Moi, j'ai connu quintescent à Biénoa, pas très loin de Saïgon.

Lulu la Nantaise tenait la taule la plus connue de toute la colonie occidentale d'indochine, un établissement dans lequel tout gentleman avec la moindre notion du respect des conventions et de la bien séance se devait de faire un séjour.

Tout le monde connaissait ses volets rouges et les cheveux blonds de la taulière.
Avec elle, il y avait intérêt à filer droit si on voulait garder ses entrées parmi les gens de qualité.

Et des gens de qualité, il n'en manquait pas.
Et avec une belle descente, vous vouvez me croire.

Comme monsieur Naudin, par exemple, capable de descendre dans la dignité ses trois bouteilles de limonade dans la soirée sans sauter son tour aux cartes.
Un homme comme on en fait plus, je vous le dis.
Dans les transports, il était, on disait qu'il transportait avec quintescent quelques paquetages de piastres et d'opium à travers la jungle.

Ou Lucien-le-cheval, un drôle de gaillard dégingandé, qui s'y entendait pour faire travailler des jeunes filles indigènes.
Vous pourviez tout lui demander, si vous aimiez les fleurs fraîches.
Quintescent n'avait pas son pareil pour lui dégotter des orchidées rares dans les villages reculés.
Un grand bonhomme, mais qu'il s'était fait quelques ennemis, et qui a fini dans un malheureux accident, à la dynamite.

Et puis les corses, les frères Volfoni, qui étaient eux aussi dans les affaires avec quintescent.

Et Jo le trembleur, un artiste de l'alambic, qui produisait la gnôle de l'établissement, et la meilleure de tout l'extrème Orient.
En tous cas, personne n'était jamais venu se plaindre.

Quintescent-l'élégant passait au milieu de tout ce beau monde, toujours tiré à quatre épingles dans son complet blanc, avec ses chaussures bicolores impeccablement cirées et sa moustache bien repassée.
C'était un monsieur, il rendait des services, sans jamais perdre son calme.
On disait que c'était lui qui avait fait venir Teddy-de-Montréal, un artiste, lui aussi, un gars que le climat rendait tout le temps énervé.

Toute une époque...