On voit parfois des dindes.

Du moins, pour être honnête, que je remarque surtout les femelles.

Des sottes, pas toujours blondes, qui soulignent les limites de leurs propres capacités en premnant à témoin le monde des jugements qu'elles portent sur les autres.

Mais il existe aussi des dindons.

Je viens d'en croiser deux, dans un train de banlieue, du côté de la très bourge Saint-Cloud.

L'un d'eux, particulièrement, parfaitement brun, muni d'une voie de fausset, parlait bien plus fort que nécessaire pour se faire entendre de son compagnon, comme s'il espérait se faire entendre de tout le wagon (en quoi, il faut lui reconnaître le mérite d'avoir probablement réussi).

Notre dindon, donc, faisait la démonstration de sa vaste (et indisputée) érudition dans les programmes télévisuels de TF1, moquant la sottise et le peu de talent de tel vainqueur de la StarAc, ou le manque de voix de la gagnante de je ne sais quel autre programme.

Profitant des longues heures de patient visionnage consenties par l'intrépide gallinacé, j'apprenais ainsi que tel misérale (polonais, précisait-il) n'avait sû faire durer sa carrière, alors que J.P. montrait une vraie réussite en ayant obtenu la dignité de présentateur de vidéogag (consécration à nulle autre pareille, à ce qu'il semblait).

Je devinais ainsi l'existence d'un monde de mystères et de secrets, qui m'était resté jusque-là insoupçonné, et d'un univers de savoirs dont j'étais irrémédiablement exclu.

Mais je sais aussi que je n'ai guère de chances de m'amender, et que je continuerai à me complaire dans ma coupable ignorance.

Ayant ainsi résolu d'épouser la cause du mal, je les regardai descendre avec soulagement, deux stations plus loin.