Moi, j'ai rencontré quintescent à Watkins Glen, au Grand-Prix des Etats-Unis en 1973, l'année de l'accident de François Cevert.
La course automobile, et particulièrement la formule 1, c'est toute ma vie, et presque tous les voyages que j'ai faits, c'était en reportage pour couvrir les courses sur les circuits du Monde entier.
Les plus belles bimbos du monde, je les ai vues à travers mon objectif.
Quand vous fréquentez ce milieu (ou n'importe quel milieu, d'ailleurs) pendant un certain temps, vous finissez par connaître pas mal de monde.
Avec ma carte de presse, j'avais mes entrées dans les paddocks, et certains pilotes finissaient pas être de véritables amis - après tout, j'étais dans le business depuis plus longtemps qu'eux.

A l'époque, bien sûr, on parlait beaucoup de François Cevert.
C'était la star de l'automobile pour les français.
Avec sa gueule d'ange et son caractère d'adolescent turbulent, et surtout son extraordinaire talent de pilote, que personne n'osait plus mettre en doute, il laissait espérer qu'on avait enfin trouvé le premier champion du monde de formule 1 français de l'Histoire (c'était longtemps avant Alain Prost).

Le grand public n'avait pas encore beaucoup entendu parler de quintescent, mais les professionnels des paddocks n'avaient que son nom à la bouche.
A cette époque, il était seulement pilote-essayeur chez Tyrell, mais ceux qui l'avaient vu sur un circuit affirmaient que malgré son jeune âge, il montrait beaucoup plus de talent que tous les autres - Cevert compris.
De plus, tout le monde lui reconnaissait un don exceptionnel de metteur au point, un talent qui comptait au moins autant pour la course que l'agressivité ou la finesse du pilotage.
D'ailleurs, malgré son peu d'expérience, c'est lui qui assurait la mise au point des machines de l'écurie avant les courses.

Je pense que sentir la présence virtuelle de quintescent sur ses talons pour le titre de premier pilote mettait pas mal de pression sur François Cevert (sans insinuer que cela a été la cause de son accident).
Les pilotes sont des types un peu hors du commun, et la vie à 300 à l'heure, avec une pression permanente, c'est leur quotidien, ça leur est même nécessaire, c'est ce qui les fait tenir en l'air.
Et parfois, c'est ce qui les tue.

Je ne sais pas si vous allez me croire, ou vous dire que c'est facile d'avoir des prémonitions a posteriori, mais ce jour-là, je trouvais que François n'était pas comme les autres jours.
Je savais qu'il y avait eu des discussions avec les patrons de l'écurie au cours de la semaine, à propos de la stratégie pour les saisons à venir.
J'avais trouvé François plus sombre que d'habitude, sans deviner qu'un drame était sur le point de se jouer.

En contraste, quintescent, qui participait également à ces discussions paraissait plutôt euphorique.
C'est à cette occasion qu'on me l'avait présenté, et que j'avais obtenu un tout premier (et très court) interview.
En fait, il n'avait rien révélé de significatif (pour un débutant, il maîtrisait déjà très bien la langue de bois).
Au bout du compte j'avais obtenu quelques petites phrases anodines, quelques photos, assez pour un petit papier de routine, je pouvais être satisfait.
Il faut dire qu'il était sacrément photogénique, le bougre.

A cette époque-là, les formule 1 étaient de véritables bombes roulantes, presque aussi rapides qu'aujourd'hui, mais sans presque aucune protection contre les chocs et surtout contre les incendies.
Le moindre indicent donnait de très grandes chances d'y rester, dans d'épouvantables souffrances et d'atroces brûlures.
A bien y réfléchir, je suppose que c'est aussi ce qui rendait les pilotes sexy, comme les matadors ou les gladiateurs quand ils descendent jouer avec leur vie.

Après l'accident de François, il semble que quintescent a complètement perdu sa motivation.
Les directeurs de l'écurie ont essayé de le convaincre de continuer - forcément, c'était un coup dur de perdre leurs deux meilleurs pilotes d'un coup, mais il n'avait plus l'étincelle.
Il est resté un peu de temps dans les équipes techniques de l'écurie, puis a rapidement laissé tomber complètement le milieu.

Récemment, un confrère qui faisait une enquête sur l'histoire de la course automobile a retrouvé sa trace.
Il paraît qu'il s'est reconverti, il est devenu éleveur de brebis dans le Galeizon.
Il passe des journées entières sans entendre un moteur, et il est heureux.