Toutes les torches s'étaient éteintes à l'instant où les quatre femmes avaient franchi la porte.

L'obscurité était totale.

L'air était empesté d'une odeur âcre et soufrée, qui renforçait l'impression d'une présence menaçante.

Maevina portait son épée nue, mais n'osait faire de mouvements avec, de peur de blesser ses compagnes, dont elle sentait la présence auprès d'elle.

"Combien sommes-nous, après tout ? demanda-t-elle finalement. Qui nous a suivies ?

- Je suis, là, ClandestinaRBemba, avec mon épée.

- Nous sommes là aussi, les deux gardiennes, Luitne et Tarmine.

Un grondement inquiétant s'éleva, un peu plus loin, mais ce bruit, qui venait comme une réponse était tellement incongru et inattendu que les quatre femmes ne purent complètement étouffer un éclat de rire. Après tout, il n'était pas inutile de faire tomber la tension.

- Eh bien, gardiennes, poursuivit Maevina, est-ce que par quelque bonheur, votre magie pourrait, nous fournir un peu de lumière ?"

Tarmine prononça une brève incantation, et les torches s'enflammèrent.

Après un bref instant d'éblouissement, les quatre femmes purent enfin examiner l'endroit où elle se trouvaient.

Il s'agissait apparemment d'une salle immense, dont la lueur des torches ne parvenait pas à éclairer les limites.

A en juger par l'aspect grossier du sol, il s'agissait probablement d'une grotte.

A la limite de leur champ de vision, des yeux et des silhouettes indistinctes semblaient se mouvoir.

Ce qui attira immédiatement l'attention des jeunes femmes, c'était un démoneau, à l'épiderme rouge écailleux, assis à peu de distance, haut de quelques pieds à peine.

Luitne, qui était la plus petite des quatre, le dépassait de plus d'une tête.

Son aspect était assez hideux, et son visage au teint verdâtre renforçait l'expression de rage intense qui y était inscrite.

Ses bras courtauds étaient terminés par des sortes de mains, ou de serres, énormes, disproportionnées, qu'il semblait masser douloureusement.

"Eh bien, démon, l'interpella Maevina. Voici plusieurs jours que tu essaies de franchir cette porte, et de pénétrer dans des royaumes qui te sont interdits. Tu as même laissé une de tes griffes de l'autre côté, ajouta-elle en remarquant une patte mutilée. Tu vas nous en rendre raison.

- Te voilà bien insolente, créature, répliqua le démon. Sache que c'est ici le royaume de mon maître, et qu'il n'y tolère aucune intrusion".

Comme Maevina approchait, l'épée nue, suivie par ClandestinaRBemba, le démoneau abandonna toute son arrogance et se mit à glapir misérablement.

"Ne le tuons pas tout de suite, suggéra ClandestinaRBemba. Nous avons besoin d'un guide pour retourner dans notre monde.

A regret, Maevina retint son épée.

- D'accord, mais il nous faut une laisse pour éviter qu'il ne s'échappe.

- J'ai peut-être ce qu'il vous faut, répondit Luitne. Cette corde tressée en crin de licorne devrait faire l'affaire."

A la mention des licornes, le démon se mit à geindre et à pleurer.

"Pas la licorne, suppliait-il. La licorne brûle."

Les quatre femmes n'en eurent cure, et il fut promptement entravé.

Lorsqu'il s'agitait un peu trop, la corde qui était partiellement vivante, se resserrait cruellement, occasionnant visiblement au démon une souffrance intense.

Luitne suggéra: "Je lui en mettrais bien une autre boucle autour des ...

- Ca ne sera pas nécessaire, coupa Maevina. Je pense qu'il se tiendra tranquille. A présent, démon, tu vas nous montrer comment retourner dans notre monde".

Le démoneau sembla se soumettre, et ils se mirent prudemment en route.

Ils n'eurent le temps que de franchir quelques pas.

Soudain, une sorte d'appel retentit.

Le démoneau semblait écrasé de terreur.

Il tirait sur sa laisse, ce qui avait pour effet de l'étrangler davantage.

Face contre terre, il sanglotait:

"Mon maître, mon maître, je suis prisonnier d'odieuses créatures. venez me sauver, mon maître".

Mais l'appel s'était tu.

Un silence menaçant était retombé, haché seulement par les sanglots du démoneau.

Au bout d'un instant, Luitne tira sur la laisse, et la troupe se remit en route.