Moi, j'ai rencontré quintescent à la claire fontaine.

C'était un été de terrible canicule.
Il n'avait quasiment pas plu de tout le printemps, et on ne faisait même plus attention aux consignes des préfets pour ne pas gaspiller l'eau.

De l'eau, il n'y en avait pas.

Nous étions un groupe de randonneurs passionnés, nous n'avions que quelques jours de vacances, et nous avions décidé de faire ce jour-là un grand tour dans la montagne.

Au petit matin, la chaleur nous avait semblé très supportable, mais au fil des heures et des kilomètres, notre eau et nos forces nous abandonnaient.

Certains d'entre nous commençaient à avoir des malaises.
On les avait placés dans un misérable coin d'ombre que nous avions trouvé sous une pierre, et les plus valides étaient partis en avant pour tenter chercher un peu d'eau.

Mais de l'eau, dans la montagne, il n'y en avait pas.
Nous n'espérions qu'e surtout un grand incendie ne se lève pas brusquement.
Avec le vent brûlant qui soufflait légèrement sans nous rafraîchir, nous aurions été frits comme des saucisses.

Certains d'entre-nous avaient entendu parler de quintescent.
Ils n'étaient pas très sûrs qu'il existe vraiment.
C'était, à ce qu'ils disaient,  une sorte de roi de la montagne, un être sauvage et à demi-magique, maître des vents et des sources.

Nous n'y croyions pas vraiment, mais nous nous dîmes que, perdu pour perdu, nous pouvions nous mettre à la recherche du quintescent pour qu'il nous indique une source.

Nous l'avons appelé longtemps, en vain.
Puis, alors que nous avions renoncé, un bruit joyeux nous fit trouver en même temps quintescent et la source.
C'était en réalité un tout petit filet d'eau, d'un rose intense et d'un aspect huileux.
quintescent finissait de rincer ses pinceaux qui venait de laver au white spirit, en contemplant avec satisfaction la superbe toile qu'il venait de finir.

C'était une oeuvre vraiment magnifique, éclaboussée de couleurs qui rendait avec une intensité et une vie extraordinaire la vie et la force de la montagne.

Nous lui avons demandé un autographe, mais il nous a amicalement expliqué que la signature, pour un peintre, c'est ce qu'il y a de plus recherché, et qu'il ne pouvait pas accéder simplement à notre demande.

Nous avons compris, bien sûr.
J'ai eu un peu honte de lui demander s'il existait une autre source.
Il n'y en avait pas.

Il ne pouvait pas nous emmener dans sa modeste Citroën Méhari, encombrée de toiles et de tubes de peinture, mais nous promit de prévenir de notre présence dès qu'il serait de retour à la civilisation.

Il oublia, bien sûr - les artistes sont distraits - comment lui en vouloir ?
Nous avons été retrouvés le lendemain par un berger, qui a prévenu les gendarmes.
Je n'ai jamais revu quintescent.
Mais c'est le souvenir de l'artiste qui nous a permis de surmonter les deux semaines d'hospitalisation et notre retour au travail et à notre sinistre banalité.