Lorsque l'appel retentit, Maevina et ClandestinaRBemba devisaient tranquillement dans un des jardins du palais.

L'après-midi n'en finissait pas, et le véritable spectacle - quand on n'était pas concerné par les préparatifs de la réception du soir - c'étaient les suites des princes convoqués qui continuaient d'arriver sans discontinuer.

Puis, il y eut cette sorte de trompe.

La sonnerie en elle-même était assez banale, et elle n'y eussent guère prêté attention sans la soudaine folie apparente qui s'empara soudain du personnel du palais.

Alors que les visiteurs étrangers se regardaient, interdits, les serviteurs et les soldats s'étaient mis à courir dans tous les sens, avec détermination, vers un but qui semblait leur avoir été assigné à l'avance.

Les deux jeunes femmes échangèrent un regard amusé en voyant passer un sergent rougeaud et transpirant qui essayait maladroitement de reboutonner ses chausses tout en courant.

"Eh bien, en voici un qui a été interrompu au plus mauvais moment ! remarqua ClandestinaRBemba.

- En effet, répondit Maevina, réjouie. On dirait qu'une bonne occasion a été perdue !"

ClandestinaRBemba attrapa au passage le bras d'un adolescent en livrée de page.

"Ou courrez-vous donc tous de la sorte, mon ami ? demanda-t-elle, un peu ironiquement.

- C'est l'alerte, Madame."

- L'alerte ?

Comme ClandestinaRBemba n'avait pas l'air de comprendre, il précisa:

- L'alerte de la porte. Tout le monde doit courir à son poste."

Sans laisser à la jeune femme le temps de le questionner davantage, il libéra son bras, et disparut.

En quelques minutes, l'ensemble de la place se vida de tous les gens du palais, laissant les invités et leur serviteurs ébahis et muets.

ClandestinaRBemba fut la première à se ressaisir.

"Il faut que j'en aie le cœur net, affirma-t-elle. Je veux savoir ce qui se passe".

Entraînant Maevina à sa suite, elle suivit un traînard empêtré dans ses armes.

Les soldat, apparemment, convergeaient vers un endroit mystérieux, au cœur du palais.

Toujours suivant le soldat maladroit, les jeunes femmes débouchèrent dans une vaste salle.

Sans l'avoir jamais vue auparavant, elles reconnurent immédiatement la célèbre salle de la porte, dont parlaient les légendes.

Elles étaient interloquées: On en parlait si souvent sans jamais la voir, dans des récits contradictoires, que comme tout le monde, elles avaient fini par douter de son existence.

En fait de porte, les soldats étaient rassemblés autour d'un puits fermé, armé d'un bardage de fer.

Les doigts crispés sur leurs épées, bien en apparence rien ne soit en train de se passer, ils n'en menaient pas large.

Un pas devant les hommes, Maevina reconnut les gardiennes, Tarmine et Luitne, en costume de cérémonie, munies des bijoux rituels et du grand bâton magique.

Maevina et ClandestinaRBemba s'approchèrent.

Les soldats ne se firent pas prier pour les laisser passer en avant.

Il y eut soudain un bruit étrange.

Pas très puissant, comme étouffé, mais horripilant, comme un ongle qui crisse sur un tableau.

La porte sembla se gonfler comme sous une énorme pression, puis la porte se souleva carrément, déformant les brides de fer.

Surmontant leur angoisse, les doigts crispés sur leur bâton, les gardiennes, qui avaient déjà vécu un événement semblable entreprirent les incantations prévues par les rites.

Une main ou une patte, griffue, noire, hideuse, se glissa par l'entrebâillement, essayant d'agrandir l'ouverture et d'agripper ce qui se trouvait à portée.

Les soldats reculèrent d'un pas, mais résistèrent à la tentation de prendre leurs jambes à leur cou.

ClandestinaRBemba dégaina son épée, Maevina sur ses talons.

Elle porta à coup à la patte noire, dont se mit aussitôt à couler un sang noir et fétide.

Un hurlement sinistre s'éleva, et la patte disparut.

La porte resta entrebâillée, mais plus rien ne semblait vouloir en sortir pour le moment.

Maevina approcha une torche du puis, essaya de scruter l'intérieur.

Elle jeta la torche à l'intérieur, qui grésilla un moment, avant de disparaître.

Maevina échangea un regard avec ClandestinaRBemba.

"Mon épée a encore soif, répondit celle-ci à la question muette.

- Allons-y, alors. Enfin un peu d'action", conclut Maevina.

Elle s'engagea dans l'ouverture, aussitôt suivie par sa compagne.

Les gardiennes se regardèrent, indécises.

Mais elles étaient encore habitées par la culpabilité de leur aventure précédente.

Elles finirent par se décider, et suivirent à leur tour.

Elles n'eurent pas plus tôt franchi la porte que celle-ci se referma, dans un craquement énorme.