Chapitre 25

Où l'on voit que l'amour, c'est pas de la tarte.

Tu aimes les films de gladiateurs ?.
Jaurès de l'Avenue, in La Protohistoire.


Au temps de Nicolas de Sarcotie, les Europains n'étaient pas tout à fait comme nous.

Leur comportement était fortement influencé par leur sujétion au mode de reproduction naturel, qui était encore largement répandu.

Ce type de reproduction malsain et inconfortable supposait l'appariement de plusieurs individus.

Deux semblait un minimum, mais tout semble indiquer que les opérations de reproduction regroupaient le plus souvent au moins cinq personnes.

Sur ce point encore, l'archéologie expérimentale nous permettra probablement d'en savoir davantage en procédant à des simulations avec des volontaires.

De façon assez surprenante, il semble que l'état et les différentes administrations n'étaient aucunement tenus de mettre en place des dispositifs ou des mesures pour faciliter les appariements - bien que Nicolas de Sarcotie ait tenté de timides réformes dans ce domaine au cours de son troisième mandat - et les individus étaient la plupart du temps livrés à eux-mêmes pour la recherche de partenaires compatibles.

Selon certains historiens, la nécessité de la reproduction serait à l'origine du concept de 'covoiturage', une étonnante pratique consistant à regrouper une unité reproductive complète au sein d'un même véhicule.

Il va sans dire que les déplacements ne s'en trouvaient pas facilités.

On comprend que la reproduction était en ce temps-là vécue comme un véritable supplice, et on ne peut que s'émerveiller de la persévérance et de l'abnégation des Europains de ce temps, qui réussirent à éviter une extinction qui semblait inéluctable.

La négociation préalable à la procréation ne s'arrêtait pas à la mise en présence des participant.

On procédait souvent à une parade nuptiale tarabiscotée, dont nous commençons seulement à découvrir la complexité et les modalités.

Elle imposait notamment de boire un verre.

La soif n'était pas nécessaire.

La nature du breuvage utilisé semble assez variable, mais consistait probablement en un cocktail d'hormones destiné à préparer les participants aux difficiles manoeuvres d'appariement (on disait aussi copulation, terme que les étymologistes considèrent comme une contraction de l'expression 'coucou, la population', par référence aux préoccupations démographiques des personnes).

S'ensuivait une chorégraphie protocolaire compliquée, dont le détail précis nous est perdu, mais dont le but était d'assurer un transfert de masses verticales vers une position horizontale, selon un mouvement rotatif contrôlé, cette position horizontale semblant plus favorable au processus (pour des raisons de remplissage évidentes).

Pour plus de détail, le lecteur est invité à se reporter à l'observation des mouches, qui pratiquent ce mode de reproduction encore de nos jours, moyennant une transposition à l'espèce humaine.

Il semble que la reproduction par les voies naturelles était peu ou prou une obligation sociale, à laquelle chaque citoyen était astreint, quelque que soit son sexe et son origine sociale.

Certaines catégories particulièrement méritantes et distinguées de la population étaient dispensées de cette obligation, comme les prêtres, les détenus, les enfants, les anciens combattants.

Par voie de conséquence, la population ne comportait jamais de prêtres jeunes, détenus jeunes, d'enfants jeunes ou d'anciens combattants jeunes, ces fonctions étant nécessairement occupées par d'anciens jeunes repentis.

Parade nuptiale typique au temps de Nicolas de Sarcotie.