Quintescenteries

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mercredi 14 mars 2007

En attendant la mission

Il est dit que la reine envoya ses armées à la garde des portes. Et que les portes étaient dispersées dans tout le royaume. Et que le souvenir en était oublié des hommes.Et que de seules les bibliothèques royales conservaient la trace de leur emplacement.


L'annonce de la reine avait atterré les invités.

Malgré les tables croulant sous les victuailles, et malgré le talent et la virtuosité des cuisiniers de la cour, le dîner, auquel on faisait honneur par déférence envers la reine ne suscitait plus guère d'enthousiasme, à l'exception d'Ar Valafenn, dont la gourmandise était aussi légendaire qu'imperturbable.

Son appétit réjouissant était le seul spectacle qui parvenait à arracher un sourire indulgent aux plus inquiets.

La reine avait interrompu son discours pour inviter les convives à partager sa table.

Selon l'usage en vigueur à la cour, qui résultaient de prescriptions religieuses très anciennes, les cérémonies protocolaires se poursuivaient pendant le repas.

La reine se préparait à distribuer les missions aux chefs de ses armées, réunis de toutes les provinces.

Ph&-no chipottait ce qu'on lui avait servi, qu'elle adorait d'habitude.

Mais cette fois, elle avait conscience que l'heure de grandes oeuvres était arrivée, et elle pensait à sa pauvre "Danse des Sept Voiles" blessée au port.

Voilà que l'opportunité de sa vie s'apprêtait à lui être proposée, et elle se retrouvait hors d'état d'en assumer la responsabilité.

Elle en aurait pleuré.

La Danse des sept voiles était assez modeste, en comparaison de beaucoup de navires de guerre de la flotte, mais son ancienneté et son expérience la vouait à un commandement majeur, qu'elle briguait depuis l'obtention de son brevet de la marine royale.

Et jusqu'à ce dernier voyage, ses états de service n'étaient qu'une suite ininterrompue d'éloges de la part de ses supérieurs.

Elle se savait promise à la plus brillante des carrières.

Elle attendait l'appel de son nom dans une certaine inquiétude, anticipant l'instant d'humiliation où elle serait obligée de décliner la demande de la souveraine.

Cependant, un détail l'étonnait: Les princes rassemblés étaient si nombreux qu'il était impossible de les faire défiler tous devant la reine pour leur attribuer à chacun une mission, comme il était d'usage au début d'une campagne.

Elle comprit qu'au lieu de cela, on convoquait devant la reine les princes de plus haut rang protocolaire, en leur donnant la charge d'attribuer à chacun la responsabilité et l'organisation de la défense d'une des portes, en attribuant à leur discrétion des fonctions à leurs vassaux.

Ph&-no ne savait pas que la reine avait été très réticente à cette solution, qui était certes scrupuleusement respectueuse de l'inamovible étiquette protocolaire, mais dont elle savait qu'elle était une cause d'irrémédiable enlisement bureaucratique, les attributions de responsabilités se faisant davantage au gré d'intérêts politiques et d'alliances qu'en fonction de critères stratégiques et tactiques.

Elle avait donc consenti à procéder ainsi que le protocole l'exigeait, et que les ministres le conseillaient, mais d'envoyer en mission secrète quelques personnes de confiance, auxquelles elle confierait la véritable mission de protéger le royaume des attaques des forces démoniaques.

Ainsi, le banquet était destiné d'une part à éveiller la vigilance de tous les sujets, et d'autre part à satisfaire l'orgueil et la vanité de la cour.

Ignorante de ce calcul, où elle tenait une certaine place, Ph&-no se morfondait en voyant s'éloigner l'opportunité d'aventures et de gloires auxquelles elle aspirait.

mardi 13 mars 2007

Les démons

Il est dit qu'en ces temps, quatre grandes guerrières furent prises capturées dans les mondes souterrains. Et que malgré tous leurs efforts, nul ne pouvait leur porter assistance. Il est dit que la reine fit venir à sa cour des armées entières, et de nombreux magiciens. Mais aucun ne sut ouvrir la porte des mondes. Il est dit que l'aide leur vint d'un démon mineur, qu'elles capturèrent en ces lieux, et dont elles firent leur esclave. Et lorsque qu'elles ramenèrent le démon avec elles de leur aventure, les grands prêtres furent fort courroucés, car chacun savait qu'on ne peut apprivoiser les démons.


Les démons sont relativement immortels.

Du moins si on les considère d'un point de vue humain.

En tous les cas, la durée de leur existence est considérable, bien que difficile à connaître avec précision, car ils ne tiennent pas de compte précis de leurs années, dans leur monde sans soleil.

On ne sait s'il y a un terme naturel à leur existence, car la plupart finissent par être éliminés au delà d'un certain âge par l'un ou l'autre des douze archi-démons, qui prend ombrage de l'accroissement de leur pouvoir.

A leur sortie de l'œuf, leur taille et leurs pouvoirs sont modestes.

Comme les crabes, ils grossissent toute leur vie, et les plus gros sont les plus anciens et les plus puissants.

Au début de leur existence, leur taille est celle de gnomes, mais au fil des siècles, seuls les gnomes véritables conservent cette taille.

Les gnomes sont d'ailleurs les démons mineurs les plus nombreux.

Les gnomes, comme les autres espèces de démons acquièrent naturellement des pouvoirs en vieillissant.

On ne peut véritablement parler d'âge adulte pour les démons, car ils se reproduisent par magie, et naissent d'œufs directement issus de la terre.

Cependant, il semble qu'ils ne soient réellement capables de procréer qu'après plusieurs siècles de vie (à moins que la préoccupation de leur propre multiplication ne leur vienne qu'après avoir atteint un certain niveau de pouvoir).

Le pouvoir des démons jeunes est limité, inférieur, dans la plupart des cas à celui que peut acquérir un magicien humain moyen au bout d'une vie d'étude.

De plus, à des titres divers selon les espèces, ils sont affectés d'un doute pathologique quand à leur propres capacités, ce qui rend bien souvent leurs pouvoirs inopérants.

Les démons n'ont pas véritablement de structure sociale.

Le seul fait absolument certain, c'est qu'ils obéissent avec terreur aux douze archi-démons primordiaux, dont ils n'osent prononcer le nom.

Les rapports entre les démons sont régis par une sorte de loi du plus fort.

Lorsque la différence de taille entre deux adversaires ne suffit pas à démontrer lequel est le plus fort, ils choisissent généralement de s'entretuer.

Le survivant, s'il en reste un, est présumé avoir raison.

Le nom du démoneau capturé et soumis par maevina et ses compagne ne saurait être prononcé par une gorge humaine.

Selon la convention magique internationale, qui est généralement admise pour transcrire le langage démoniaque, son nom s'écrit WxffrWvll, ce qui signifie littéralement "Ce qui qu'on laisse après", mais dont le sens plus précis est "infecte petite crotte".

Les noms des démons sont attribués par les archi-démons, qui font généralement preuve d'une cruelle ironie.

En raison de leurs pouvoirs magiques, aussi modeste soient-ils souvent, les démons possèdent un avantage considérable sur les humains, et les créatures qui leur sont apparentées.

Dans le monde sous le soleil, seuls les elfes et quelques magiciens humains érudits peuvent rivaliser avec leur pouvoir.

Mais comme tous les êtres de la première création, elfes, trolls et autres fées, la faiblesse des démons réside dans la formidable longueur de leur cycle vital.

Lorsque leur population est décimée après une catastrophe ou une guerre, il faut des siècles pour la reconstituer.

On dit qu'un démon tué ne se remplace jamais.

C'est pourquoi le monde des sept royaumes vivait désormais dans l'oubli des démons, et vaquait à ses propres guerres entre humains.


Les quatre femmes marchaient dans la pénombre, précédées par un démoneau geignard.

L'épée nue de maevina, et les pouvoirs de Luitne et Tarmine suffisait à maintenir en respect WxffrWvll, trop terrifié pour mesurer sa propre force, et qui conduisait les quatre femmes vers une destination connue de lui seul et oubliée de ses maîtres.