Ils viendront me chercher.

Un jour.

Maintenant, je n’ai plus de doute.

J’ai longtemps cru que pour vivre ensemble, il suffisait de vivre, quoi.

Tranquillement, sans emmerder personne.

De faire comme les autres.

De mettre ses pas dans les leurs.

De rendre plus de services que l’on nous en demande.

De se rendre un tout petit peu indispensable.

Mais ça ne leur suffit pas.

Ils n’aiment pas ce que je suis.

Et je comprends que si je changeais tout ce qu’ils peuvent me reprocher, même ce qui ne se change pas, ça ne leur suffirait pas. Ils trouveraient aisément autre chose.

Alors voilà, ils ne m’aiment pas.

Je ne suis pas le seul.

Il y en a eu beaucoup avant moi.

Ca s’est toujours fini de la même façon.

Un jour l’un d’entre eux, plus énervé, plus éméché, plus aigri que les autres devient plus véhément.

Ils lèvent leur désœuvrement de leur siège usé.

Et ils viennent vous chercher.

Avant, je me disais, qu’ils y viennent.

Tu as vu comment je suis bâti, je ne suis pas un gringalet.

Je me disais que je mettrais quelques gifles, que je casserais quelques gueules, quelques têtes, et que ça suffirait à disperser les autres.

Mais ce serait trop simple.

Une foule.

On ne résiste pas à une foule.

Elle vous prend, elle vous met en pièces.

Une foule imbécile.

Pas même un cerveau pour cent.

Des poings, des pierres, des injures, de la bave.

Et après plus rien.

Personne n’aura rien vu.

Je le sais, maintenant.

J’en ai vu tant d’autres comme moi.

Ils viendront, tôt ou tard.

Je ne les attends pas, mais je me tiens prêt.

Tout le temps.