Chapitre 16

Souriez, le petit oiseau va sortir.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


Au début du premier mandat de Nicolas de Sarcotie, un vaste débat traversa la société Europaine.

Il s'agissait de déterminer le statut des enfants conçus par les femmes qui s'étaient donné quelques plaisirs et attouchements devant la photo officielle du prince-démocrate sans avoir surveillé leur courbe de température avec suffisament de rigueur.

Les nombres de plusieurs centaines de milliers avancés par certains chroniqueurs de l'époque sont probablement fantaisistes, même en tenant compte de la virilité proverbiale de Nicolas de Sarcotie.

On pense aujourd'hui qu'ils atteignirent un nombre de quelques dizaines tout au plus la première année, nombre qui s'accrut progressivement tout au long du mandat pour atteindre un maximum d'environ 3500 l'année de sa première réélection.

Même ainsi ramenés à des proportions plus vraisemblables, ces nombres restent considérables, et posaient de sérieux problèmes aux juristes.

Des problèmes de droits et de protocole en premier lieu, car il s'agissait de savoir si ces enfants pouvaient prétendre à une part d'une succession éventuelle, au même titre que les autres enfants du couple Nicolas de Sarcotie - Cécellela de Sarcotie et tous leurs ex.

Le grand nombre de ces descendants supposés réduisait d'autant les parts, même en contrôlant parfaitement les marchés publics, les taxes intérieures sur les produits pétroliers et les jeux de hasard, et les opportunités pour créer de nouvelles taxes n'étaient pas nombreuses.

De plus, en raison de sa louable politique de réduction du train de vie de l'état, qui le contraignait à limiter le nombre de ministères (dont la moitié étaient réservés à des femmes, et par conséquent improductifs), Nicolas de Sarcotie s'interdisait, malgré l'ampleur du problème, de créer un ministère spécialement destiné à gérer le problème de ses enfants putatifs.

Par ailleurs beaucoup interrogeaient sur la véracité de ces paternités, qui étaient rarement établies avec certitude.

Rappelons qu'à cette époque, les techniques de génie génétique, notamment l'amplification automatisée de l'ADN en était à ses balbutiements, et que ces techniques très onéreuses étaient réservées à des nécessités impérieuses, comme l'identification judiciaire dans les cas d'homicide ou de vol du scooter du fils du ministre de l'intérieur.

Chaque paternité revendiquée entrainait nécessairement des enquêtes approfondies par des agents de police ou des gendarmes qui devaient se débrouiller sans avoir jamais aucune formation de généalogie ou de gynécologie.

Les procédures duraient parfois des années, d'autant que les enquêteurs devaient ensuite taper des rapports avec deux doigts sur un ordinateur dépourvu de commande vocale.

A côté de cas relativement indiscutables, comme celui de femmes de détenus qui n'avaient pas vu leur mari depuis plusieurs années, il existait des cas plus douteux, comme des enfants noirs apparus dans des familles blanches certifiées.

Les historiens tendent désormais à penser qu'environ 27% de ces naissances sont réellement imputables à Nicolas de Sarcotie.