Quintescenteries

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dimanche 31 juillet 2011

La venue

Ils viendront me chercher.

Un jour.

Maintenant, je n’ai plus de doute.

J’ai longtemps cru que pour vivre ensemble, il suffisait de vivre, quoi.

Tranquillement, sans emmerder personne.

De faire comme les autres.

De mettre ses pas dans les leurs.

De rendre plus de services que l’on nous en demande.

De se rendre un tout petit peu indispensable.

Mais ça ne leur suffit pas.

Ils n’aiment pas ce que je suis.

Et je comprends que si je changeais tout ce qu’ils peuvent me reprocher, même ce qui ne se change pas, ça ne leur suffirait pas. Ils trouveraient aisément autre chose.

Alors voilà, ils ne m’aiment pas.

Je ne suis pas le seul.

Il y en a eu beaucoup avant moi.

Ca s’est toujours fini de la même façon.

Un jour l’un d’entre eux, plus énervé, plus éméché, plus aigri que les autres devient plus véhément.

Ils lèvent leur désœuvrement de leur siège usé.

Et ils viennent vous chercher.

Avant, je me disais, qu’ils y viennent.

Tu as vu comment je suis bâti, je ne suis pas un gringalet.

Je me disais que je mettrais quelques gifles, que je casserais quelques gueules, quelques têtes, et que ça suffirait à disperser les autres.

Mais ce serait trop simple.

Une foule.

On ne résiste pas à une foule.

Elle vous prend, elle vous met en pièces.

Une foule imbécile.

Pas même un cerveau pour cent.

Des poings, des pierres, des injures, de la bave.

Et après plus rien.

Personne n’aura rien vu.

Je le sais, maintenant.

J’en ai vu tant d’autres comme moi.

Ils viendront, tôt ou tard.

Je ne les attends pas, mais je me tiens prêt.

Tout le temps.

samedi 30 juillet 2011

Comment c'est arrivé

Et c’est ainsi, qu’à force de parler sans répit, il arriva un jour que je me trouvai à court de chose intelligente à dire.

Et comme une biologie exigeante m’imposait de ne pas cesser de parler, je m’aperçus avec une certaine inquiétude que j’étais contraint de parler de choses sottes.

Très bien. Pas de problème. Nécessité fait loi. Disons des sottises.

C’était nouveau pour moi, et je ne savais pas trop comment m’y prendre.

Je constatai avec étonnement que la sottise me demandait au moins autant d’efforts et de concentration que les choses intelligentes.

J’en étais stupéfait, et j’en conçu un tout nouveau respect pour toutes les méduses pleines d’eau que je voyais quotidiennement produire sans effort des sottises.

Allons, me disais-je, tu es aussi bête qu’un autre, il te suffit de ne pas penser, c’est essentiellement une question de volonté.

Mais la volonté me fuyait, je me sentais diminué. Inférieur. Minable.

Je ne pouvais pas le croire.

Je regardais avec rancoeur et jalousie passer des connes sans cervelle, que je couvrais autrefois d”un sourire condescendant.

Mais, bon sang, des conneries, j’en sais. J’en fais. J’en ai fait autrefois. Tout le monde en fait. Ca va forcément me revenir.

Mais ça ve venait pas.

J’allumais la télé.

Il y avait des conneries sur toutes les chaînes.

C’était facile.

Pour commencer, je n’avais qu’à me souvenir de ce qu’ils étaient en train de dire.

Mais rien. Le noir. J’étais bloqué.

Plus j’essayais, plus j’étais désespéré, plus l’angoisse montait, et plus les réflexions logiques se présentaient.