Chapitre 15

Télé prise qui croyait pendre.
Jaurès de l'Avenue, in
La Protohistoire


Les archives de la télévision sont des documents importants pour connaitre la vie quotidienne des citoyens au temps de Nicolas de Sarcotie.

C'est le moyen principal qui nous permet aujourd'hui encore d'évaluer le niveau de développement culturel, social, technologique et spirituel de la société de cette époque.

La spiritualité était omniprésente, et on sait par exemple que chaque prise d'aliment au cours des repas s'intégrait dans un rite, une sorte de 'bénédicité', qui stipulait que ce dernier devait être accompagné d'une incantation à www.mangerbouger.fr, comprendre au minimum cinq fruits et légumes végétaux naturels frais par jour et être suivi d'exercice.

Nos recherches ne nous ont pas encore permis de déterminer de quel exercice il s'agissait, ni à quelle fin cet entrainement était destiné, mais cette nécessité était toujours rappelée avec force, et on le pratiquait de façon si universelle et courante que les auteurs ne se souciaient jamais de préciser en quoi il consistait, ce qui agace quelque peu les historiens d'aujourd'hui.

De la même façon, chaque prise de liquide était accompagnée d'une formule rituelle rappelant le caractère néfaste de la boisson, qui invitait à l'abstinence et à la modération.

Un verre était toléré, à ce qu'il semblait, mais on vouait, par un 'bonjour' symbolique et ironique, celui qui en consommait trois à la peu enviable malédiction des dégâts, qui attirait sur lui le courroux de la 'mère-échaussée', ainsi qu'on appelait la cohorte vengeresse des anges bleus de Nicolas de Sarcotie, à laquelle la boisson était normalement réservée, selon une tradition séculaire, et qui défendait jalousement ce privilège.

On suppose que ces rappels contradictoires associant une consommation, une malédiction, un café (optionnel) et l'addiction étaient un rituel destiné à rappeler la vanité des entreprises humaines, et à inciter les citoyens à l'humilité.

On ignore si la non-application de ces rites était associé à un barème de sanction particulier, mais il est vraisemblable que des formes de contrition et d'expiation, voire de confession publique aient été pratiqués.

Plusieurs archives d'émissions, dirigées par de célèbres officiants de cette époque, comme le légendaire Jean-Cul de la Rue ont été retrouvées dans un remarquable état de conservation.

Elles nous permettent d'en apprendre beaucoup sur le système judiciaire de l'époque.

On y voit les repentants affublés de costumes infamants et grimés de façon ridicule présentés au public rassemblé pour les juger.

Les coupables eux-mêmes, conscients du caractère inexpiable de leur péché, semblaient consentir d'assez bonne grâce aux dernières humiliations auxquelles on les soumettait, après les avoir contraints de confesser leur faute, parfois même en présence de leur famille humiliée avec eux.

La condamnation sans équivoque était manifestée par le jury furieux en frappant violemment ses mains l'une contre l'autre, dans un geste d'écrasement symbolique du Mal et de son représentant sur Terre incarné par le sujet.

La plupart du temps, l'humiliation était telle qu'il n'était plus jamais nécessaire de convoquer à nouveau les délinquants.

Les récidivistes indécrottables revenaient en deuxième semaine, pour renouveller leur traitement.

Un autre célèbre juge d'instruction, le célèbre Jean-Pierre de Faucul, luttait d'une toute autre manière pour la défense de la modestie dans la société.

Il était plus particulièrement chargé de traquer et de démasquer ceux qui voulaient toujours avoir le dernier mot, et qui, à cause de ce redoutable défaut faisaient montre d'un grave manque de sociabilité et de convivialité.

De nos jours, bien des années plus tard, ce défaut n'a malheureusement toujours pas complètement disparu, il faut bien le reconnaître.

A cette époque, Jean-Pierre de Faucul, le magistrat inexorable, posait et reposait sans relâche la fatidique question qui devait démasquer les asociaux, pour découvrir s'ils déclaraient le dernier mot.

Comme ils avaient le Mal et la cupidité chevillés au corps, ça marchait à tous les coups.

Mais la punition la plus sévère et la plus crainte était l'Eurovision, ainsi nommée parce qu'elle exposait les criminels suppliciés à la vue de tous les Europains.

Les infortunés soumis à cette épreuve devaient plaider leur cause en prononçant, en signe de repentance, une chanson spécialement sélectionnée pour sa mièvrerie absolue.

Mais en réalité, ça ne servait à rien, les jugements étaient établis d'avance, selon des critères probablement évidents et rigoureux aux yeux des Europains de l'époque, mais qui sont à présent totalement inaccessibles à nos moyens d'exploration scientifiques et à notre entendement.

En pratique, il s'agissait juste de se payer leur tête, pour se la repasser ensuite dans les bestophes (recueils des minutes des procès, conservés pour les générations futures).

Le jugement était sévère et expéditif, et les 'poïntz' marqués au fer de l'infamie résonnaient longtemps à leur oreilles et poursuivaient les condamnés jusqu'à la fin de leurs jours.

Comme la condamnation était publique dans toutes les contrées d'Europe, nul refuge ne leur était laissé, même au fond des plus sombres forêts de Poméranie ou du Bulgaristan.

Il ne leur restait comme seul espoir que la miséricorde d'un oubli rapide.