Quintescenteries

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jeudi 30 novembre 2006

La recherche

Autour de la porte, les laborateurs technologiens s'affairaient, sous les ordres d'une Lili impatiente.
Ils achevaient de mettre en batterie un grand révélateur, une version agrandie et perfectionnée du révélateur philosophal portatif dont Lili ne se séparait jamais.

L'installation dura encore de longues minutes.
Lili marchait de long en large, enjambant les câbles.
Elle avait proposé à la reine d'effectuer un sondage philosophal de la porte pour essayer de repérer la présence des guerrières disparues.

Utilisés d'une manière appropriée, les révélateurs permettaient d'observer au-delà d'un mur ou d'une cloison légère.
Cette observation n'avait jamais été tentée sur la porte, mais c'était l'occasion d'essayer.
La reine avait accepté la proposition avec empressement.
Sur ce grand modèle, le cadran cerclé de cuivre n'était pas intégré à l'appareil, mais était inséré sur une console, légèrement à l'écart.

Il émettait une lumière jaunâtre, qui éclairait le visage du laborateur.
Des observations aussi précises ne pouvaient être effectuées que par des laborateurs spécialisés, et Lili ne pouvait les effectuer elle-même.

Elle devait réfréner son envie de harceler les laborateurs pour les inciter à se dépêcher.
Elle savait qu'ils donnaient le maximum.
Inutile de les gêner en leur communiquant son impatience.
Autour de la scène, maintenue à distance par un cordon de soldats, une foule de curieux mêlant princes étrangers et serviteurs se pressait.

Au premier rang, de cette assistance, Ar Valafenn rongeait son frein.
Depuis l'annonce de la disparition, il ne décolérait pas.
Il accompagnait Maevina et ClandestinaRBemba depuis leur arrivée, partageant leur ennui, et voilà qu'il avait suffi qu'il s'éloigne un instant pour qu'elles disparaissent dans une aventure.

Entre ses dents, il maudissait en armoricien et dans toutes les variantes du saxangloyen l'urgence impérieuse qui lui avait suggéré un moment de retraite et d'isolement.

Mais pour le moment, il n'avait rien d'autre à faire qu'à attendre, en serrant le poing sur le pommeau de son épée.
Dans son agitation, il pourvoyait avec libéralité ses voisins en coups de coude et en ruades.
Mais ceux-ci, ayant remarqué les insignes de son rang s'efforçaient de l'ignorer.
Il finit tout de même par piétiner sans beaucoup d'égards les pieds de sa voisine.
Miladee, qui avait profité de la cohue pour se glisser au premier rang et reprendre sa pêche aux informations n'osa pas protester.

Elle se contenta de mettre un peu d'espace entre ses membres meurtris et l'énergumène en jupe.
Elle n'osait pas sortir son calepin pour prendre des notes, mais ne perdait pas une miette des événements observant tout autant les spectateurs que le spectacle.

Assurément, aucun journaliste de la cité ne pourrait prétendre avoir une meilleure source sur ce qui se passait ce soir-là.

Son article promettait de rester légendaire.

Enfin, le laborateur devant le cadran annonça que la machine était prête, et que l'observation commençait.
La foule s'était tue, mais ne parvenait pas à saisir la conversation échangée à voix basse entre Lili et l'opérateur.
Finalement, le ton de la conversation monta un peu, et les curieux les plus proches parvinrent à en saisir quelques bribes.

"Une cavité, la belle affaire, s'impatientait Lili, mais de quelles dimensions ? Voyez-vous quelqu'un ou quelque chose d'autre ?

- Une grande salle, c'est tout. Les limites sont hors de la portée de l'observation. Et il y a une torche éteinte près de la porte.

- Elles n'ont donc pas pensé à rester près de l'ouverture! s'agaça Lili.
- Elles sont probablement parties trouver un autre passage. Ou alors..."
Les deux technologiens n'eurent pas besoin d'en dire davantage.
La foule qui s'était tenue calme jusque là se remit à discuter avec animation, disant son inquiétude et sa résignation.
Mais bientôt, des cris s'élevèrent, réclamant le silence, et la rumeur s'apaisa.
Lili poursuivait:
"Eh bien, si l'observation de la salle ne nous révèle rien, examinons la porte. Voyez-vous quelque chose de son mécanisme ?"

Le laborateur s'affaira un instant, modifiant des réglages.
"Il n'y a pas de mécanisme, Madame. Seulement un bardage de fer, comme de ce côté, mais à peu près arraché par la créature qui voulait passer.

- Alors, s'exclama Lili, préoccupée, c'est que le verrou de cette porte doit être de nature magique".
Elle n'en dit pas plus, mais dans l'assistance, chacun compris que l'art des technologiens serait impuissant à ouvrir cette porte-là.

mardi 28 novembre 2006

Le rassemblement

Lorsque l'appel retentit, Maevina et ClandestinaRBemba devisaient tranquillement dans un des jardins du palais.

L'après-midi n'en finissait pas, et le véritable spectacle - quand on n'était pas concerné par les préparatifs de la réception du soir - c'étaient les suites des princes convoqués qui continuaient d'arriver sans discontinuer.

Puis, il y eut cette sorte de trompe.

La sonnerie en elle-même était assez banale, et elle n'y eussent guère prêté attention sans la soudaine folie apparente qui s'empara soudain du personnel du palais.

Alors que les visiteurs étrangers se regardaient, interdits, les serviteurs et les soldats s'étaient mis à courir dans tous les sens, avec détermination, vers un but qui semblait leur avoir été assigné à l'avance.

Les deux jeunes femmes échangèrent un regard amusé en voyant passer un sergent rougeaud et transpirant qui essayait maladroitement de reboutonner ses chausses tout en courant.

"Eh bien, en voici un qui a été interrompu au plus mauvais moment ! remarqua ClandestinaRBemba.

- En effet, répondit Maevina, réjouie. On dirait qu'une bonne occasion a été perdue !"

ClandestinaRBemba attrapa au passage le bras d'un adolescent en livrée de page.

"Ou courrez-vous donc tous de la sorte, mon ami ? demanda-t-elle, un peu ironiquement.

- C'est l'alerte, Madame."

- L'alerte ?

Comme ClandestinaRBemba n'avait pas l'air de comprendre, il précisa:

- L'alerte de la porte. Tout le monde doit courir à son poste."

Sans laisser à la jeune femme le temps de le questionner davantage, il libéra son bras, et disparut.

En quelques minutes, l'ensemble de la place se vida de tous les gens du palais, laissant les invités et leur serviteurs ébahis et muets.

ClandestinaRBemba fut la première à se ressaisir.

"Il faut que j'en aie le cœur net, affirma-t-elle. Je veux savoir ce qui se passe".

Entraînant Maevina à sa suite, elle suivit un traînard empêtré dans ses armes.

Les soldat, apparemment, convergeaient vers un endroit mystérieux, au cœur du palais.

Toujours suivant le soldat maladroit, les jeunes femmes débouchèrent dans une vaste salle.

Sans l'avoir jamais vue auparavant, elles reconnurent immédiatement la célèbre salle de la porte, dont parlaient les légendes.

Elles étaient interloquées: On en parlait si souvent sans jamais la voir, dans des récits contradictoires, que comme tout le monde, elles avaient fini par douter de son existence.

En fait de porte, les soldats étaient rassemblés autour d'un puits fermé, armé d'un bardage de fer.

Les doigts crispés sur leurs épées, bien en apparence rien ne soit en train de se passer, ils n'en menaient pas large.

Un pas devant les hommes, Maevina reconnut les gardiennes, Tarmine et Luitne, en costume de cérémonie, munies des bijoux rituels et du grand bâton magique.

Maevina et ClandestinaRBemba s'approchèrent.

Les soldats ne se firent pas prier pour les laisser passer en avant.

Il y eut soudain un bruit étrange.

Pas très puissant, comme étouffé, mais horripilant, comme un ongle qui crisse sur un tableau.

La porte sembla se gonfler comme sous une énorme pression, puis la porte se souleva carrément, déformant les brides de fer.

Surmontant leur angoisse, les doigts crispés sur leur bâton, les gardiennes, qui avaient déjà vécu un événement semblable entreprirent les incantations prévues par les rites.

Une main ou une patte, griffue, noire, hideuse, se glissa par l'entrebâillement, essayant d'agrandir l'ouverture et d'agripper ce qui se trouvait à portée.

Les soldats reculèrent d'un pas, mais résistèrent à la tentation de prendre leurs jambes à leur cou.

ClandestinaRBemba dégaina son épée, Maevina sur ses talons.

Elle porta à coup à la patte noire, dont se mit aussitôt à couler un sang noir et fétide.

Un hurlement sinistre s'éleva, et la patte disparut.

La porte resta entrebâillée, mais plus rien ne semblait vouloir en sortir pour le moment.

Maevina approcha une torche du puis, essaya de scruter l'intérieur.

Elle jeta la torche à l'intérieur, qui grésilla un moment, avant de disparaître.

Maevina échangea un regard avec ClandestinaRBemba.

"Mon épée a encore soif, répondit celle-ci à la question muette.

- Allons-y, alors. Enfin un peu d'action", conclut Maevina.

Elle s'engagea dans l'ouverture, aussitôt suivie par sa compagne.

Les gardiennes se regardèrent, indécises.

Mais elles étaient encore habitées par la culpabilité de leur aventure précédente.

Elles finirent par se décider, et suivirent à leur tour.

Elles n'eurent pas plus tôt franchi la porte que celle-ci se referma, dans un craquement énorme.

lundi 27 novembre 2006

Le rire du sergent

Miladee essayait d'avoir l'air naturel.

Ne pas dévisager les gens.

Ne pas avoir le regard fuyant.

Le plus simple, c'était d'avoir l'air occupé, en faisant mine de transporter un objet quelconque, en rapport avec le déguisement de servante qu'elle avait adopté.

Heureusement, tout le monde avait l'air très occupé et un peu perdu, et le palais grouillait de serviteurs accompagnant les princes étrangers, et une étrangère de plus n'attirait guère l'attention.

Son Pass Multizone à empreinte philosophale était en évidence à son cou.

Jusque là, il lui avait permis de passer tous les contrôles sans encombre.

Mais ce n'était pas son empreinte qui était sur le Pass.

Son grand cousin Humphrey lui avait prêté le sien, assez à contrecœur.

En réalité, le cousin Humphrey risquait de gros ennuis si elle se faisait prendre, (pour ne pas parler de ceux qu'elle encourait elle-même).

La sanction habituelle pour ce genre de délit était une sévère bastonnade, un essorillement éventuel (pour ceux qui avaient encore leurs oreilles), et, évidemment, un bannissement définitif du service du château.

Cette dernière sanction était certainement la plus dissuasive, car un service au palais, malgré sa dureté et l'exigence des contremaîtres, fournissait l'assurance d'un salaire raisonnable et régulier.

Et les temps étaient durs pour le peuple.

Mais, le cousin Humphrey ne pouvait rien refuser à Miladee, depuis une sale affaire assez ancienne, une histoire de fille, bien sûr, Humphrey ne tenait pas du tout à voir ébruiter.

A aucun prix.

Elle le tenait, et savait en tirer partie quand c'était nécessaire.

Justement, c'était nécessaire.

Elle sentait que ce qui était en train de se passer au palais était une affaire énorme, suffisante pour faire réellement démarrer sa carrière de journaliste.

Et que cela justifiait la prise de quelques risques.

Elle avait besoin de s'approcher des lieux intéressants.

Pas forcément les salles de conseil, forcément trop bien gardées, mais des foyers d'officiers, par exemple, là où on serait un peu informé et où la méfiance serait un peu relâchée.

Miladee avait confiance en son talent de souris fureteuse.

Elle prit au hasard un couloir désert (elle avait du mal à croire qu'il puisse encore en rester dans la ruche bourdonnante qu'était devenu le château).

Elle parvint assez vite à se perdre, mais ne s'en souciait pas trop, car elle laissait au bas des murs des traces imperceptibles de son passage, à l'aide d'un morceau de fusain, qui lui permettraient de retrouver son chemin.

Elle entendit soudain des hommes marchant derrière elle et pressa le pas.

Au détour d'un couloir, elle se trouva nez-à-nez avec un sergent, à l'air peu commode.

Impossible de faire demi-tour.

Miladee sentait ses genoux se dérober sous elle.

Heureusement le sergent prit l'initiative de la conversation:

"Mais nom de Dieu, qu'est-ce tu fous ici, toi ? s'exclama-t-il.

Comme Miladee ne trouvait quoi répondre, il poursuivit:

"Nom de Dieu, tu n'as rien à foutre ici. Qui est ton seigneur ? Tu comprends notre langue ?

- Oui, monsieur, je...

- A la bonne heure ! Montre-moi donc ce Pass".

Et joignant le geste à la parole, il tira sans ménagements sur le cordon qui entourait le cou de Miladee.

Il glissa le triangle de caraméline dans le lecteur philosophal qu'il avait empoigné.

Ses sourcils se soulevèrent d'un pouce, ouvrit la bouche, la referma, et réfléchit un instant.

Miladee s'attendait à voir sa supercherie démasquée, et sa dernière heure arriver, mais contre toute attente, l'homme sembla se radoucir.

Il lui rendit son Pass avec une sollicitude inattendue.

"Eh bien, jeune fille, vous ne devriez pas circuler dans cette partie du palais. Venez avec moi, je vais vous reconduire".

Miladee, hésitait, mais elle n'avait pas vraiment le choix, et le sergent l'avait empoignée fermement par le bras.

Il l'entraîna à travers des couloirs inconnus.

Cette fois, Miladee était complètement désorientée.

Elle ne savait depuis combien de temps elle marchait ainsi, mi-tirée, mi-portée.

Finalement, le sergent s'arrêta dans un couloir désert.

"Voilà, ici, nous serons bien tranquilles. Tu seras bien sage, n'est-ce pas ?"

Sans attendre les dénégations de Miladee, le sergent entreprit de trousser son jupon de servante.

L'occasion était trop belle: une fille plutôt bien faite, en situation irrégulière, elle ne viendrait jamais se plaindre...

Miladee, de son côté, tint à élever une protestation solennelle, mais, conscient des enjeux de la situation, le sergent se disposa à n'en tenir aucun compte.

Miladee, hurlant en vain de rage et de désespoir, essayait de repousser l'homme, suant, rougeaud, excité par la marche.

"C'est ça, gueule, ma belle, ricanait-il. Ici, il n'y a que des collègues à moi. Ils vont venir nous filer un coup de main"

Soudain, une sorte d'appel retentit, comme une sonnerie.

Miladee, qui avait la tête ailleurs, l'entendit à peine.

Le sergent, lui, avait l'air pétrifié.

Il jeta un bref coup d'œil, hébété, à la jeune fille, puis se volatilisa en courant, répondant à l'appel.

Miladee, stupéfaite, se demandait si elle devait pleurer ou rire.

Elle avait mal partout.

Ses jambes ne la portaient plus.

Elle réussit à faire un pas, puis un autre, et se mit à courir de toutes ses forces, sans but, à l'opposé du couloir où le sergent avait disparu.

mercredi 15 novembre 2006

Le rigolarium

Cette fois, la reine était furieuse.

Elle leur avait passé un sérieux savon.

Pourtant, les gardiennes avaient le sentiment de ne pas être pour grand chose dans ce qui était arrivé.

Quelqu'un - ou quelque chose - avait soulevé, ou plutôt entrebâillé la plaque de pierre monumentale qui fermait l'entrée de la Porte, et était reparti sans réussir à l'ouvrir, abandonnant une de ses griffes monstrueuses dans sa tentative.

Bien sûr, en tant que gardiennes, leur rôle officiel était d'interdire tout passage de la porte par quelque créature que ce soit, au péril de leur vie si c'était nécessaire, mais depuis des millénaires, nul n'avait jamais entendu dire que quiconque eût jamais essayé de la franchir.

Le titre de gardiennes était généralement considéré comme honorifique, et en des temps anciens, la charge avait même été mise aux enchères, pour renflouer quelque peu les finances de quelque roi trop dépensier.

Depuis, un peu de morale avait été remis dans l'attribution des charges, mais personne ne considérait que le rôle de gardienne pût consister en autre chose qu'en des rôles protocolaires lors de cérémonies.

Pour que la reine, dont la magnanimité était légendaire, se montre aussi injuste envers ses fidèles servantes, il fallait que son inquiétude soit considérable.

L'incident de la griffe lui avait fait prendre conscience que les temps annoncés par les prophéties était venu.

Finalement, après toutes les générations de reines et de rois qui s'étaient succédé depuis des millénaires, c'était sous son règne que devaient survenir les événements improbables et terribles auxquels les souverains du royaume se préparaient sans plus guère y croire.

Cependant, comme la plupart des sujets, l'angoisse qui avait saisi la reine n'avait pas encore atteint au fond le cœur des gardiennes.

Elles avaient le sentiment d'avoir été injustement tancées, par caprice et par abus de pouvoir.

Mais c'était la reine, et sa parole ne souffrait pas de discussion.

Elles attendirent d'être hors de portée de vue - et surtout d'oreilles importunes pour échanger des commentaires à propos du traitement qui leur avait été fait, sur un ton qui aurait pu leur valoir quelque temps de cachot pour motif de lèse-majesté.

En réalité, en partie par conviction et en partie par le conditionnement de leur éducation, elles étaient fidèles à la reine et sincèrement attachées aux souverains du royaume.

Mais en cet instant, elles avaient besoin d'évacuer un excès de rage et de rancœur trop longtemps contenues.

Selon une tradition dont la mémoire avait été oubliée, et qui remontait certainement aux temps les plus anciens du royaume, plusieurs salles spéciales avaient été aménagées au sein du palais.

Ces salles étaient appelées "rigolaria" (les plus modernes disaient "lolroom", bien que ce vocable soit déconseillé).

Certaines étaient réservées au souverain et aux membres de la famille royale.

D'autres étaient accessibles à la cour et à la noblesse, en fonction de son rang.

D'autres enfin étaient mises à disposition des employés du palais et des serviteurs des nobles visiteurs.

Le défunt roi Bouig IV, "le bâtisseur", grand-père de la reine, qui avait rénové et agrandi le palais, avait même tenu à ce qu'un rigolarium soit construit au bénéfice des pauvres du royaume, pour lesquels on célébrait une fête officielle à l'équinoxe de printemps (on prenait toujours la précaution d'en conserver toujours un nombre suffisant pour cet usage).

Les gardiennes se réfugièrent ainsi au rigolarium réservé aux titulaires de hautes charges du palais - Dans le protocole du royaume, les titres de gardiennes venaient en quatrième rang, après celui de Vizir Suprême et celui de Dame Pipienne Royale.

Aussitôt qu'elles eurent refermé ma porte derrière elles, les jeunes femmes éclatèrent de rire, parce que c'était l'usage, mais surtout parce que la pièce était conçue pour provoquer l'hilarité et la bonne humeur.

La culture et l'éducation faisaient le reste.

Pleurant de gaieté dans les bras l'une de l'autre, les deux femmes se remémorèrent joyeusement leur déconvenue de l'instant d'avant.

"Décidément, la reine était furieuse, hoqueta, luitne, hilare. Je ne l'ai jamais vue aussi agressive.
- Assurément, répliqua tarmine, qui s'étouffait presque, qu'est-ce qu'elle nous a mis ! On ne m'a jamais parlé comme ça !"

La réplique, quoi qu'anodine, et à vrai dire assez négative, provoqua un nouveau sursaut d'hilarité chez luitne, qui, incapable de trouver son souffle pour répondre immédiatement s'écroula sur le plancher - qui était judicieusement recouvert d'épais tapis - et continua de rire en se tenant les côtes, aussitôt imitée par sa compagne.

Les deux jeunes femmes restèrent ainsi un moment, hurlant de rire en se racontant leurs malheurs réciproques, jusqu'à ce que les gardes en faction devant la pièce viennent les chercher, selon la consigne, les oreilles soigneusement bouchées avec de la mie de pain.

Par mesure de sécurité, à la suite de nombreux accidents, la loi interdisait de séjourner plus d'un quart d'heure dans un rigolarium.