*Bonjour, je me suis assuré la complaisance de journalistes pour dissimuler jusqu'au dernier moment que je me suis séparée de mon conjoint, afin de ne pas influencer le vote des électeurs qui auraient pu changer d'opinion en connaissant la vérité. Et maintenant que mon astucieuse discrétion a assuré le redressement triomphal du parti, utilisons cette séparation pour conforter ma candidature au poste de secrétaire générale*.

Dans n'importe quel autre pays démocratique, le mensonge par omission est un mensonge, et il serait impensable qu'une personne investie de mandats publics s'y livre publiquement, puis ose se présenter à nouveau devant les électeurs.

Et si elle le faisait, elle se ferait humilier à coup sûr par les électeurs, qui sont ceux dont le pouvoir émane (c'est la *démocratie*, n'est-ce pas ?).

La logique étant que celui qui est prêt à mentir pour accéder au pouvoir est également prêt à mentir pour abuser de son pouvoir.

Les électeurs sont hautement conscients du pouvoir qu'ils délèguent aux élus et veillent jalousement à ce qu'aucun abus ne soit commis.

La transparence du pouvoir est un des éléments qui permettent de substituer le principe de gouvernance au principe de gouvernement.

Comment celui qui est prêt à mentir sur sa vie privée serait-il supposé être complètement sincère sur le reste de sa politique ?

Ailleurs, il n'y a pas de mensonge légitime.

Il n'y a que le mensonge, et il est inacceptable.

Si on ne se sent pas tenu de dire la vérité, comment pourrait-on se considérer engagé par ses promesses électorales ?

Mais pas en France.

L'exemple le plus énorme de notre histoire récente est celle de François Mitterrand, et de ses mesures incroyables et illégales pour préserver le secret sur l'existence de sa fille naturelle (écoutes illégales, service de gendarmerie spécialement consacré à ce problème, le tout soigneusement drapé du secret-défense - pardi, les enfants naturels relèvent de la sûreté nationale).

Mesures d'autant plus débiles qu'en France gauloise, ce genre de *secret* était plutôt de nature à lui attirer des sympathies que des inimitiés.

C'est qu'en France, ce genre de problème relève de la *vie privée* - même si on n'a jamais manqué de l'étaler et de s'en servir quand cela pouvait être utile.

Et que l'électeur ingénu admet sans problème qu'il est légitime de protéger à tous prix cette vie privée à géométrie variable, fût-ce au moyen de malhonnêtetés.

Surtout contre ces voyous de journalistes baveux qui mettent leur nez partout, même quand on a cessé de les convoquer après la fin de ses photos de plage en famille (rappelons juste que cette ex-ministre convoquait la presse à la materité après son accouchement. On ne craignait guère la publicité, à cette époque).

Lesquels journalistes se sentent tellement mis en examen par l'opinion qu'ils s'asseoient volontiers sur leur déontologie pour retenir l'information qui pourrait nuire à l'accès illégitime au pouvoir (incroyable collusion entre le *quatrième* et le *premier* pouvoir, qu'on appelle autocensure).

Et pourquoi pas ?

Puisque ce peuple souverain consent avec enthousiasme à l'entente entre les pouvoirs qui abusent de lui, peut-on encore parler de viol, malgré la violence ?

Et l'autre bord est encore pire, qui y ajoute ouvertement l'abus de pouvoir, en virant sans aucun détour les patrons de journaux qui osent publier des informations qui n'ont pas été soigneusement filtrées et sélectionnées par les services de communication.

Il y a ainsi, au ministère de l'intérieur, plusieurs réconciliations par an, mais jamais de séparation.

1 + 1 = 1 : C'est l'algèbre de Boole.

Cela ne choque guère l'électeur, qui leur confie volontiers la totalité de ses pouvoirs.

Et le cul de la crémière.