Chapitre 12

Y a que les imbéciles qui ne sont pas de mon avis.
Jaurès de l'Avenue, in 
 La Protohistoire.


Les historiens ont longtemps débattu du pouvoir de guérison attribué à Nicolas de Sarcotie.

De nos jours encore, ces pouvoirs paranormaux sont regardés avec scepticisme par les scientifiques, et on considère le plus souvent que les rapports qui en sont faits témoignent surtout de l'ignorance et de la superstition de ceux qui les rapportent.

Malgré tout, beaucoup d'historiens sont aujourd'hui convaincus que des guérisons inexpliquées sont intervenues, corroborées non seulement par des témoignages, mais par des preuves archéologiques moins discutables, telles que l'analyse des restes des patients concernés.

La socialite était alors un mal répandu en Europe, sans toutefois jamais atteindre l'ampleur des grandes épidémies de fièvre rouge de l'est et de l'Asie.

Tous n'en mourraient pas, mais tous en étaient atteints, et tous en souffraient.

Certains textes, qui fournissent des témoignages de surprenantes faiblesses à certaines occasions, laissent à penser que Nicolas de Sarcotie lui-même aurait pu en être affecté à certaines périodes de sa vie.

L'ensemble des pipôles (l'élite) d'Europe montrait des signes de la maladie, à des stades parfois avancés.

Quant à la cour de Ollande, la socialite y était tellement répandue qu'elle était complètement intégrée et admise.

A cet égard, les Ollandais faisaient montre d'une tolérance bien plus grande que celle des Europains, puisqu'il était courant de se reconnaitre ouvertement atteint de socialite, en continuant d'exercer ses fonctions.

On vit même des malades atteints de communite, la forme la plus morbide de la socialite, exercer leur charge jusqu'au bout, dans une certaine dignité.

En comparaison, pour les Europains, la socialite était vécue douloureusement, comme une maladie honteuse, et les gens avaient du mal à se défaire du préjugé qui consistait à croire que les malades étaient responsables de leur maladie.

Nicolas de Sarcotie était ému jusqu'au fond du coeur, et révolté par les condition qui était faite à cette bande de malades.

Il interdisit formellement qu'on enfermât les malades de socialite dans des sanatoriums spécialisés, comme certains l'avaient suggéré pour se prémunir de la contagion.

Mieux que cela, il osait toucher des malades de socialite sans gants, ni vitre protectrice, ni préservatif.

Il fit venir de Ollande de grands princes, malades de cette affection, bien qu'ils fussent ennemis.

Il les fit s'agenouiller devant lui, lui lécher les pieds (surtout entre les orteils), leur imposa les mains et les sauva de la terrible maladie.

Le prince Bernacle de Cochenère fut ainsi sauvé, et Nicolas de Sarcotie en fit son ministre.

Le mage Hérique de Baisons, qui avait autrefois fait le thème astral et promis la victoire à la Suglend royale, à cause de l'aveuglement induit par la socialite, fut guéri lui aussi, devint un devin raisonnable au lieu d'un devin vain, et fut fait secrétaire.

Europe souffrait également d'autres maladies épouvantables, telle la front nationalite.

Les malades atteints de ce mal voyaient leur front pousser vers l'intérieur et réduire inexorablement l'espace disponible pour le cerveau.

Par une action énergique, de sévères mesures d'hygiène et des bras accueillants, Nicolas de Sarcotie parvint à éliminer presque complètement la maladie, y compris une forme toute nouvelle, récemment apparue, qui affectait principalement les gars de la Marine.