lundi 21 mai 2007
Bel et rebelle
Par quintescent, lundi 21 mai 2007 à 19:04 :: Uchronique
Chapitre 11
Je crois que j'ai une ouverture.
Jaurès de l'Avenue in Les Bronzes.
Le bon prince-démocrate Nicolas de Sarcotie, surnommé 'le bienveillant' par ses électeurs aimants, ne pouvait décemment pas être bienveillant avec tout le monde (nul n'y est tenu).
Il était de sa responsabilité d'exercer toute l'intransigeance de la justice et de la loi à l'égard des impudents qui menaçaient l'intégrité de la société et des compagnies amies.
Il se trouvait ainsi des personnages qui tentaient de remettre en cause la délicate architecture de la société, dont Nicolas de Sarcotie était le garant et dont il devait répondre devant les conseils d'administration des 'sponsors' (gardiens sacrés de l'orthodoxie).
Parmi ces intrépides, il se trouva un jeune esclave, dénommé Fransois de Roubaix qui tenta de soulever des forces pour remettre en cause ce fragile équilibre.
Fransois de Roubaix avait subi un entrainement pour combattre dans la reine (une surprenante distraction très populaire à l'époque, mais dont les motivations et les modalités pratiques nous échappent encore).
A cette fin, il avait reçu une formation pour conduire un tracteur (sorte de char de combat à huile de pétrole) orange (notez ce détail, car il fit plus tard de cette teinte sa couleur emblématique).
L'usage voulait qu'on baptise chaque tracteur de combat d'un nom spécial, ou 'marque', et celui de Fransois de Roubaix était appelé Renault (en hommage à un chanteur alcoolique à foulard rouge, très admiré à cette époque à cause de son rôle de mineur dans un film de majeurs).
Ces tracteurs étaient mus par un grand nombre de chevaux, souvent plusieurs dizaines, parfois plus de cent, ce qui supposait une coordination et une condition athlétique hors du commun pour les mener, ainsi qu'un grand nombre d'assistants pour pelleter le crottin.
On sait peu de chose de la condition de vie des esclaves contraints de se battre dans la reine, mais celles-ci étaient vraissemblablement très dures, particulièrement quand cette dernière était vieille et coriace.
De plus, tous les textes semblent montrer que ces conditions tendirent à se dégrader à l'époque des guerres contre les Ollandais, en particulier au moment où Nicolas de Sarcotie affronta la Suglend royale de Ollande.
Faché quelque peu par les conditions effroyables qui étaient faites à lui-même et à ses compagnons d'infortune, Fransois de Roubaix prit la tête d'une révolte contre Nicolas de Sarcotie.
Pour se rendre complètement méconnaissable, et éviter les représailles à l'encontre de sa famille, il inversa les deux syllabes de son nom, et adopta le nom de Fransois de Bairoux, sous lequel on le connait généralement, et s'inventa une ascendance du Béarn, car il en appréciait particulièrement la sauce à base d'estragon, surtout avec le steack tartare.
Il réussit à réunir autour de lui une centaine de malheureux, si bien qu'on surnomma bientôt cette rébellion la 'révolte des 100 tristes'.
Fransois de Bairoux, quant à lui, rêvait depuis longtemps d'une appellation plus élégante: le 'P.D.', mais ses compagnons les plus virils ne se montrèrent guère enthousiastes pour cette suggestion, lorqu'il leur en fit part.
Comme l'un des révoltés venait de se faire installer d'ADSL, à l'égard duquel il ne tarissait pas d'éloges, ils optèrent finalement pour le 'modem', et chacun se réjouit qu'il ne se soit pas fait installer une machine à café expresso.
Ils envisagèrent même de se faire un blog.
Fransois de Bairoux tenta de se rapprocher de la Suglend royale après la première bataille, espèrant que la victoire de celle-ci lui permettrait d'obtenir l'affranchissement de ses compagnons et de lui-même, ou du moins qu'on lui permettrait de devenir propriétaire de son tracteur.
Malheureusement pour Fransois de Bairoux, la Seglund royale fit bientôt la preuve qu'on ne pouvait pas compter sur une gonzesse pour assumer ce genre de responsabilité.
La réplique de Nicolas de Sarcotie fut alors sévère, mais juste.
Il offrit un siège aux compagnons de Fransois de Bairoux qui se soumettraient.
Comme ceux-ci étaient debout depuis très longtemps et rêvaient de s'asseoir, à cause de leurs jambes lourdes et de leur mauvaise circulation, la plupart se dirent 'au diable la varice', et consentirent à se rallier à lui.
Ainsi que c'était l'usage et la bonne justice à l'époque, Nicolas de Sarcotie fit crucifier au bord des autoroutes les rares parmi les 100 tristes qui refusaient d'abjurer leur vaine fidélité, sur des poteaux oranges (à la couleur des rebelles) spécialement plantés à cet effet, munis d'un interphone pour appeler en cas de danger.
Mais naturellement, la ligne d'assistance ayant été délocalisée au Maroc, il y avait un délai d'attente insupportable quand les suppliciés voulaient porter réclamation, ce qui ajoutait encore à leur souffrance.
On peut encore trouver les vestiges de ces poteaux de supplice sur des tronçons d'autoroute de l'époque classés monument historique.
Fransois de Bairoux continua sa lutte finale plusieurs années encore, entièrement seul, mais toujours habité par son ambition centrale, et il demeure comme le symbole de la résistance au pouvoir.