Je n'arrête plus de penser à la femme du miroir.

Je me demande si mes collègues se posent des questions à propos du temps que je passe dans les toilettes.

Heureusement pour moi, je pense qu'en fait, qu'ils n'en ont rien à foutre et qu'ils n'ont rien remarqué.

Je ne contrôle pas vraiment le moment que j'observe, ni la durée de la scène qui m'apparaît, mais dans une certaine mesure, je peux choisir entre les événements anciens ou plus récents.

J'ai beau essayer, je n'ai pas réussi à retrouver un seul instant où l'inconnue a pu repasser dans ces toilettes.

J'imagine que ça signifie que ce n'était pas quelqu'un qui travaillait dans ce service, mais que c'était plutôt une visiteuse de passage.

En réalité, je n'arrive même pas à retrouver la scène où je l'ai découverte, et où elle est passée devant ce miroir pour la première fois.

Je dois me contenter de ce que ma mémoire me restitue.

En tous cas, ce qui est sûr, c'est qu'elle ne travaille pas dans ce service actuellement.

Je ne suis même pas sûr que la scène se déroulait alors que les locaux étaient déjà occupés par ma boîte actuelle.

D'après ce que j'ai entendu dire, l'immeuble a été autrefois un hôtel particulier, transformé en hôtel de tourisme après la guerre, et en immeuble de bureaux ensuite.

Mais la femme que j'ai aperçue avait des vêtements plutôt modernes.

Je me creuse la tête pour cuisiner les collègues qui sont dans le service depuis plus longtemps que moi, sans éveiller leurs soupçons.

Pour le moment, ça n'a rien donné.

A force de poser des questions, j'ai appris qu'il y avait un trombinoscope accessible sur le réseau, avec les photos de mes collègues.

Pas très complet, et pas très à jour, hélas.

Je l'ai parcouru attentivement, mais je n'ai trouvé aucune trace de mon inconnue.

Accessoirement, ce temps passé dans les toilettes m'a quand même permis d'en découvrir de belles sur certains de mes collègues.

La discrète intimité des lieux d'aisance convient à faire, pour certains, un parfait nid d'amour entre garçons, pour quelques personnes dont je ne soupçonnais d'ailleurs pas du tout l'inclination.

Personnellement, j'ai toujours trouvé que l'odeur d'urine rance était un parfait tue-l'amour, mais, bon, chacun ses fantasmes.