Autour de la porte, les laborateurs technologiens s'affairaient, sous les ordres d'une Lili impatiente.
Ils achevaient de mettre en batterie un grand révélateur, une version agrandie et perfectionnée du révélateur philosophal portatif dont Lili ne se séparait jamais.

L'installation dura encore de longues minutes.
Lili marchait de long en large, enjambant les câbles.
Elle avait proposé à la reine d'effectuer un sondage philosophal de la porte pour essayer de repérer la présence des guerrières disparues.

Utilisés d'une manière appropriée, les révélateurs permettaient d'observer au-delà d'un mur ou d'une cloison légère.
Cette observation n'avait jamais été tentée sur la porte, mais c'était l'occasion d'essayer.
La reine avait accepté la proposition avec empressement.
Sur ce grand modèle, le cadran cerclé de cuivre n'était pas intégré à l'appareil, mais était inséré sur une console, légèrement à l'écart.

Il émettait une lumière jaunâtre, qui éclairait le visage du laborateur.
Des observations aussi précises ne pouvaient être effectuées que par des laborateurs spécialisés, et Lili ne pouvait les effectuer elle-même.

Elle devait réfréner son envie de harceler les laborateurs pour les inciter à se dépêcher.
Elle savait qu'ils donnaient le maximum.
Inutile de les gêner en leur communiquant son impatience.
Autour de la scène, maintenue à distance par un cordon de soldats, une foule de curieux mêlant princes étrangers et serviteurs se pressait.

Au premier rang, de cette assistance, Ar Valafenn rongeait son frein.
Depuis l'annonce de la disparition, il ne décolérait pas.
Il accompagnait Maevina et ClandestinaRBemba depuis leur arrivée, partageant leur ennui, et voilà qu'il avait suffi qu'il s'éloigne un instant pour qu'elles disparaissent dans une aventure.

Entre ses dents, il maudissait en armoricien et dans toutes les variantes du saxangloyen l'urgence impérieuse qui lui avait suggéré un moment de retraite et d'isolement.

Mais pour le moment, il n'avait rien d'autre à faire qu'à attendre, en serrant le poing sur le pommeau de son épée.
Dans son agitation, il pourvoyait avec libéralité ses voisins en coups de coude et en ruades.
Mais ceux-ci, ayant remarqué les insignes de son rang s'efforçaient de l'ignorer.
Il finit tout de même par piétiner sans beaucoup d'égards les pieds de sa voisine.
Miladee, qui avait profité de la cohue pour se glisser au premier rang et reprendre sa pêche aux informations n'osa pas protester.

Elle se contenta de mettre un peu d'espace entre ses membres meurtris et l'énergumène en jupe.
Elle n'osait pas sortir son calepin pour prendre des notes, mais ne perdait pas une miette des événements observant tout autant les spectateurs que le spectacle.

Assurément, aucun journaliste de la cité ne pourrait prétendre avoir une meilleure source sur ce qui se passait ce soir-là.

Son article promettait de rester légendaire.

Enfin, le laborateur devant le cadran annonça que la machine était prête, et que l'observation commençait.
La foule s'était tue, mais ne parvenait pas à saisir la conversation échangée à voix basse entre Lili et l'opérateur.
Finalement, le ton de la conversation monta un peu, et les curieux les plus proches parvinrent à en saisir quelques bribes.

"Une cavité, la belle affaire, s'impatientait Lili, mais de quelles dimensions ? Voyez-vous quelqu'un ou quelque chose d'autre ?

- Une grande salle, c'est tout. Les limites sont hors de la portée de l'observation. Et il y a une torche éteinte près de la porte.

- Elles n'ont donc pas pensé à rester près de l'ouverture! s'agaça Lili.
- Elles sont probablement parties trouver un autre passage. Ou alors..."
Les deux technologiens n'eurent pas besoin d'en dire davantage.
La foule qui s'était tenue calme jusque là se remit à discuter avec animation, disant son inquiétude et sa résignation.
Mais bientôt, des cris s'élevèrent, réclamant le silence, et la rumeur s'apaisa.
Lili poursuivait:
"Eh bien, si l'observation de la salle ne nous révèle rien, examinons la porte. Voyez-vous quelque chose de son mécanisme ?"

Le laborateur s'affaira un instant, modifiant des réglages.
"Il n'y a pas de mécanisme, Madame. Seulement un bardage de fer, comme de ce côté, mais à peu près arraché par la créature qui voulait passer.

- Alors, s'exclama Lili, préoccupée, c'est que le verrou de cette porte doit être de nature magique".
Elle n'en dit pas plus, mais dans l'assistance, chacun compris que l'art des technologiens serait impuissant à ouvrir cette porte-là.