Faute de pouvoir pour quiconque en faire davantage pour les guerrières disparues, les préparatifs du banquet solennel s'étaient poursuivis jusqu'au soir.

A présent, l'heure de l'ouverture approchait, et les princes étrangers commençaient à se présenter à la porte d'honneur.

Selon un habitude que peu se souciaient de remettre en question, les équipages se présentaient selon l'ordre de l'importance protocolaire.

Comme souvent, les habitudes s'étaient muées en traditions, puis les traditions en lois ancestrales auxquelles il était devenu presque impossible de déroger sans que quelqu'un y trouvât matière à relever un outrage majeur.

Ainsi vieillissent souvent les grandes civilisations, étouffées par le poids de ce qui faisait autrefois leur force et leur vitalité.

La petite noblesse des nombreux chevaliers, celle que l'on pouvait faire attendre, avait été reçue d'abord.

Il n'était pas d'usage de lui accorder plus d'attention que nécessaire, mais la reine avait soin de veiller à ce que chacun se sentît tout de même investi d'une certaine considération.

Un rafraîchissement léger avait été servi, auquel il n'avait guère été fait honneur, car il était d'usage que l'ont vint saluer avec ostentation les personnalités de rang supérieur qui se présentaient ensuite.

La salle d'apparat se remplissait ainsi progressivement, la petite noblesse à proximité de l'entrée, et du buffet d'accueil, et les personnes de plus haute qualité vers le fond de la salle, près du trône.

Plus encore que le spectacle de l'arrivée des équipages en armes au cours des jours qui précédaient, la vision de cette salle immense, rendue trop petite par cette formidable assemblée de grandes familles faisait prendre conscience de la fabuleuse puissance du royaume.

Maintenant qu'elle s'était introduite au palais et quelle avait franchi les contrôles les plus sévères, Miladee se découvrait - non sans surprise - presque complètement libre de ses mouvements.

Elle prenait seulement soin d'éviter de croiser la route du fameux sergent d'armes avec lequel elle avait eu maille à partir.

D'une part, elle tenait à préserver son anonymat et sa clandestinité.

Et d'autre part, doutait de sa propre réaction dans l'éventualité où elle se trouverait confrontée à l'infâme individu.

Elle craignait de ne pourvoir s'empêcher de lui sauter à la gorge - ou à quelque autre organe fragile de sa personne, ce qui aurait à coup sûr compromis sa couverture et son reportage.

A présent, elle s'était fait oublier dans une galerie en mezzanine, au dessus de la salle de réception, dont les tentures et les recoins permettaient d'observer tout à loisir sans se faire remarquer.

Elle était peu habituée aux ors et aux fastes du palais, dont elle n'avait entendu parler qu'à travers des revues spécialisées, qui en montraient régulièrement des philosogrammes, et dont elle était une lectrice assidue - et un peu honteuse.

Elle ne manquait jamais un exemplaire de son magazine "Voyez-vous ça", qu'elle achetait invariablement au numéro sans oser s'avouer à elle même sa dépendance pour enfin souscrire un abonnement.

L'élégance et le luxe extraordinaire de ce qu'elle voyait pour la première fois en vrai emportait son imagination.

Car bien que convoqués à une austère assemblée guerrière, aucun des princes invités n'avait manqué de faire la fastueuse démonstration de la dignité de son rang.

Sans les avoir jamais rencontrés, Miladee se surprenait à murmurer, enthousiaste, les noms et les titres de tous ceux qu'elle reconnaissait.