me passait par la tête : quintescent.

Visiblement, cela sembla lui plaire.

Rapidement, il ne fut plus question de rafraîchissement, et l'ambiance décidément frénétique aidant, les préliminaires furent vite expédiés.

Je me mis en devoir de mettre mon matériel en batterie, afin d'honorer la jeune personne ainsi qu'elle en manifestait le souhait.

Et les choses se terminèrent avant de commencer.

Je me retrouvai en train d'éponger misérablement les conséquences de ma maladresse sur la robe de la jeune femme.

Celle-ci était folle de rage.

Elle s'empara de mon paquet de Kleenex et tourna les talons.

Je me retins de lui courir après.

Laisse tomber, Ducon, c'est grillé.

Le long de ma cuisse, je sentais une tache humide qui commençait à refroidir.

Merde, je n'avais plus un seul Kleenex.

Je m'essuyai comme je le pouvais avec la chemise qu'un type avait laissé tomber là.

Pas grave.

Tout le monde avait l'air très occupé maintenant.

Il fallait que je sorte.

Quintescent, un autre type dégingandé, hilare, émergeant d'un tas de bras et de jambes me lança « on s'éclate, hein ? » en agrippant mon bras.

Lâche-moi, connard.

L'air frais me fit du bien, mais je sentais encore sur ma cuisse la tache pas encore sèche.

Bien qu'il fît nuit, j'avais l'impression que les passants ne remarquaient que ça.

mercredi 3 janvier 2007

de main de maître

On m'a présenté quintescent au très secret congrès de la très secrète confrérie des tueurs à gages, qui se tenait cette année-là dans un palace de Lausanne.

Selon la tradition de notre confrérie, il portait une tenue sobre discrète, sans être sinistre, et surtout impeccablement repassée et tirée, selon le respect dû aux personnes assassinées.

Ces dernières années, il y a eu bien sûr dans la confrérie quelques nouveaux venus un peu exubérants, amateurs de vêtement et de véhicules voyants et attirant le regard.

Eh bien, je suppose qu'il faut juger les professionnels avant tout en fonction de leurs résultats, mais dans notre professions, la plupart tiennent la discrétion et la modestie pour une manifestation extérieure de bon goût.

Mais il faut bien que jeunesse se passe…

Pour nous, même pour ceux qui avaient déjà un petit peu d'expérience, quintescent était une légende.

Pour vous décrire à quel point il maîtrisait son art, je dirais simplement qu'on nous avait laisser savoir en nous le présentant qu'il venait de terminer un contrat sur la tête de James Brown et Pierre Delanoë, au profit d'une association de moines intégristes ayant fait vœu de silence, et qu'il s'apprêtait à « traiter » l'ancien président iraquien Saddam Hussein, à la demande d'une superpuissance occidentale de premier plan souhaitant rester discrète (en faisant en sorte que cela ait l'air d'un excès de zèle des fonctionnaires locaux).

C'est peut-être un détail pour vous, mais pour nous, ça voulait dire beaucoup.

Dans notre confrérie, la discrétion est plus qu'un principe, c'est un commandement divin, et plus encore pour les contrats restants à exécuter.

Il fallait une assurance hallucinante pour oser annoncer ses opérations à l'avance !

Faites-moi confiance, pour nous, le type du contrat était déjà virtuellement mort.

Un travail au lacet, à l'ancienne, selon la pratique de la tradition ottomane.

En ce qui me concerne, j'aurais considéré comme un honneur d'être exécuté par un tel artiste.

Evidemment, pour lui, ce contrat était presque une routine, loin des réalisations de légende qu'on enseigne dans les écoles d'assassins, et dont nos vieux ne parlent qu'avec respect et dévotion.

La plus mythique de toutes était bien sûr la légendaire liquidation de J.F.Kennedy à la demande de Marylin Monroe, synchronisée avec l'élimination de celle-ci « par accident » à la demande de Madame veuve Kennedy. Et, en supplément gracieusement offert par la maison, la tête du demeuré promu suspect numéro 1 pour sauver la tête du chef des services secrets.

Un chef-d'œuvre absolu.

Pas le travail de quintescent, bien sûr, trop jeune à l'époque, mais de son mentor et ami personnel Inimaginal, perpétuateur d'une tradition ininterrompue depuis la cour des Doges de Venise.

Une œuvre restée sans égal pendant des dizaines d'années, jusqu'à ce que la princesse de Galles rencontre son destin, prénommé quintescent, dans un tunnel routier sous le pont de l'Alma.

Une réalisation magique, cette fois encore, et des commanditaires prestigieux, d'une très grande et très ancienne monarchie de l'ouest de l'Europe (il est, vous le comprendrez, impossible d'en dire davantage).

Selon la tradition en vigueur depuis la renaissance, nos prestations sont payables d'avance. Il s'agit d'une disposition qui permet de protéger le client contre un contrat dont il pourrait lui-même faire l'objet en cas de difficultés de règlement.

Nous considérons notre pratique comme un art, et que si notre art vit d'argent (dans un agréable confort) il ne vit pas pour l'argent.

C'est un métier de traditions, de discipline, de courage et de respect.

Je sais qu'un jour, grâce à l'appui de très grands maîtres comme quintescent, je transmettrai moi aussi le flambeau de la tradition du plus ancien et du plus discret de tous les arts.