Au fond d'une crypte retirée et bien gardée du palais, Tarmine, la gardienne de la porte et Luitne, la gardienne des clés examinaient les pierres d'un oeil inquiet.

Les changements de couleur et d'aspect des pierres de la porte, qui suscitaient l'inquiétude la reine depuis quelques semaines s'accéléraient sans cesse.

Selon les prophéties, ce changement était l'annonce d'événements importants et terribles.

Malgré l'importance de leur charge et de leur responsabilités, Tarmine et Luitne n'étaient pas informées de la nature exacte de la porte et surtout de ce qui se trouvait derrière.

Ce secret était détenu par deux personnes seulement dans tout le royaume: la grande druidesse et la reine elle-même.

Il ne pouvait être transmis que sur un lit de mort.

Une loi non écrite, mais appliquée avec sévérité, stipulait que quiconque prenait connaissance indûment de ce secret, par ruse ou par accident devait être mis à mort sur le champ.

L'existence de la porte elle-même était un secret réservé à un tout petit nombre de personnes.

Au bout du compte, la seule information qu'on avait jugé nécessaire de communiquer aux gardiennes lors de leur prise de charge, c'était que la porte existait, qu'elles répondaient de sa sécurité sur leur vie, et que l'avenir du monde dépendait de cette porte.

Naturellement, elle ne savaient pas comment cette porte s'ouvrait, ou comment elle pouvait être refermée après son ouverture.

La porte elle-même se réduisait à un cercle de couleur différente dans le dallage de la crypte.

Au premier abord, on aurait pu penser qu'il s'agissait simplement d'un motif de carrelage.

Le centre du cercle était occupée par une dalle de pierre grise.

On devinait que l'ensemble formait l'entrée d'un puits bouché.

Les pierres de la porte proprement dites étaient une douzaine d'hémisphères d'aspect minéral, de la taille d'une grosse pomme, disposés régulièrement sur le pourtour de la porte.

En temps normal, ces pierres ressemblaient à de grosses boules décoratives de verre noir, sans aucun intérêt particulier.

Depuis que l'activité avait commencé, elles semblaient traversées par intermittence de lueurs fuligineuses de diverses couleurs, et on croyait deviner quelque chose de vivant à l'intérieur.

La reine avait ordonné que désormais Tarmine et Luitne se relaient sans discontinuer auprès des pierres, pour donner le signal aussitôt qu'une anomalie plus significative surviendrait.

Pendant la journée, elles veillaient ensemble.

Soudain, le bouchon du puits sembla se dilater et se soulever, puis revint à sa place comme dans un soupir, et une sorte de brouillard laiteux enveloppa la porte, mais sans se répandre dans la crypte.

Les pierres scintillaient avec frénésie.

Puis tout cessa aussi soudainement que cela avait commencé.

Le brouillard s'était dissipé sans laisse aucune trace.

Les deux gardiennes se regardèrent, comme pour se confirmer qu'elles n'avaient pas rêvé, tant l'événement avait été fugace.

Mais elles ne doutèrent pas longtemps.

Au bord de la porte, un morceau d'une sinistre griffe noire et torsadée avait été abandonnée par son mystérieux propriétaire.