Et c’est ainsi, qu’à force de parler sans répit, il arriva un jour que je me trouvai à court de chose intelligente à dire.

Et comme une biologie exigeante m’imposait de ne pas cesser de parler, je m’aperçus avec une certaine inquiétude que j’étais contraint de parler de choses sottes.

Très bien. Pas de problème. Nécessité fait loi. Disons des sottises.

C’était nouveau pour moi, et je ne savais pas trop comment m’y prendre.

Je constatai avec étonnement que la sottise me demandait au moins autant d’efforts et de concentration que les choses intelligentes.

J’en étais stupéfait, et j’en conçu un tout nouveau respect pour toutes les méduses pleines d’eau que je voyais quotidiennement produire sans effort des sottises.

Allons, me disais-je, tu es aussi bête qu’un autre, il te suffit de ne pas penser, c’est essentiellement une question de volonté.

Mais la volonté me fuyait, je me sentais diminué. Inférieur. Minable.

Je ne pouvais pas le croire.

Je regardais avec rancoeur et jalousie passer des connes sans cervelle, que je couvrais autrefois d”un sourire condescendant.

Mais, bon sang, des conneries, j’en sais. J’en fais. J’en ai fait autrefois. Tout le monde en fait. Ca va forcément me revenir.

Mais ça ve venait pas.

J’allumais la télé.

Il y avait des conneries sur toutes les chaînes.

C’était facile.

Pour commencer, je n’avais qu’à me souvenir de ce qu’ils étaient en train de dire.

Mais rien. Le noir. J’étais bloqué.

Plus j’essayais, plus j’étais désespéré, plus l’angoisse montait, et plus les réflexions logiques se présentaient.